Chapitre 29

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Combien de temps cela faisait-il à présent ?
Cinq minutes ? Cinq heures ?
Pourquoi Fièvre Rugissante n'était-il pas revenu le chercher à présent ? La bataille devait être finie désormais.

Seul dans le noir, Coeur de Pétale ne pouvait s'empêcher de se sentir cerné. Il avait perdu ses repères ; le temps à l'intérieur de la cachette semblait s'étirer à l'infini. Il s'appuya sur une des parois glacées et se laissa glisser au sol. Puis le chef commença à compter. Quand il serait arrivé à mille, il sortirait.

— 1, 2, 3, 4, 5...

Peu importe que Fièvre Rugissante lui ait demandé de rester caché. Ce chat que le chef croyait son ami, son partenaire, n'était qu'un égoïste insensible concentré sur sa propre survie. Insensible ? Et pourtant quand Feuille Diurne avait été blessée il s'était mis dans tous ses états. Il aimait vraiment sa sœur. Peut-être que le lieutenant haïssait-il juste Coeur de Pétale, après tout.

— 6, 7, 8, 9, 10...

Était-ce bien raisonnable de sortir ? Si Patte de Tige n'était pas morte, elle le retrouverait et le tuerait.

— 20, 21, 22, 24... euh, 23, 24...

Sa voix n'était plus qu'un murmure inaudible.
Il ne pouvait pas sortir, ça mettrait tout le monde en danger. Lui le premier. Tout irait pour le mieux tant qu'il resterait ici. Il sentit une respiration froide dans sa nuque et se releva dans un bond.

— Qui est là ?

Une queue lui frôla les pattes et il s'enfuit à l'autre bout de la cachette, jusqu'à se cogner à la paroi opposée.

— Qui est là ?!, répéta-t-il avec angoisse, ses battements de cœur résonnant jusque dans ses oreilles.

— Toujours la même personne, Coeur de Pétale.

Le tigré se précipita contre le rocher qui servait de fermeture à l'abri, et le poussa de toutes ses forces pour le déplacer. Il sortit de la cavité, ruisselant de transpiration, le cœur battant. Jusque dans la plus introuvable des planques, Mistral le rattrapait. La luminosité n'était qu'un tout petit peu meilleure à l'extérieur de la cachette, mais l'air, lui, était bien plus frais.

Coeur de Pétale avait l'impression de revivre. Il savait qu'il devait retourner dans l'abri, pour le bien de tous, mais l'idée d'être à nouveau enfermé avec Mistral le terrifiait.
Sauf qu'il n'avait pas le choix. À moins que...

— 996, 997, 998, 999, 1000... c'est bon !

Il fit un pas vers la liberté. Avant de le retirer.
C'était le destin de tout son clan qui se jouait. Que ses Conseillers le détestent secrètement ou non ne changeait pas la justesse de leurs indications. Le seul moyen qu'avait les ennemis de gagner la guerre, c'était de le tuer ou de trouver les Pierres nocturnes. Il ne pouvait pas s'exposer aux combats, surtout avec son œil en moins.
Patte de Tige et ses alliés ne trouveraient jamais la Pierre Spirituelle puisque le meneur demandait chaque matin à Fruit d'Hibiscus de les cacher loin du camp. Il se demanda d'ailleurs où est-ce que Fruit d'Hibiscus lui avait dit qu'elle les emmenait, ce jour-ci.

... Et il réalisa qu'il n'avait aucun souvenir de les avoir données à sa Conseillère. Il fronça les sourcils, fouilla sa mémoire. Impossible...
Aurait-il oublié, dans la précipitation de la cérémonie de Grand, de lui confier les Pierres ?

Une goutte de sueur perla dans le creux de son dos, une sournoise incertitude s'agrippa à sa gorge, et sa gueule s'assécha. Il devait aller vérifier que les Pierres n'étaient pas posées bien en évidence dans sa tanière. Peu importe les ordres de Fièvre Rugissante.

Coeur de Pétale s'élança dans le tunnel pour rejoindre son antre, l'estomac serré. Comment pouvait-il être aussi idiot !?
À la sortie du boyau, la lumière du jour lui brûla son unique rétine qui s'était habituée à l'obscurité. Il papillonna de la paupière pour s'habituer à cette nouvelle luminosité.

Les Racines du Saule ~5. Le Saule~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant