Les Racines du Saule ~5. Le Saule~

Chapitre 5

— Petit Azur !, appela Tempête de Calme. Ta mère m'envoie te donner tes herbes calmantes.

Le chaton abandonna un instant Petit Saule et Nuage de Serpent avec qui il jouait, pour s'approcher de la guérisseuse.

— Je les ai déjà prises aujourd'hui !, affirma-t-il.

— Ah bon ?

— Oui, Volute de Fumée me les a données ce matin, appuya l'enfant.

Tempête de Calme lui offrit une moue dubitative.

— Volute de Fumée est partie tôt dans la nuit pour aller récupérer les remèdes qu'il reste dans la forêt, ça m'étonnerait qu'elle ait pu te les donner.

Le blocus organisé par les Refusés les emprisonnait dans une petite partie de la forêt et limitait toutes leurs ressources, les herbes guérisseuses comprises. Les réserves s'amenuisaient avec vitesse, et la saison des feuilles rouges qui débutait n'arrangeait rien.

— Ah oui !, s'exclama Petit Azur avec une grimace. Je la confonds toujours avec Éclair de Griffe, puisque, heum... leurs prénoms se ressemblent.

Tempête de Calme soupira.

— Allez, prends tes remèdes et arrête d'inventer des histoires.

Elle déposa sur le sol quelques graines de pavot ainsi que des feuilles de pimprenelle. L'un pour diminuer ses angoisses et l'autre pour l'aider à rester en forme.

— Tu reprendras bien des graines de pavot avant de te coucher, pour éviter les insomnies, indiqua la guérisseuse.

— Hmpf... oui.

Le chaton regarda avec envie Petit Saule et Nuage de Serpent. Ils s'étaient faits rejoindre par Nuage de Rive et Nuage de Vague qui dévisageaient en ricanant Tempête de Calme.

— Que se passe-t-il ?, interrogea-t-elle avec malaise.

Les novices l'ignorèrent et se chuchotèrent quelques mots à l'oreille. Elles gloussèrent de plus belle.

— Tu crois qu'elle a entendu, là ?, chuchota Nuage de Rive.

Nuage de Vague haussa les épaules.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?, répéta la soigneuse.

— Arrête de faire semblant !, rétorqua l'apprentie. On sait très bien que tu es en train de lire dans nos pensées.

Tempête de Calme entrouvrit la gueule de surprise, tandis que Nuage de Rive renchérissait.

— Ouais, t'entends bien ce que je dis, là ?

— Je ne lis pas dans les pensées des chats, démentit la blanche tigrée, abasourdie.

— Menteuse !, l'accusa Nuage de Vague.

Tempête de Calme exposa calmement, le chagrin lui serrant quand même la gorge.

— J'ai promis au chef de n'utiliser la voix qu'en cas d'extrême nécessité, et jamais au détriment d'un chat du Clan.

— Menteuse !, siffla à nouveau la novice. Croc d'Écume sait que tu l'utilises pour nous espionner, c'est pour ça qu'elle veut que les seuls à nous soigner soient Éclair de Griffe et Volute de Fumée.

— Écoutez, essaya de les raisonner l'autre, je ne suis pas là pour être irrespectueuse envers vous. Et je maîtrise mon pouvoir, alors je ne l'utilise que dans le bien d'autrui.

Ces deux dernières lunes, Tempête de Calme n'avait pas tant que ça usé de la voix. Elle l'avait même un peu mise de côté, à vrai dire. L'utilisation qu'elle en avait faite lors du sauvetage de Petit Azur et Petit Saule ne l'avait qu'à moitié convaincue - elle avait même été assez effrayée de voir que ce pouvoir l'affaiblissait autant -. Depuis, à chaque fois qu'elle souhaitait faire un tour de passe-passe avec l'esprit d'un chat, une lourde migraine lui enserrait le crâne plusieurs minutes, sans parler de la nausée qui la forçait à s'asseoir. Il y avait aussi toujours ce voile, qui prenait place devant ses yeux. Le paysage caché derrière la brume blanche devenait flou, et un instant elle avait l'impression d'être bien loin du Grand Cratère. Bien loin d'elle-même. Étoile de Prairie, un vieux résident du Clan Nocturne libéré de chez les Refusés, lui avait plusieurs fois proposé de l'aider à mieux maîtriser ce talent. Trop effrayée, elle avait toujours refusé.