Les Racines du Saule ~5. Le Saule~

Chapitre 35

Tempête de Calme passa les heures suivantes à soigner les blessés, mais la plupart des félins avaient déjà été traités par Éclair de Griffe et Volute de Fumée. On compta en tout sept morts sur les trente et un combattants - en omettant les chats du Clan Nocturne -. Certains trouvèrent que c'était raisonnable, d'autre que c'était un carnage. Le seul point sur lequel tous étaient d'accord, c'était que ces sacrifices avaient permis le retour de la paix - et une paix durable, si possible -.

— Il est l'heure de récupérer les corps, tu m'accompagnes, Tempête de Calme ?, questionna Croc de Venin après qu'elle ait soigné l'entaille sur la patte du guerrier.

Elle approuva, et franchit à ses côtés le pont de bois. Elle n'avait pourtant aucune envie de retourner sur cette île de malheur.
Ses griffes s'enfonçant dans l'écorce abîmée du tronc cette sensation de solitude qui l'accompagnait depuis son réveil la rattrapa de nouveau. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose sur laquelle elle arriverait bientôt à mettre un nom.

Sur l'île du Saule, défigurée par le tremblement de terre, les chats du Clan Nocturne étaient encore vivants. Ceux-ci, contrairement aux guerriers de la Grotte des Refusés, disparaissaient plus lentement. Certains guerriers du Cratère s'élancèrent vers leurs ancêtres pour retrouver une dernière fois leurs proches décédés. Pour partager tout ce qu'ils n'avaient pas pu partager quand la vie les habitait encore. Au centre du camp trônait Coeur de Pétale, fusionné avec la Pierre Spirituelle. Il se trouvait juste à côté des restes de Feuille de Saule, que Patte de Tige balaya d'un coup de patte.

— Et bien, il le sera devenu, le gouverneur du Grand Cratère, fit la guerrière brune claire. Il est là où Feuille de Saule était. Et à chaque fois que nous viendrons ici, il nous attendra, et nous nous rappellerons de qui il était, pourquoi il est devenu ce qu'il est devenu, et pourquoi nous ne devons pas répéter les mêmes erreurs.

Croc de Venin pointa quelque chose aux pieds du Refusé.

— Il y a un trèfle.

Tempête de Calme l'aperçut, elle aussi. Un beau trèfle à quatre feuilles, vert prairie. Avait-il toujours été là où sa présence devait être interprétée autrement que par une coïncidence ?
Ce spectacle lui donna de nouveau l'impression d'avoir perdu quelque chose d'essentiel.

— Et Tempête de Calme, qu'est-ce que ça donne, la voix ?, enchaîna Croc de Venin.

Elle écarquilla les yeux.
La voix.

Un haut le cœur lui enserra la gorge. C'était la voix. Cette absence, cette solitude. La voix, elle... elle ne l'avait...

— Je ne l'ai plus...

Cette réalité la rattrapa et lui fit l'effet d'un coup de griffe dans les côtes. Elle se plia en deux, ses paroles résonnant désespérément dans sa tête vide.

— Je ne l'ai plus...

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Elle fit un rêve.
Un chat au pelage gris clair et aux taches blanches ornant son museau, sa queue, et ses pattes lui parlait.

— Arrivé au Clan Nocturne, expliquait le guerrier qui lui avait offert la voix, je me suis très vite rendu compte que les félins se trompaient sur ton rôle d'élue et sur les difficultés que tu allais rencontrer dans la vie. C'est pour ça que je t'ai donné la voix. Et accessoirement pour éviter d'être absorbé par Feuille de Saule, bien sûr.

Tempête de Calme nageait dans une brume de souvenirs, de sensations et de pensées. Le félin gris, lui, se tenait droit sur une pierre bien fixée tandis qu'elle était ballotée dans sa propre conscience.