OUTSIDERS

1 - La rancœur

En média : Say something - A Great Big World & Christina Aguilera 

* * *

J'ignore depuis combien de temps je retiens mon souffle, mais j'ai littéralement l'impression de revivre lorsque j'aperçois la voiture de Ian, à la place de celle de flics dont je m'étais imaginé durant ce kilomètre de marche. Garée à la va-vite devant la villa de sa mère, je n'ai à peine le temps de m'adosser contre celle-ci que Ian apparaît dans mon champ de vision, une valise dans ses bras et Diana sur ses talons.

Une chance que David nous ait laissé le champ libre en s'envolant ce midi pour Londres, ou bien notre plan, ou du moins ce qui en ressemble, aurait été nettement contrarié.

— Ian, je t'en pris ! Parle moi, dis-moi au moins ce qui s'est passé !

— Maman...

De profil, j'aperçois sa main se contracter autour de l'encoche, avant qu'elle ne vienne décoiffer sa chevelure brune d'un geste nerveux. Et je le connais suffisamment pour comprendre ce qui se trame dans son cerveau. Il tente de paraître fort, de paraître comme un gars qui gère parfaitement la situation, comme d'habitude. Mais il est encore sous le choc de ce qui s'est passé, abattu, la culpabilité pointant petit à petit le bout de son nez.

Je le sais, je le sens moi-même au plus profond de mon être. Car j'ai beau me dire qu'Austin était la pire des enflures, qu'il s'agissait d'un accident, que nous étions à un point où c'était lui ou nous, je me sens horriblement coupable. Et j'imagine que ça doit être la même chose pour lui, si ce n'est pire. Après tout, Austin est mort de son coup de feu. Ce moment ne disparaîtra jamais vraiment de son esprit.

C'est surement pour ça qu'il ne daigne pas vouloir m'adresser la parole depuis plusieurs heures...

— ... Crois-moi, reprend-t-il en lui faisant de nouveau face, Il vaut mieux, pour ta propre sécurité, que tu ne sois au courant de rien.

— Je m'apprête à m'enfuir avec vous alors elle est déjà mise en péril ma sécurité !

Vu comme ça, elle n'a pas tout à fait tord...

— S'il te plait fais-moi confiance sur ce coup là. La situation est très grave, je veux simplement te protéger.

Et il se contourne afin de déposer sa valise dans le coffre, ne laissant pas place à la discussion. Ok, je connais ce regard tout à fait impénétrable.

De quoi as-tu vraiment peur Ian ? De sa sécurité ou de son jugement ?

— Grave comment ?

— Grave dans le sens où je risque la prison et vous deux la mort.

Un frisson me parcourt l'échine tandis que Diana pose ses yeux effrayés sur moi, comme si elle découvrait soudainement ma présence. Et je suis trop sonnée pour soutenir son regard.

La réponse de Ian a lancé un vrai froid entre nous, mais il ne la retire pas. Pas même quand le corps de sa mère se met soudainement à grelotter sur place. Car après tout, ce qu'il a dit était vrai. Crue, terrifiant et dramatique, mais vrai. Et avant qu'elle nous suive, il vaut mieux que Diana ait parfaitement en tête ce qui est entrain de se passer.

— Très bien, capitule-t-elle finalement en nous faisant de nouveau face.

Ian, soulagé, la remercie du regard et tente d'attraper le reste de ses affaires, quand celle-ci se met soudainement à les serrer contre son buste, une idée ayant prit procession de son cerveau.

— Mon dieu, Carlos !

C'est dingue. La simple entente de ce prénom suffit à me propulser des jours en arrière, au beau milieu d'un moment ultra gênant. Après tous ces événements, j'avais presque oublié l'existence de cet individu.