Quand la nature s'impose

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Je dois subir mes premières chaleurs seule...

J'ai bien pensé à profiter des numéros que j'ai récolté vendredi après mon show au drift. Mais je sais que je ne vais pas le supporter.

Mon corps ne veut que lui, et rien que lui.

Si un autre mâle tente quoi que ce soit, je serai capable de lui arracher les yeux sur une pulsion de ma part animale qui préférerait mourir que de laisser un autre mâle que mon compagnon me toucher.

Je suis furieuse de constater comme ma louve est foutrement loyale et possessive envers un partenaire qui ne veut pas d'elle...

Gourde, va !

Le fait de l'avoir revu et de m'être retrouvée à proximité de lui a ravivé le lien d'une telle manière... Que Je dois attendre de pouvoir le rejeter, avant d'envisager avoir un autre homme dans ma vie.

Chaque chose à la fois.

Mais moi, je ne suis pas aussi forte que lui... Je ne suis que faiblesse et obéissance à mon instinct qui est mon guide depuis toujours.

J'ai appris à avoir foi en mon instinct plus qu'en n'importe quoi. Mon père est un chef de guerre !

Est-ce que je vais être capable de prononcer ces mots ? Ces mots qui tombent comme un couperet violent et irréversible ? Ces mots qui trahissent le lien de compagnon, cette prouesse de la nature due à l'évolution, un des phénomènes les plus sacrés de notre espèce...

Mais il va bien falloir que je me libère de mes chaînes... Je dois me rendre à l'evidence pour de bon, il ne viendra jamais me délivrer.

Si je décide de l'attendre encore, je resterai là, piégée et seule durant une vie entière.

Le samedi soir à été un enfer sur terre...

La première nuit a été semblable à une véritable torture, et j'avais en tête en permanence que lui souffrait aussi, et que je devais absolument lui venir en aide.

Je ne voulais que me transformer pour courir jusqu'à lui et le supplier de bien vouloir soulager ce feu ardent qui me consume sans fin.

Déesse, de quoi aurais-je eu l'air ?
Pitoyable, tout bonnement.
Je ne peux pas me rabaisser à ça.

Ce dimanche matin, j'ai pu me concentrer sur autre chose en allant à l'entraînement de mon père, puis j'ai passé la journée avec ma famille. Heureusement, les journées sont bien plus supportables que les nuits durant lesquelles la lune influe énormément sur nos instinct animaux.

Une bonne partie des mâles qui participaient à l'entraînement de mon père ont senti mes chaleurs, mais mes grognements menaçants les ont dissuadé de tenter je ne sais quoi.

Un mâle non accouplé sent une femelle en chaleur, et ils peuvent tout à fait passer cette semaine ensemble à profiter au maximum de cette luxure explosive sans égale, si la femelle n'a plus de compagnon.

Parce qu'à partir du moment où elle le rencontre et que ses chaleurs sont déclenchées, il sera le seul qu'elle voudra, elle ne pourra tolérer personne d'autre. À moins que les partenaires destinés se soient rejetés.

C'est rare, mais ça arrive.

En tout cas, mes semblables masculins sont troublés. Ils sentent mon immense frustration due à mes chaleurs qui restent des appels sans réponses de mon partenaire. Donc, ils ne comprennent pas ma réticence envers eux, alors que techniquement, ils seraient ravis de me soulager.

Et ouais, les gars... La nature n'a pas prévu un cas comme le mien...

Ma situation est probablement inédite ou presque. Gé-nial... Décidément, c'est fou comme je suis chanceuse. Je brûle littéralement la nuit et je n'ai aucun moyen de me soulager.
Alors que le sexe est une chose tellement banale et sans tabou, pour nous. C'est un besoin comme un autre qu'il est normal de combler.

Mais il y a moi... qui crève la dalle, sans pouvoir manger.

La deuxième nuit, j'ai carrément eu des hallucinations dans mon sommeil. Je voyais ce gros loup noir, attaché, désespéré, appeler encore et encore sa compagne ne sachant pas comment l'atteindre. Il devenait fou et se faisait du mal...

On aurait dit qu'il était contenu dans une sorte de sous-sol. J'en avais le cœur serré...
Ça me faisait de la peine... Ça paraissait tellement réel que cette tristesse ne m'a pas quitté.

****

Ce lundi, j'ai rendez-vous au bureau avec Angelo pour la restitution de ses documents.
D'ailleurs, il est pile à l'heure, je vais lui ouvrir.

« Bonjour, Louisa.

- Bonjour Mr Ferroni, installez-vous.

- Oh, vous pouvez m'appelez Angelo. Nous sommes trop distants de nos jours, un peu de chaleur humaine ne fait pas de mal. »

Ça dépend de quelle chaleur on parle...

« D'accord, Angelo, vous avez raison.

- Parfait. Alors, il se trouve que je suis seul, aujourd'hui.
Sandro semble assez perturbé depuis ce séjour en cellule à la maison de la meute. Il préfère s'isoler un peu pour récupérer.

Veuillez l'en excuser. »

Hahaha... Je ris intérieurement. Moi, je sais ce qui le perturbe, et ce n'est certainement pas son séjour en cellule.

Bref.

Angelo me donne un carton rempli de classeurs.

« Voici nos documents. Identité, fiches de paye, il y a même l'acte de décès de ma dolce metà... Ma douce moitié, qui nous a quitté il y a fort longtemps, maintenant.

Elle était très fragile depuis sa naissance.
Une pneumonie mal soignée l'a emporté. Tout le monde pensait qu'en tant que louve, elle se remettrait d'elle-même très vite. Ils n'ont pas écouté quand je leur criais qu'elle avait toujours été aussi fragile qu'une humaine asthmatique...
Elle aurait eu besoin d'être traitée comme telle.
Tous les loups ne sont pas aussi fort et solides... Nous avons parfois des failles. »

Oui... Comme moi, avec mon cœur d'artichaut. À échelle différente, bien sûr.

« C'est bien triste, Angelo.
Je suis désolée pour votre compagne, et votre famille. Je n'ose imaginer la douleur que vous avez vécu. »

Même si ce que je vis avec mon partenaire n'est pas non plus un festival... La mort d'un compagnon est une chose terrible, insurmontable...
C'est pourquoi j'ai un profond respect pour Angelo.

Il me répond :

« Oh, vous savez, ça fait longtemps. Mais sa perte a été un tel choc pour moi que je ne fut plus jamais le même. L'angoisse me ronge jour après jour, je suis esclave de ma propre anxiété. Heureusement que j'ai mon fils qui m'aide beaucoup.

Bon alors, ma chère, avez-vous ce qu'il vous faut ?

- Oui, tout à fait, merci à vous.
Il me suffit de les authentifier et de les protéger, je n'aurai ensuite aucun mal à vous défendre, vous serez tranquille.

- Ah, voilà qui est plaisant à entendre.
Merci beaucoup, Louisa. Je reste à votre disposition si nécessaire. Vous pouvez aussi venir prendre une tasse d'un bon café à la maison. Le meilleur de votre vie ! Votre compagnie m'est très agréable, ce serait un réel plaisir pour moi.

Au revoir, Louisa. »

Je le raccompagne en le saluant chaleureusement.

Comment Sandro peut-il être aussi horrible en ayant été élevé par un père aussi adorable ?

Angelo est un cœur sur patte... Sandro ne peut pas être aussi mauvais qu'il paraît, si ?

Même s'il a vécu le drame de perdre sa mère... Je ne sais pas, ça ne colle pas.
Comme le disait Calvin, y'a un truc qui nous échappe.

Et puis ma louve est complètement déchaînée à l'idée de le retrouver à tout prix ! Je ne peux pas me transformer, tant je ne lui fait pas confiance. Je suis sûre qu'il me sera impossible de me retenir de courir dans sa direction.

Même si j'ai très envie de l'interroger sous la torture pour comprendre qui il est vraiment, je ne peux pas l'envisager maintenant. Je dois patienter... Encore.

Mais bientôt, il sera l'heure de la vérité. Je veux juste y voir clair, avant d'en finir une bonne fois pour toutes.

Destins liés, 1. Rejetée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant