9 - Menace

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En média : Routine - Joris Delacroix 

* * * 

PDV ALEX

Je ne saurai dire depuis combien de temps je suis planté là, devant la fenêtre, à observer l'avalanche de pluies éclabousser l'intégralité de Los Angeles. C'est la première fois qu'il pleut autant depuis notre arrivée sur la côte ouest, alors il n'y a rien d'anormal à ce que mon état de zombie trouve ce spectacle fascinant. Mais ce n'est pas comme si j'y prêtais énormément d'attention non plus, cette activité étant surtout un moyen de me faire penser à autre chose. Et c'est la seule chose que mon corps fatigué pourrait supporter.

Cela fait deux jours que Ian m'a admit qu'il m'avait menti, deux jours que j'ai la localisation de mon père à ma portée, et deux jours aussi que l'ensemble de mon corps est dans un brouillard total. C'est simple : je ne mange plus, je ne dors plus, et je n'ai plus le goût de faire quoi que ce soit. Une véritable loque humaine. Ah, si ! J'ai tenté de lire un livre hier. Un livre que j'avais acheté il y a quelques jours dans un bureau de tabac à deux pas de notre hôtel. J'ai dû m'arrêter au chapitre trois, en même temps la lecture n'a jamais été mon truc. Alors je me suis contenté de reprendre mon activité favorite : passer ma vie collé à la grande fenêtre du salon, en attendant qu'une révélation illumine mon cerveau.

Ian s'inquiète, je le sens, je le sais. C'est à peine si je lui ai adressé un mot depuis le départ de sa mère. Ma distance vis-à-vis de lui n'est pas volontaire, c'est juste que je ne sais pas me comporter autrement. Quand je vais mal, quand quelque chose me prends la tête, je me recroqueville sur moi-même et met le monde entier à distance, cette question résonnant encore et encore dans mon esprit : qu'est-ce que je fais ?

Mes bras serrés autour de mon buste, je tressaute légèrement quand je sens ses mains glisser le long de ma taille. C'est la première qu'il tente une étreinte en deux jours. Enfin si, il y a bien eu ses mouvements de doigts circulaires et réconfortants dans le bas de mon dos quand l'insomnie me frappe en plein milieu de la nuit. Mais c'est tout. Je crois qu'il a rapidement compris que j'avais besoin d'être seule, de me confronter à moi-même, mais j'imagine que cette distance doit commencer à lui peser. J'avoue qu'il me manque à moi aussi.

— Parle-moi, s'il te plait.

Un léger soupir s'échappe de mes lèvres quand son visage se niche désespérément dans mon cou. J'ai l'impression que ça fait une éternité qu'il n'a pas fait ce geste. Je rejoins mes mains aux siennes sur mon ventre.

— Tu m'en veux, c'est ça ? De te l'avoir caché ?

— Non.

Et c'est sincère, j'aurai probablement fait la même chose. Mais...

— Mais ? insiste-t-il comme si il lisait dans mes pensées.

— Mais je crois que j'aurais préféré ne pas être au courant.

Ces mots sortent avec difficulté de ma bouche, tant ils sont éloignés de la vérité.

— Quoi ?

Et bien sûr, Ian est loin d'être dupe. D'ailleurs, il ne tarde pas avant que ses mains me pivotent sur moi-même et se posent contre mes joues.

Son regard me transperce sur place tandis que je fixe sans relâche sa pomme d'Adam, ne pouvant me résilier à lui faire réellement face. Car je sais pertinemment ce qui se trame dans son cerveau, et sa facilité à lire en moi comme dans un livre ouvert est beaucoup trop intimidante. D'autant plus que je n'assume pas moi-même mes propres pensées...

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