Une petite promenade

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On est comme deux gamins. À jouer, se bousculer, s'attraper, se mordiller... Et c'est génial.

Le loup de Sandro est vraiment grand et trapu. Je suis une jolie bête musclée mais je n'ai clairement pas sa taille. Nous sommes tout de même parfaitement coordonnés et rien ne nous paraît plus vrai que nos deux loups foulant la forêt, ensemble.

Nous arrivons à ma voiture que j'ai garée hier soir en dehors de la civilisation afin de me déshabiller loin des regards curieux. J'avais planqué mes clés dans une souche, et je les retrouve intactes.

Je fais signe à Sandro de se retourner. Désolée, chéri, mais le strip-tease sera pour une autre fois.

Je le vois s'installer, tranquille, comme s'il allait assister à un spectacle. Il répond d'un signe de tête pour signifier qu'il n'a absolument pas l'intention de louper une bribe de ce qui va suivre.

RRRrrr sale gosse... Très bien, comme tu voudras.

On verra bien qui de nous deux sera le plus gêné. Je me transforme derrière un arbre, puis déverrouille ma voiture avec la clé électronique.

Je commence à montrer une jambe, lascivement. Il fait de petits bruits d'encouragements. J'ai tellement envie de rire...

Je me présente de profil, et lui envoie un baiser.

Il bondit sur lui-même, joueur et festif, puis jappe comme un loup excité. On dirait le loup de Tex Avery, j'empêche mon éclat de rire de résonner trop fort en l'étouffant dans ma main.

J'entre dans ma voiture, j'enfile mes vêtements d'hier, puis je ressors pour lui ouvrir le coffre afin qu'on retourne chez lui de manière plus civilisée. Il rechigne à monter dans le coffre comme un chien domestique.
"Mais tu es énorme ! Tu ne tiendras jamais sur le siège passager, et tu vas me mettre des poils partout !"

Finalement, il s'est installé sur la banquette arrière.

Monsieur a bien trop de classe pour aller dans le coffre, et je n'ai aucun vêtement pour le couvrir s'il se transforme.

Je fais le chemin inverse avec mon bestiau imposant comme chargement et ne me gare pas trop près de la maison pour éviter que Angelo me voit débarquer. Nous retournons maintenant discrètement dans les quartiers de Sandro.

Il disparaît dans sa chambre, pour revenir tout humain dans la même tenue que tout à l'heure.

Son sourire en coin veut tout dire...

"Tu sais que je me retiens de t'emmener là-dedans, encore ? Ce petit spectacle privé, Ahouuuuu !!"

Je rougis en riant de plus belle...

Il est si différent, si souriant, blagueur, affectueux... Oui, charmée par ce sourire, là, j'aurais aimé qu'il m'emmène à nouveau dans son lit, c'est certain. Mais, maintenant, nous devons vraiment parler.

"Allez, assieds-toi. Tu dois avoir faim."

Oh que oui, surtout après cette joyeuse course.

Il commence par me préparer un café latte et je plonge tout de suite dedans. Il a un léger goût de noisette... Di-vin. Puis un croissant tout chaud, des œufs brouillés, et une salade de fruits frais. Il soigne sa présentation et tout... Trop mignon.

On mange dans un silence confortable, on savoure ce moment... Jusqu'à la dernière miette.
Sandro est décidément une belle surprise... Un peu trop belle, justement.

Je le vois prendre le temps de respirer calmement, avant de commencer son récit.

"Ok...

Louisa, j'ai voulu qu'on partage des moments précieux et légers, parce que ce seront peut-être les dern...

- Non, stop. Ne commence pas comme ça. Je refuse d'entendre ça.

Je veux toute l'histoire, parce qu'elle est aussi la mienne, maintenant. Nous sommes marqués, accouplés, aussi liés que possible. Alors je t'interdis de penser ne serait-ce qu'une seconde, à une séparation."

Son regard est difficile à décrypter. Je ne sais pas ce qu'il pense, et ça commence à m'angoisser.
Il poursuit finalement.

" Je vais commencer par te parler de ma mère.

Mes parents sont nés et ont grandi au nord de l'Italie, assez éloignés l'un de l'autre.

Ma mère, avant de rencontrer mon père, était déjà en couple. Il s'appelait Gianni. Il n'était pas un loup, mais il n'était pas un humain non plus.

Gianni était vampire."

Je marque une expression de surprise, qu'il relève.

"Oui, une louve et un vampire, c'est très rare, mais ça arrive.

En général, les vampires ne vivent qu'entre eux, mais c'est arrivé. Gianni était fou d'elle, et elle pensait l'aimer aussi.

Les vampires sont assez peu connus des autres espèces, et les loups ne les aiment pas. Donc ce fut un amour compliqué, mais ils étaient décidés à le vivre malgré tout.

Les vampires marquent leur compagne, eux aussi.

Ils peuvent marquer qui ils veulent pour compagne. Ils peuvent aussi poser leur marque de manière différente et beaucoup plus légère sur n'importe qui, simplement pour signifier leur appartenance. Leurs enfants par exemple, ou les membres de leur clan.

Gianni a marqué ma mère, pour compagne. Ça l'a fragilisée, ça a affaibli ses capacités de louve, mais elle était prête pour ce sacrifice.

Mon père, de son côté, était l'Alpha de sa meute. Je sais que c'est difficile à imaginer maintenant... Mais il n'est plus que l'ombre de lui-même aujourd'hui. Il était un Alpha très apprécié de sa meute, il aimait sa vie, mais il lui manquait sa véritable partenaire.

Ce qui devait arriver, arriva.

Mon père a croisé la route de ma mère, et ils ont senti le lien de compagnons.
Mon père étant Alpha, ce lien a été très puissant et impossible à ignorer. Il était prêt à tout pour elle, et elle... Devait bien se rendre à l'évidence, son âme-sœur ne pouvait être que lui.

Elle s'est retrouvée dans une impasse. Elle a avoué à mon père, le cœur déchiré, s'être déjà engagé... Mais mon père n'était absolument pas décidé à renoncer à elle. Elle était plus importante que n'importe quoi à ses yeux...

Il lui a proposé de fuir, loin de Gianni.

Une folie... Mais le véritable amour vaut bien toutes les folies du monde.

Mon père a cédé sa meute à son Bêta. Ils ont fuit ensemble jusqu'en France, ici.
Gordon a accepté de les accueillir, avec pour seule condition que mon père et ses descendants ne revendiquent jamais le titre d'Alpha des Guerriers de l'ombre. Il a même signé un contrat, que James garde sûrement encore précieusement.

Ils ont vécu très heureux, je suis né, et nous étions comblés... Jusqu'à cette horrible soirée.

J'avais 13 ans. On dînait tranquillement, lorsqu'on a entendu de grands coups frapper à notre porte.

Ma mère est allée ouvrir, puis nous l'avons entendue crier.

Mon père et moi nous sommes précipités dans sa direction. Nous avons atterri affolés dehors, sur le perron, puis nous nous sommes retrouvés saisis par la peur...

Ma mère se tenait dix mètre en face de nous. Son visage blême nous fixait, horrifié. Un vampire tenait dans sa grande main, sa gorge fragile. Il nous souriait comme un détraqué qui tenait enfin sa proie.

Il l'a maintenait par la nuque, fortement, et nous savions qu'elle était incapable de se défendre, ayant perdu sa force animale avec le temps. Il provoquait la fureur de mon père en léchant l'épaule dévoilée de sa compagne, tout en le défiant du regard de tenter quelque chose.

Il avait déployé ses crocs bien en évidence, avec la ferme intention de les planter dans sa chair.

Mon père a cru que c'était Gianni, mais non.

Il s'est présenté sous le nom de Valentino, le frère jumeau de Gianni.
Il nous a annoncé que son frère était mort de désespoir après l'abandon de sa compagne, et qu'il était venu accomplir sa vendetta."

Destins liés, 1. Rejetée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant