Les Racines du Saule ~5. Le Saule~

Chapitre 22

— Tu veux boire un peu d'eau ?

Il ne répondit pas.

— Oh, allez Loup Noir il faut que tu boives un peu ou tu vas t'assécher.

Tempête de Calme lui fourra la mousse imbibée d'eau sous son museau, mais il l'envoya rouler loin de lui en grognant. Elle poussa un soupir.

— Tempête de Calme, appela Volute de Fumée en entrant dans l'antre des guérisseurs. La cérémonie va bientôt commencer.

— Oui.

La soigneuse se tourna vers Loup Noir et essaya de le relever.

— Il faut qu'on y aille.

— Je ne vais nul part, finit par grogner le chat.

— Mais tu dois y assister.

— Je ne vais nul part !, s'écria-t-il.

Elle eut un mouvement de recul, et Volute de Fumée s'approcha.

— Je m'en occupe, vas-y, Tempête de Calme.

La blanche tigrée acquiesça et sortit de la tanière. Un petit attroupement s'était formé autour de quelques rochers du centre du camp. Les chefs s'y étaient surélevés, et la foule les scrutait d'un œil morne.
Tempête de Calme s'installa parmi ses camarades et fut bientôt rejointe par Coeur de Racine. Sa sœur avait revêtu son masque d'indifférence pour mieux surmonter les épreuves.

— Comment vas-tu ?, questionna la grise.

— Je ne suis pas la plus à plaindre, relativisa l'autre.

Elle balaya la foule du regard, pour retrouver Petit Azur et Petit Saule. Les deux enfants, complètements déboussolés, se tenaient droits près de Plume Flamboyante et Nuage Mélodieux. Leurs queues entrelacées et leurs petits yeux écarquillés témoignaient de leur égarement.

Tempête de Calme soupira de nouveau. Combien de fois avait-elle fait ce geste - inspirer pour expirer bien plus profondément, comme si ça la libérait de la douleur -, depuis l'avant-veille ?
Trop, c'était certain.

Après la mort de Pupille d'Anis, les choses s'étaient enchaînées assez rapidement. Poussière de l'Aube, sous le coup de la colère, avait essayé de tuer Cœur de Galet. Les camarades de clan du traître l'avaient protégé des coups vengeurs du guerrier, et on avait finalement réussi à écarter Poussière de l'Aube du chat ondoyant. Coeur de Galet s'était fait interroger par les chefs - sans Poussière de l'Aube - et avait avoué s'être allié à une Refusée qui avait pour but d'assassiner Pupille d'Anis. Son objectif à lui était d'abolir le système clanique et de destituer les chefs actuels qu'il trouvait illégitimes.

La sentence n'avait pas mis beaucoup de temps à tomber : il était banni, avec interdiction de mettre ne serait-ce qu'une patte sur le territoire du Clan du Cratère, sous peine de mort. Quelques guerriers trouvaient la punition trop légère, dont Poussière de l'Aube, qui avait abandonné ses fonctions de chef pour le moment. Il avait dit mots pour mots :

« C'est mon grade de chef qui a fait de Pupille d'Anis une cible. Ce grade m'a fait perdre le dernier membre de ma fratrie, et pour quoi ? Pour batailler sur des sujets futiles avec des dirigeants incompétents qui laissent partir les traîtres et assassins qui tuent nos camarades ? Très peu pour moi ! »

Il était depuis reclu dans une tanière au fond du camp, et refusait de parler à qui que ce soit, excepté Moustache de Lilas. C'était assez ironique, sachant qu'il n'avait pas adressé un regard à sa mère depuis sa résurrection.

Tandis qu'une patrouille avait escorté Coeur de Galet hors du territoire du Clan du Cratère, on avait appelé Tempête de Calme avec panique. Loup Noir, après avoir appris la mort de sa compagne, avait profité de l'agitation générale pour essayer d'ingérer les baies empoissonnées de la tanière des remèdes.