Chapitre 35 - Hailey

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L'adolescente, figée, fixait la petite fille frissonnante qui se tenait devant elle. Elle était constituée comme une représentation psychique le devait ; en l'occurence, son être semblait fait de flammes. Ou de glace. Voire les deux en même temps, cendres brûlantes et flammes gelée. Mais la Maeve du monde réel était plus âgée d'une bonne dizaine d'années.

— C'est impossible, déclara-t-elle comme si le fait de l'énoncer allait faire disparaître l'enfant, la faire grandir pour qu'elle atteigne les quinze ans qu'elle était censée avoir

Les mots se répercutèrent contre les murs intangibles, refractés par un milliers de pensées invisibles, mais ils sonnèrent désespérément creux malgré leur véracité absolue.

— Quel âge as-tu ? demanda finalement la jeune fille en s'agenouillant pour voir le visage de la petite Maeve, qui observait le sol avec insistance

Celle-ci releva les yeux timidement, croisa ceux de Hailey et joignit ses mains pour tordre ses doigts violemment. L'adolescente – la vraie – s'approcha et prit ses poignets doucement, l'empêchant de se fracturer les phalanges.

— Non ! S'il-te-plaît ! Lâche moi ! cria la petite Maeve en se débattant furieusement

Hailey la libéra, surprise, et l'enfant se laissa glisser contre le sol – à défaut de mur –, repliée sur elle-même telle une fleur fanée.

Ça avait déjà commencé ? s'enquit Hailey en cherchant les mots pour poser une telle question à une enfant

— Maeve... est-ce que ton frère est... gentil avec toi ?

La petite fille s'immobilisa pendant un long moment, paraissant à peine respirer, puis haussa les épaules.

— Qu'est-ce que tu sous-entend ? murmura-t-elle si bas que Hailey faillit ne ps l'entendre malgré l'absence totale de sons

— Rien. Simplement... tu as une marque au cou, hasarda l'adolescente, estimant l'âge de la petite fille à cinq ou six ans – soit assez pour que son frère l'aie déjà brûlée

— C'est pas vrai. Tu peux pas la voir de la où tu es.

La petite Maeve se releva, une mèche de cheveux blancs couvrant son œil gauche.

— Et puis d'abord, tu dis n'importe quoi. Luck, il est...

Elle s'interrompit, les sourcils froncés, cherchant le mot correspondant à la torture qu'elle ne pensait pas subir.

— ... juste, acheva-t-elle avec un hochement de tête

— Non, Maeve, il n'est pas "juste". Il te fait du mal. Mais je peux t'aider. Je vais t'aider.

La petite Maeve releva la tête, fixant Hailey avec une horreur visible.

— Ne fais pas ça, murmura-t-elle, suppliante. Il ne fait surtout pas que les autres gens sachent, sinon...

Elle fut prise d'un violent tremblement et ses yeux s'emplirent de larmes.

— Tu ne dois pas savoir, sanglota-t-elle en enfouissant son visage dans ses paumes

Les épaules secouées de pleurs, l'enfant tomba à genoux et Hailey s'approcha lentement, soucieuse.

Elle posa une main sur l'épaule de Maeve et empêcha celle-ci de se dégager malgré son mouvement de recul.

Elle se rappela du souvenir qu'elle avait vu, cet horrible souvenir qu'elle tentait en vain de chasser de sa propre mémoire.

Elle n'avait pas pu consoler la petite fille, n'étant pas en mesure de contrer les limites du temps. Mais maintenant...

— Pourquoi es-tu si jeune ? se demanda-t-elle à elle-même

Maeve haussa les épaules – bien sûr, comment aurait-elle pu savoir ?

Abandonnant les hypothèses illogiques pour le moment, Hailey, saule qui ne pleurait plus depuis longtemps, entoura la fleur minuscule qu'était Maeve, la protégeant du vent et de la pluie qui arrachaient ses pétales fragiles et brisaient sa mince tige.

— Maeve... tout ira bien. Et même si ce n'est pas le cas, je te protégerais. Luck ne te fera plus jamais mal.

Au fond d'elles, un lien intangible se noua, fait de promesses et d'espoir.

Killer Queens [VERSION FRANÇAISE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant