37 - Petit coins de paradis

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Six mois plus tard

Les médias en ligne ne parlent que de ça aujourd'hui. La date anniversaire de la condamnation de David Blake - un homme d'affaire ultrapuissant au cœur de « l'affaire criminelle qui a secoué l'Amérique toute entière » il y a presque dix ans.

Rien que ça.

Si il y a bien une chose qui n'a pas changé en dix ans, c'est la passion des journalistes pour l'extrapolation de n'importe quel titre capable de faire des millions de clics. Quoi que... Un trafique d'armes et de stupéfiants, un meurtre, une cavale, une fille à moitié flic complice, une autre victime d'un accident pas si accidentel, et un retournement de situation digne de Game of Thrones où le vrai coupable s'avère être une personnalité à l'image médiatique parfaite... J'avoue qu'on a fait fort.

En ce jour anniversaire, les articles, talk-show et autres vidéos reprennent tous les dessous de l'affaire, en prétendant à chaque fois révéler de supposées nouvelles informations très « croustillantes ». Le nom de Ian est évidemment cité toutes les deux minutes. Le miens aussi, parfois. Je sais que je n'ai pas vraiment à me plaindre, mais je ne peux pas dire que ce soit franchement agréable. Pour quelqu'un qui déteste être au centre de l'attention, on peut difficilement faire pire...

Là où j'ai tout de même réussi à émettre un sourire, c'est lorsqu'un podcast a rappelé la participation de Carter Winston dans ce fait divers - mon collègue puis bourreau, plus que jamais relié à la mort d'Austin Blake, et tué par balle lors d'une tentative d'évasion ayant mal tourné il y a deux ans. Ils étaient cinq détenus à vouloir s'évader. Pour la plupart, Carter compris, il ne leur restait plus que trois ou quatre ans de captivité. Et dire que j'étais effrayée par ce mec... Un vrai débutant.

- Qu'est-ce que tu regardes ?

Ian me rejoint dans le salon et je quitte rapidement la vidéo que j'étais en train de visionner, celle où la journaliste Cecilia Van Houten faisait un énième récap de cette histoire, aussi personnellement connue sous le surnom « Cece ». Croyez-le ou non, mais elle et moi sommes restées en contact depuis l'épisode où elle nous ait venu en aide à San Francisco. Je dirais même qu'on est devenues amies, ce qui agace un tout petit peu Lynna. Au lycée, c'était elle la sociable qui avait un million de copines. Elle n'a jamais été habituée à me partager.

- Rien, je mens tandis qu'il me tend une casserole et une petite cuillère.

Ian n'insiste pas. En réalité, il sait très bien ce que j'étais en train de regarder depuis une heure - lui le premier, c'est une date qu'il ne pourra jamais oublier. J'aurais pu lui dire la vérité mais disons que c'est un sujet qui lui est encore très sensible. Aujourd'hui encore il m'arrive de surprendre son regard se perdre dans le vide, ou ses muscles se contracter dès qu'un inconnu l'approche d'un peu trop près.

D'une moue digne d'un critique gastronomique, je goûte la sauce aux champignons qu'il me présente, celle censée accompagner le rôtis de bœuf qu'il cuisine depuis ce matin. C'est délicieux, mais je suis une jalouse qui n'est même pas capable de cuisiner correctement des pâtes, alors je rétorque :

- Bof.

Ses joues se creusent dans un sourire.

- Je prends ça pour une validation.

Je lui tire la langue et abandonne définitivement mon portable sur la table basse. J'ai fait assez de recherches obsessionnelles pour la journée.

- C'est super bon, capitulé-je après deux minutes de combats verbales, mais t'es sûr que t'as pas oublié à qui tu avais affaire ? Je crois que Lynna en est même venu à faire des partenariats avec Burger King...

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