Chapitre 12

40 6 35
                                    

— Je suis prête.

— Vraiment ?

Étoile de Prairie haussa un sourcil, à moitié convaincu.

— Vraiment.

Tempête de Calme esquissa un sourire qu'elle voulait confiant.
D'ailleurs, il était confiant !
Oui, elle avait confiance en elle, et elle savait qu'elle était dorénavant prête.

— Maintenant je veux savoir, Étoile de Prairie. Qu'est-ce qu'est la voix ?

L'autre s'assit sur la pierre froide de la Saillie. Il poussa un soupir.

— Ça risque d'être long.

— Long ou pas là n'est pas la question, rétorqua la guérisseuse. Je me suis entraînée à utiliser la voix tous les jours, et j'ai fait de nombreux progrès. Je n'ai plus peur d'elle, et j'ai accepté qu'elle fasse partie de moi ! Je mérite maintenant de savoir quel est ce don qui est venu à moi sans que je ne le demande !

— Vraiment ?

Étoile de Prairie se redressa.

— Tu as vraiment progressé, et tu l'as vraiment acceptée ?

Au cours des derniers levers de soleil, Tempête de Calme avait exercé son pouvoir en suivant les indications du chat nocturne. Elle inspirait d'abord un grand coup, et ensuite projetait la voix à travers les yeux de son « partenaire d'apprentissage » - comme elle aimait si bien le dire - pour explorer l'esprit de ce dernier. Jusqu'à présent, les partenaires en question avaient été Croc de Venin et Cœur de Racine, pour la simple et bonne raison qu'aucun autre chat du clan n'avait accepté de se faire fouiller la tête par le « monstre de guérisseuse » qu'était Tempête de Calme. Les séances d'entraînement étaient majoritairement composées de trois temps :
En premier lieu, autant avec Croc de Venin que Coeur de Racine, les deux chats étaient concentrés et attentifs, et l'exercice se déroulait correctement.
Puis venait l'élément perturbateur, chez Croc de Venin il s'agissait soit d'une petite faim, soit d'une envie pressante, soit d'une blague tout droit sortie de l'imagination stupéfiante du matou, et chez Coeur de Racine, c'était majoritairement des problèmes avec ses enfants : Petite Luciole pleurait parce qu'elle s'était plantée une épine dans la patte ; Petit Cratère avait essayé de sortir avec les autres novices et apprentis du clan sans permission ; Serre de l'Aigle avait autorisé à ses enfants quelque chose que la grise avait interdit. Le dernier cas causait toujours beaucoup de tumulte, parce que Coeur de Racine avait noyé sa défaite amoureuse avec Croc de Venin dans l'éducation de ses enfants. Ils n'avaient pas le droit de faire grand chose parce qu'elle les surprotégeait. Et quand Serre de l'Aigle leur permettait un petit écart, la grise parlait haut et fort de sabotage de l'image parentale et de diffamation de la démarche d'éducation. Le père des enfants voyait ça comme de la jalousie, et pensait que Coeur de Racine n'avait pas digéré la rupture, mais Tempête de Calme savait qu'en vérité sa sœur agissait ainsi pour prouver qu'elle était une mère aimante et protectrice.

Dans tous les cas, une fois les perturbations réglées, l'entraînement reprenait un petit moment, puis se terminait très rapidement car ni Tempête de Calme ni son « partenaire d'apprentissage » n'arrivaient à se re-concentrer.
C'est comme ça que la guérisseuse avait réussi à plus ou moins bien développer son pouvoir. Désormais, elle l'utilisait de manière beaucoup plus fluide, la nausée et le mal de tête ayant déserté. Elle aimait beaucoup plus cette voix qui ne lui procurait plus aucune douleur et lui permettait d'accomplir des exploits.
Un jour, elle avait presque réussi à transmettre ses pensées à Croc de Venin, mais celui-ci avait été déconcentré par un gargouillement et la tentative avec échoué.
Comme seul désagrément subsistait le voile immaculé et indélébile, qui blanchissait la vue de Tempête de Calme à chaque utilisation de son pouvoir.

Les Racines du Saule ~5. Le Saule~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant