Elle avait toujours aimé observer les autres. Noter toutes sortes de petits détails sur eux. Mais avant, elle n'avait que très peu de temps à consacrer à ses observations, entre les cours et les gens qui lui parlaient. Souvent, c'était sa mère qui interrompait ses réflexions. Parce que ça la déconcentrait de ses études, selon elle. Il fallait choisir entre rêverie et réussite.
Maintenant, en revanche, elle pouvait passer toute la journée à regarder et à apprendre. C'est-à-dire qu'elle était en prison, et qu'il n'y avait pas grand-chose à faire là-bas. Le problème, c'était qu'il n'y avait pas beaucoup de gens qui valaient la peine d'être étudiés. Les incarcérés passaient leur temps à se plaindre de tout, à croire que c'était leur occupation préférée. Et cela agaçait Hailey jusqu'au plus profond de son âme.
Pour ne pas craquer, elle s'était rapidement détournée de ce type de personnes pour se concentrer sur ceux qui en valaient la peine. Et le nombre de possibilités s'était réduit à deux : un garçon plus vieux qu'elle de cinq ou six ans et qui semblait incapable de perdre espoir, frappant le mur de pierre qui le retenait prisonnier, en plus des barreaux de sa cellule. Mur qui faisait une bonne cinquantaine de centimètres d'épaisseur. Mur qui ne pouvait pas être brisé par les coups de pied incessants d'un jeune énervé. Hailey lui avait fait remarquer qu'il aurait plus de chances de sortir s'il consacrait son énergie à enlever les barres de métal plutôt qu'à frapper dans des roches, mais il lui avait souri et lui avait dit qu'il le savait déjà. Avant de recommencer à taper dans le mur.
Le garçon était devenu lassant assez vite, en fin de compte, et Hailey avait craint que l'autre personne qu'elle avait remarquée ne le soit aussi, mais elle avait été surprise. L'autre était assez intrigante pour que l'adolescente étanche sa soif de renouveau. C'était une fille... et elle n'en savait pas beaucoup plus. Elle portait toujours des sweats et des jeans trop grands, et gardait continuellement sa capuche, de sorte que personne ne savait vraiment si elle avait huit ou vingt-cinq ans. Et, évidemment, personne ne la connaissait. Ce qui rendait l'affaire d'autant plus intéressante.
En réalité, si la fille n'avait pas agi aussi bizarrement, elle ne l'aurait sans doute jamais remarquée, car « quelqu'un dont on ne sait rien » n'était pas suffisant pour monter un dossier. En revanche, « quelqu'un dont on ne sait rien, qui semble absolument déterminé à ce que cela reste d'actualité, qui a l'air de ne jamais dormir ni manger ni tenter de s'échapper et – le plus important – qui a quelque chose à cacher » était assez accrocheur.
Une fois, alors qu'elle triturait le bout de ses manches, adossée aux barreaux qui reliaient sa cellule à celle d'un garçon un peu trop bruyant, celui-ci avait brusquement tiré sa capuche. Elle avait réagi si vite que Hailey, si elle n'avait pas déjà été en train de regarder dans cette direction, n'aurait rien remarqué.
Claire.
C'est ce qu'elle avait pensé à ce moment. Une fraction de seconde après avoir été découverte, la fille avait de nouveau mis sa capuche avant de saisir le poignet du garçon et de le serrer jusqu'à ce qu'il ait mal. Elle lui avait murmuré quelque chose à l'oreille – probablement une menace, au vu de la tête qu'avait fait le plaisantin – puis avait lâché son bras avant de s'éloigner des barreaux et de recommencer à maltraiter les coutures de son sweat.
Claire.
Oui, la fille était « claire », aussi vague que cela puisse être. Elle ne savait pas si cela venait de sa peau, de ses cheveux ou de ses yeux, ou de n'importe quoi d'autre qu'elle ne savait pas déjà sur elle, mais elle avait vu quelque chose de clair, presque blanc. Et ses intuitions avaient été confirmées, plus tard.
Il était près de minuit, et elle ne dormait toujours pas. Les lumières du bâtiment s'étaient éteintes deux heures plus tôt et les trois quarts des captifs dormaient, le dernier quart en était près. Dernier quart dont elle faisait partie, contrairement à la fille, qui ne semblait absolument pas décidée à fermer l'œil. Curieuse, Hailey avait décider de rester éveillée elle aussi, pour savoir ce que la fille allait faire ; elle était prête à patienter des heures.
Et c'est ce qu'elle fit, restant péniblement réveillée jusqu'à trois ou quatre heures du matin, heure à laquelle l'inconnue fit enfin autre chose que tirer sur les fils de son sweat et hausser les épaules – un mouvement récurrent. Elle abaissa sa capuche. Complètement. Et, même dans le noir presque complet, Hailey sut qu'elle avait eu raison : claire, la fille était claire. Sa peau était anormalement pâle, contrastant avec la noirceur ambiante, et ses cheveux l'accompagnaient bien, paraissant blancs mais étant sans doute d'un blond très clair.
Hailey, qui n'avait soudain plus du tout envie de dormir, attendit encore, sans bouger d'un millimètre. Elle voulait voir ses yeux. Au bout d'un long moment, elle remarqua que la fille tremblait. De froid ? Peu de chances, on était proche de l'été et il devait faire dans les vingt degrés, même la nuit. De peur ? D'accord, mais peur de quoi ? Du noir ?
L'adolescente faillit s'étouffer de rire, manquant de réveiller son voisin. Les prisonniers retenus dans cet endroit ici avaient commis des meurtres. Une meurtrière ayant peur du noir, quelle ironie !
Soudain, elle se rappela que, pour la fille, elle était endormie. Elle l'avait oublié pendant une seconde, mais c'était bien suffisant. Sachant que sa couverture était fichue, elle se redressa et regarda sans espoir la cellule de la fille. Évidemment, elle avait remis sa capuche, et la fixait depuis le coin de la pièce, en grande partie cachée par les ombres que la nuit épaississait.
— Je suis désolée, souffla-t-elle en espérant qu'elle l'entende
— Non, je ne te crois pas. C'était exactement ce que tu voulais, contra la fille sur le même ton
Surprise d'obtenir une réponse, Hailey mit un moment avant de parler à nouveau :
— Je ne voulais pas te faire peur, vraiment.
— Peur ? Tu crois que j'ai peur de toi ?
— Tu dois bien avoir peur de quelque chose, pour te cacher tout le temps. Pour ne parler à personne.
— Laisse-moi tranquille ! lança l'inconnue d'une voix nettement plus tendue et froide
— Désolée, répéta Hailey, sachant d'avance que, cette fois, elle ne lui répondrait pas
Elle se laissa retomber sur son matelas, soupira et s'endormit pour les deux heures qui la séparait du jour où tout allait changer.
Bien. Les présentations sont presque terminées. Nous avons donc Claire, dont vous ne savez pas grand-chose pour le moment ; Hailey - que pensez-vous d'elle ? - et une certaine adolescente bien étrange.
À bientôt !
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Killer Queens [VERSION FRANÇAISE]
FantasyUne malédiction. Des démons. Un autre monde. Des assassines. Le résultat ? Un chaos des plus total. #1 dans la catégorie "poignard" le 28/01/2024 #1 dans la catégorie "assassine" le 29/01/2024 #2 dans la catégorie "hanté" le 29/01/2024 #6 dans la ca...