Les Racines du Saule ~5. Le Saule~

Chapitre 6

— Poussière de l'Aube m'agace, il est persuadé que je vais essayer de franchir la frontière ! Pourtant je suis sûr que je ferai un super bon patrouilleur, et puis je ne suis pas le seul que le blocus agace !

Tempête de Calme répliqua avec un sourire.

— Poussière de l'Aube n'est pas le seul à être persuadé que tu vas essayer de franchir la frontière, Croc de Venin. En plus c'est une mauvaise idée, tu as bien vu ce qui est arrivé à la patrouille de Poil de Frelon.

Croc de Venin haussa les épaules.

— Est-ce une raison pour m'assigner un apprenti ? Je ne suis pas non plus le seul à trouver que former les novices est inutile.

— Tu devrais être content, tu connais déjà Nuage Feuillu puisque tu étais son mentor auparavant.

— Mouais... je maintiens que je ferai un bon patrouilleur.

Tempête de Calme poussa un moineau du bout de la patte. La pile de gibier était un peu trop basse à son goût, elle proposa donc à son ami de partager une prise.

— À vos ordres, Tempête de Yeux-Bizarres !

Elle lui sourit. Mais de ce sourire contrit qu'elle affichait en permanence avec lui. Depuis que Coeur de Racine avait refusé les avances de Croc de Venin, les deux meilleurs amis avaient peu à peu retrouvé leur ancienne relation. Du moins, c'était ce que le mâle pensait, car la guérisseuse n'était plus aussi à l'aise à ses côtés. Elle s'en voulait d'avoir été l'obstacle entre l'amour de son meilleur ami et de sa sœur. Et elle s'en voulait aussi de n'avoir totalement réussi à évincer ses sentiments à elle.

La présence de Croc de Venin l'apaisait, et elle en avait constamment besoin. Pourtant, la culpabilité de passer du temps avec lui tandis que Coeur de Racine s'occupait de Petite Luciole et Petit Cratère ne partait pas. Elle avait l'impression de la trahir.

Le temps où Croc de Venin déprimait sur sa déception amoureuse était révolu, mais Tempête de Calme se souvenait très bien de ces jours sombres où il ruminait en silence tout ce qu'il avait fait de mal. Tout ce qu'il pensait avoir fait de mal, à vrai dire, parce que la soigneuse, elle, savait bien qu'il n'y était pour rien dans le refus de Coeur de Racine.

— On peut se joindre à vous ?, interrogea Croc de Venin à l'adresse d'un groupe de chats ondoyants assis à l'ombre d'un chêne.

Ils se partageaient un lapin en murmurant activement, et toisèrent méchamment les guerriers tournoyants. Ils ne dirent rien cependant, quand Tempête de Calme et Croc de Venin s'assirent à leurs côtés.

— Vous parliez de quoi ?, tenta Croc de Venin.

Les chats ondoyants haussèrent les épaules. Ils étaient quatre, Coeur de Galet, Croc d'Écume, Pelage de Lac et Coeur Bondissant. Cette dernière se contenta de grogner sans donner de réponse concrète. Tempête de Calme devait bien s'avouer que la plupart des guerriers du Clan Ondoyant n'avaient pas essayé de s'intégrer au Clan du Cratère, au cours des deux dernières lunes. Même les apprenties étaient plutôt agressives et préféraient partir du principe qu'ils faisaient tous partie de quatre clans différents.

— Il fait beau aujourd'hui, réessaya Croc de Venin. Vous aussi on vous a demandé de vous occuper d'apprentis et de leur réapprendre les bases ?

« Arrête, tu vois bien qu'ils ne veulent pas parler, supplia intérieurement Tempête de Calme. »

— Oui, grinça Coeur de Galet. Mais les chefs n'ont même pas été foutus de me donner un apprenti de mon clan.

— Pourtant, on fait tous partie du même Clan, non ?, rétorqua Croc de Venin. Le Clan du Cratère !