Destins liés, 1. Rejetée

Quelque chose à vous dire

Au dîner familial ce soir, l'ambiance est bizarre.

Mes parents et mon frère échangent des regards qui commencent à m'agacer. Je sais qu'ils ont eu l'appel du lycée, et qu'ils cherchent comment l'aborder sans trop de maladresse, étant donné mon air abattu.

Autant ne pas tourner autour du pot une éternité pour rien. Je préfère mettre les pieds dans le plat sans tarder :

« J'ai rencontré mon compagnon. »

Bam !

Effet de surprise réussi. Ma mère retient sa stupeur la main contre sa bouche, mon père et mon frère s'exclament en chœur: « Quoi ?!»

C'est parti pour la pièce de théâtre, je poursuis :

« Nous nous sommes rejetés aujourd'hui. »

Cette fois, les hommes de la famille se figent de choc, et ma mère ne retient rien du tout :
« Tu plaisantes, j'espère ?! »

Mais elle voit bien que non, je ne plaisante pas. Elle sent que je suis troublée.
Je la vois alors poser les mains sur sa tête, catastrophée.

« Mais, on ne prend pas une telle décision si jeunes, vous êtes fous ! »

Alors, oui, je préfère dire que c'est une décision mutuelle. Autrement, Stan, ou mon père... Ou les deux, partiraient sur-le-champ en quête de la peau de Sandro, afin que sa tête orne le mur du salon comme trophée de chasse.

Mon père prend finalement la parole :
« Louisa, tu as à peine 16 ans, tu es sûre que c'est le lien de compagnon ?

- Oui, Papa, je l'ai su tout de suite. J'ai ressenti tout ce que vous m'avez décrit. J'en ai eu la certitude immédiatement, il est mon partenaire.
Enfin, il était. »

Ma mère, maintenant folle de rage et d'incompréhension, rétorque :
« Mais comment êtes-vous arrivés à la décision de vous rejeter ?!
Et qui est-ce, d'ailleurs, ce compagnon ?! Enfin, si je peux le nommer ainsi !
Qu'est-ce qui vous est passé par la tête, bon sang ?! »

Je comprends sa colère. C'est une très lourde sanction qui impacte toute la vie. Personne ne prend une telle décision si vite, ou si jeune... personne.

J'en ai du bol... j'ai eu le pire compagnon qui soit, merci la vie, gé-nial...

Tous les trois attendent que je réponde aux questions, ou plutôt, aux invectives de ma mère. Je préfère garder un ton calme et stable, pour apaiser l'ambiance.

« Écoutez, inutile de vous dire de qui il s'agit, vous ne le connaissez pas.
Et ce n'est pas un drame... Nous étions totalement incompatibles, c'est tout.
Fin de l'histoire.

Je suis un peu secouée, oui, c'est pour ça que j'ai préféré rentrer à la maison plus tôt. Je n'étais pas tout à fait en état de suivre les cours du reste de la journée.

Je vais prendre le week-end pour récupérer un peu, et après ça, vous n'entendrez plus parler de cette histoire.
Je vais reprendre ma vie en main et aller beaucoup mieux !
C'est une bonne chose, vraiment. »

Je vois bien qu'ils n'y croient pas du tout.
Notamment Stan, qui laisse mes parents réagir à leur guise. Mais je sais qu'il va me choper un peu plus tard et m'interroger bien plus brutalement que ça...

Mon père, lui, n'est pas vraiment en colère. Il a plutôt l'air perplexe.
Je décide donc d'aller chercher son soutien. Je veux l'avoir dans mon camp. Ça ne va pas être très difficile, Il a toujours été de mon côté. Je suis son point faible.

Et puis, au fond, savoir que sa fille a rejeté un mec, je suis sûre qu'il n'est pas si contrarié que ça. Ça doit forcément attiser sa fierté.
S'il savait qu'en vérité... Je me suis faite humiliée comme une pauvre chose... Au fond, j'ai honte, et il aurait probablement honte de moi aussi.