Ta vie pour la mienne

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Sandro attend que je réagisse... Mais j'en suis incapable. Je reste figée par l'impact de cette dernière phrase dans mon esprit...

Je ne devrais pourtant pas être aussi choquée, j'ai bien compris qu'il voulait absolument me protéger en choisissant de m'écarter de sa vie. Mais là, ça devient vrai... concret... La menace est réelle et très imagée dans ma tête grâce à toutes ses explications.

Un vampire que je ne connais pas, que je n'ai jamais vu de ma vie, a décidé il y a longtemps que je lui appartiendrai tôt ou tard...

Sandro poursuit:

"J'ai réalisé à ce moment-là... Qu'en implorant Valentino de prendre ma vie pour sauver mon père, j'avais vendu la tienne aussi. Il avait calculé ça, bien-sûr... Il avait bien en tête que notre espèce fonctionne par deux. Que viendrait le jour où tu apparaîtrais dans ma vie... vie qui ne m'appartiens plus.

Je devais faire en sorte que ça n'arrive jamais. Je ne pouvais pas accepter que j'avais moi-même condamné ma compagne et donné sa vie. Je devais me punir en détruisant le lien, que tu puisses en construire un autre et vivre à l'abri de cette histoire.

Je n'ai pas réussi...

Mettre mon père et ma compagne en sécurité sont les seuls véritables buts de ma vie. Maintenant, je n'ai aucune idée de comment je vais pouvoir vous protéger tous les deux à la fois.

J'ai une dette. Elle n'aurait dû peser que sur moi, tu n'aurais jamais dû être impliquée. Voilà pourquoi quand je t'ai rejeté ce jour-là sans hésitation, je n'avais aucun regret, aucune retenue. J'étais aussi déterminé et aussi certain que possible que c'était la meilleure chose à faire."

Je prends la mesure de ses ressentis... Mais je ne vois pas les choses de la même manière.
Je lui en fait part:

"C'est totalement injuste. Aucun garçon de treize ans n'aurait pas supplié le meurtrier de sa mère d'épargner son père en échange de sa vie. Il a utilisé ton désespoir... Il en a fait une dette perpétuelle. Même la façon dont tu en parles aujourd'hui, tout adulte que tu es, laisse entendre que tu lui es vraiment redevable, Sandro. Comment peux-tu continuer à croire que tu as une dette ?

Non, tu as été piégé, et il utilise l'amour que tu as pour ton père, pour t'utiliser ! Tu ne peux pas donner ta vie à un meurtrier, Sandro... Que je sois dans ta vie ou non, tu ne peux pas le laisser faire ça.

- Louisa. Je ne vais pas te dire que je ne ressens pas un sentiment d'injustice pour toute cette histoire, mais je ne me voile pas la face non plus.
Si j'étais à la place de Gianni... si j'avais trouvé ma compagne, celle que je considère comme l'amour de ma vie que j'aurais marqué comme mienne, et qu'un jour elle s'était enfuit avec un autre dans le pays voisin pour m'abandonner et refaire sa vie... Je pense que ma fureur serait telle que je les aurais sûrement tué tous les deux.

Nous sommes des créatures plus sauvages et plus instinctives que les humains. C'est la loi du talion qui nous guide. Œil pour œil.

Je ne blâme pas mes parents, évidemment. Le lien de compagnon est très puissant, nous en avons fait l'expérience nous-même. Mais je ne peux pas totalement blâmer Valentino non plus. C'était son jumeau, ils étaient inséparables. Si nous, les loups, quand nous aimons, nous sommes prêts à toutes les folies...

Eux, se donnent tout entier par amour. Il est mort parce qu'elle l'a abandonné, il n'avait plus de raison de vivre...

- Peut-être, mais tu es parfaitement innocent dans tout ça.

- Oui, mais j'ai choisi de porter la vengeance de Gianni. Je l'ai demandé, et si c'était à refaire, je le referai aujourd'hui. Je ne peux pas accepter que mon père meurt dans une vendetta.

Je ne suis pas si mal traité que ça aujourd'hui. Valentino me laisse assez libre en dehors de ses appels. Au sein de son clan j'ai une place particulière, tous les autres me considèrent comme le bras droit du chef. Je ne m'en suis pas trop mal tiré. J'ai un sale boulot... Mais après toutes ces années, je dois dire que ça ne me torture plus autant l'esprit. J'ai accepté mon sort.

À condition que ça ne t'implique jamais."

Me dit-il, ses yeux regardant ma main qui est toujours dans les siennes, posées entre nous deux, sur la petite table. Il a à nouveau le visage crispé par la dangerosité de notre situation.

Il est resté seul, avec tout ça, jusqu'à présent...

Mais aujourd'hui, les choses changent. Dorénavant, je serai à ses côtés. Il est mon compagnon, son fardeau est le mien, c'est aussi simple que ça. Il est temps de lever le menton, et de se préparer à la suite.

« Qu'est-ce qu'il veut faire de moi ? » Je demande.

« Je n'en sais rien. Et, Louisa... Je n'ai pas envie de savoir.

Mais nous sommes marquées aujourd'hui... Je porte ton odeur, et tu portes la mienne, rien ne peut enlever ça. Je ne te dis pas que je regrette, mais les conséquences me font froid dans le dos.

Je m'étais juré que ça n'arriverait jamais... »

Il lâche ma main pour cacher son visage dans les siennes, réalisant encore qu'il a « échoué » à la mission qu'il s'était donné...

« Stop, Sandro, ce n'est plus le moment pour dire ce genre de choses.

Je sais ce que tu as voulu faire aujourd'hui, et merci d'avoir voulu me protéger, mais non. Moi, je ne regrette absolument rien, même en sachant tout ça.
Tu m'aurais expliqué ton histoire dès le début, puis tu m'aurais demandé de choisir, je t'aurais choisi quand même.

C'est moi-même qui t'ai quasiment forcé à me marquer, alors que tu m'ordonnais de te rejeter.

Alors, s'il te plaît... Je t'en prie, arrête de t'en vouloir, et réfléchissons à nos options.

Tu m'as demandé hier, de te dénoncer à James. Est-ce que tu pensais être à l'abri de Valentino en étant incarcéré ?

- Pas du tout, non. Si par malheur je suis incarcéré, Valentino viendra me récupérer sans aucun scrupule pour les dommages collatéraux.

Non, j'avais pour projet de disparaître. Avant que tu ne surgisses à nouveau dans ma vie, je cherchais un moyen de mettre mon père définitivement à l'abri. Je savais que James avait des soupçons sur nous, et que ce n'était qu'une questions de semaines, voire de jours, avant qu'il me mette la main dessus.

Quand j'ai atterri dans ton bureau avec mon père, et constaté comme vous vous entendiez bien, j'ai su ce que je devais faire. Tu devais me rejeter. La fraude aurait été révélée et tu aurais pris mon relais pour protéger mon père. Tu savais qu'il était parfaitement innocent.

Tu aurais pris sa défense et il aurait été mis hors de cause. De mon côté, je pouvais disparaitre pour empêcher James de me coffrer, en sachant que mon père était en sécurité, définitivement. Vous auriez été sauvé tous les deux.

- Disparaître où ? Avec Valentino ?

- Oui, je vis déjà une grande partie de ma vie à Corden. Il m'a aménagé des quartiers près des siens. Au début, c'était une pièce quasiment vide, il m'enfermait dedans pour me montrer qu'il avait le droit de vie ou de mort sur moi, que j'étais devenu son chien. Au fur et à mesure, il a voulu que je m'y sente bien. C'est comme un petit appartement, aujourd'hui, il y a tout le confort possible. Et je peux continuer à prendre soin de mon père financièrement, que je reste dans sa vie ou non.

- Mais tu es toujours son chien.

- Oui. Je n'en ai jamais douté. Même s'il fait le gentil, et qu'il me traite avec plus de respect et de considération. Quand il me donne l'ordre d'attaquer, j'attaque. Comme un chien de combat.

- Est-ce que tu prends du plaisir à le faire ? À tuer ?

- ... Je ne sais pas. Ça m'est arrivé, je pense...

Je ne suis pas un saint, Louisa. C'est une situation ironique comme tu le disais au début. Une gardienne du droit, et, un criminel...

Tu vaux mieux que ça."

Destins liés, 1. Rejetée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant