Chapitre 36 - Maeve

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L'adolescente ouvrit les yeux dans un sursaut et se redressa brusquement. Une minuscule seconde auparavant, elle s'était sentie en sécurité, comme dans une bulle protectrice, et puis... partie. Volée en éclats.

Et puis le trou noir – au sens littéral, comme l'indiquaient les épaisses ténèbres qui l'entouraient. Contrairement à celles qu'elle avait rencontrées quelques jours plus tôt, après avoir pris un sédatif dans le bureau de Mme Embershadow, elles ne paraissaient pas agressives, et n'engluaient pas ses membres pour l'enfermer à jamais.

Tant mieux, songea Maeve avec un soupir

Les mots résonnèrent soudain autour d'elle, se répercutant contre le néant pour se répéter à l'infini.

— Donc je suis... dans ma tête, je suppose, murmura la jeune fille en tentant de ne penser à rien, jugeant leurs échos bien trop bruyants

— Maeve ! Je te cherchais, annonça une voix qu'elle ne parvint pas à situer sur-le-champ

La directrice de Westwood apparut à sa droite et elle s'empêcha d'avoir l'air surprise.

Sauf qu'elle peut entendre tes pensées, idiote, se réprimanda-t-elle en secoua la tête

Mme Embershadow posa une main sur sa tête et lui adressa un sourire doux.

— Sois plus indulgente envers toi-même. Tu n'as pas besoin d'être ta propre ennemie.

Maeve haussa les épaules, distraite par l'étrange apparence de la directrice, dont le corps semblait composé de milliards de minuscules particules électriques, comme des orages miniatures. Bien sûr, elle l'avait déjà vue, lors de leur discussion. Mais elle n'avait pas observé l'étrange différence avec son propre corps, qui n'était ni plus ni moins que son physique habituel.

Elle écarquilla les yeux alors qu'une pensée se formait dans son esprit. Fatale. Définitive.

— Je n'ai pas de pouvoirs, c'est ça ? demanda-t-elle dans un souffle. Je ne peux pas les contrôler parce que je n'ai pas de magie en moi ?

— Veux-tu arrêter de dire des bêtises, une seconde ? Bien sûr que tu as des pouvoirs. Ils ont un problème évident, mais tu en as. Et tu apprendras à les contrôler.

— Mais vous...

— Je sais, l'interrompit l'adulte. Mais ça ne rend mon hypothèse que plus logique : tes pouvoirs ont été séparés de ton corps. Donc tu ne peux pas les invoquer ou les utiliser correctement, mais comme ils font encore partie de toi, ils se déclenchent lorsqu'il y a un trop-plein de magie. J'avais raison, acheva-t-elle avec un sourire triomphant

Maeve, pensive, fixa les voulûtes d'ombre s'enrouler et se dérouler autour de ses membres sans parvenir à choisir entre l'espoir et la réalité. Elle avait tant espéré... que ses parents ressuscitent, que son frère lui pardonne, qu'elle soit plus forte, qu'elle ne déçoive pas les autres... mais espérer ne servait à rien. Il fallait se résoudre à abandonner, et se laisser couler dans les sombres flots de sa vie, se noyer dans cette réalité écrasante pour ne plus jamais remonter à la surface.

"Il n'y a que la vérité qui blesse."

Ce dicton aurait dû être réécrit depuis des années. Quitte à parler de vérité, alors autant aller jusqu'au bout. "Il n'y a que la vérité qui tue."

Voilà qui était bien plus réaliste.

— Du calme. Pas de meurtre pour l'instant, s'il-te-plaît. Et puis... tu as promis, lui rappela Mme Embershadow

— Je sais.

La directrice la dévisagea, jaugeant sa sincérité, puis hocha la tête.

— Donc... ma magie est quelque part ici ? finit par demander Maeve en cherchant une quelconque lumière à même de transcender les ténèbres environnantes

Killer Queens [VERSION FRANÇAISE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant