OUTSIDERS

32 - New York, New York

Six ans plus tard

PDV IAN

— Bonjour à toi, beau gosse. Pas trop dur le réveil ?

D'humeur grincheux, j'ignore l'air railleur que me lance Elliot et accourt me réfugier devant la machine à café. C'est une nécessité à ce stade. La nuit d'hier fut chaotique. J'ai dû dormir... trois heures, à tout casser. Je serais bien resté un peu plus longtemps dans mon lit, mais l'appel de la caféine était trop tentant.

Evidemment, j'aurais dû me douter de ce qui allait m'attendre en me joignant au petit-déjeuner de mon meilleur ami. J'aurais dû me douter que mes exploits d'hier n'allaient pas tomber dans l'oubli. « Ce qui se passe au Harlem, reste au Harlem ! » Mon cul, ouais.

— Dis donc, je t'ai entendu rentrer vers sept heures du matin... T'as passé la nuit là-bas ? reprend-t-il, encore et toujours enjoué.

— Pas vraiment. J'ai marché, un peu, jusqu'à ce que le soleil se lève.

Comme je l'avais pressenti, Elliot n'écoute rien à ce que je lui raconte. Hissé autour de l'ilot central, son regard demeure pétillant et son sourire étirer jusqu'à ses oreilles. C'est la même expression excitée et impatiente qu'il affiche lorsqu'il attend que de nouveaux épisodes de Too much to handle sortent sur Netflix. Oui, j'ai appris durant ce mois de cohabitation que les télé-réalités de dating un tantinet provocantes étaient devenues sa nouvelle passion. J'ai jusqu'à présent échappé à Love is blind, mais ça ne saurait tarder... Il est grand temps que je me trouve mon propre chez-moi.

Faut dire qu'Elliot a beau avoir atteint la trentaine l'année dernière, il n'en est pas pour autant devenu un adulte rangé et responsable. La même insouciance, et le même goût pour la fête et les nanas qu'un véritable frat boy. Adam l'aurait adoré à l'époque, tiens. Son travail est l'une des seules exceptions à la règle. Elliot a repris le business de son père il y a quelques années, et sans rire, il excelle... Il n'y a qu'à voir la taille de son appart. Sa nouvelle lubie mi influenceur, mi coach sportif sur les réseaux sociaux y est certainement pour beaucoup dans le développement de sa salle de sport. Je me demande qui a pu lui mettre une idée pareille dans la tête... Oh, mais bien sûr.

— Alors, c'était comment ?

— Je ne sais pas trop, je soupire. C'était...

Je penche ma tête sur le côté, en tentant sérieusement de lui fournir une réponse... à la hauteur de mon cerveau embrumé.

Aujourd'hui, ça fait exactement un mois et trois semaines que je suis sortie de prison, et hier, après un mois, deux semaines et quatre jours d'harcèlement, j'ai cédé et ai suivi Elliot dans l'une de ses sorties nocturnes au Harlem – un bar dansant qui ne se trouve non pas à Harlem comme on pourrait le penser mais dans les quartiers sud de Brooklyn. Je me sentais prêt. J'avais envie de boire, de m'amuser... de revivre une soirée, comme au bon vieux temps. J'avoue, je me suis un peu laissé aller... Et puis j'ai moins assumé quand je me suis retrouvé dans le lit d'une sulfureuse blonde. J'ai attendu qu'elle s'endorme avant de m'enfuir, comme un voleur. J'en suis pas très fière.

Après ça j'ai erré dans les rues, dans les parcs... Les balades nocturnes étaient déjà une habitude que j'ai adopté ces dernières semaines – le meilleur remède face à mes insomnies. Mais là... c'était vital. Ça grouillait dans ma tête, de partout.

— Moyen, dis-je finalement en nichant mon nez dans mon café.

— Moyen ? répète mon meilleur ami d'un air penaud, avant de reprendre : Oh ! Laisse moi deviner : Popol se l'ait jouer précoce, c'est ça ? T'en fais pas mon lapin, avec un peu de pratique ça va repartir comme sur des roulettes !