Chapitre 3 : Ambre

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J'écoute consciencieusement le cours d'introduction auquel tous les élèves de première année d'arts plastiques sont conviés. Ce n'est pas très passionnant, je dirai même que c'est un blabla inutile. Selon la pendule que j'observe attentivement depuis plusieurs minutes, il ne reste que vingt minutes d'ennui avant de commercer les choses sérieuses. Comme tout nouveau cursus, il faut passer par les bases pour ensuite aborder des thématiques plus intéressantes. Nous devons être plus de deux cents personnes actuellement. Et dans quelques semaines, une partie des élèves présents auront changé de parcours ou bien seront partis d'après les informations données durant la première heure. Je ne sais pas dans quel but le corps enseignant nous en avertit peut-être pour décourager les plus passifs d'entre nous.

Mon regard se perd parmi les étudiants, en me demandant qui serait susceptible d'abandonner. Ce cours ne semble pas passionner grand monde. La plupart d'entre eux sont en pleine conversation avec leur voisin au lieu d'écouter les paroles de mon professeur. Quant à moi, une fois que je délaisse l'horloge, le papier blanc de mon carnet se teint de noir. Je griffonne sur ma feuille, laissant libre cours à mon imagination. Je repense soudainement à ce matin, après avoir passé une nuit remplie de rêves dans lesquels ce charmant étranger était l'acteur principal, je me suis réveillée en retard. Une douche expresse, un maquillage raté et une tenue déplorable, voici comment je me présente aux autres en ce premier jour. J'ai même dû parcourir la moitié de l'université au pas de course afin de dénicher la salle où j'allais rester deux heures à écouter les propos ennuyeux de mon professeur.

Mon crayon ne peut s'empêcher de reproduire les traits de son visage, une mâchoire angulaire, des fossettes terriblement craquantes, et des yeux en amande. J'ai aussi remarqué qu'il avait des origines asiatiques que je parviens à faire ressortir sur le papier. Il est si séduisant, avec un autre corps, j'aurais sans doute tenté un rapprochement, mais cela demeurera un rêve lointain. À moins que je m'inscrive dans une salle de sport pour perdre tous ces kilos en trop. Bien évidemment, l'exercice et moi, nous ne sommes pas amis bien au contraire, ma précédente séance remonte à l'année dernière. J'avais fini avec les cheveux en bataille, les joues rougies par l'effort, et la sueur qui coulait le long de mon visage. Je sais, c'est une anecdote peu ragoutante, mais qui décrit néanmoins ce que vivent la plupart des sportifs du dimanche. Il m'arrive souvent de m'imaginer plus mince, d'espérer que les garçons se retourneront sur moi parce que je leur plais et non pour se moquer. Telle une piqure de rappel, je caresse ma cicatrice au genou, me replongeant dans des souvenirs que j'aurais préféré oublier.

Flashback

Deux ans auparavant

-Alors Ambre, tu es enfin sortie de chez toi. Papa et maman ne sont pas là pour te réconforter. On dirait bien que tu t'es laissé aller pendant ces cinq derniers mois, tu as un ou deux bourrelets qui essaient de s'échapper, plaisanta un des garçons de ma classe.

-Tu déconnes Tim, tous ses vêtements sont bien trop petits, tu penses que tu es encore bonne ? Je serais tenté de te baiser pour voir ce que ça fait d'être avec une grosse, je tâcherai de ne pas me perdre dans cette couche de graisse, ricane-t-il à son tour.

Les mots qu'ils prononcent fissurent ce qu'il subsiste d'espoir. Les larmes coulent depuis un moment, sous leurs regards amusés. Pourquoi est-ce que tout ça me tombe dessus, je veux juste qu'on me laisse tranquille. Ne supportant plus leur critique, j'opère un demi-tour, tant pis pour les examens, c'est bien trop dur de rester ici. En me retournant pour partir, un d'entre eux me fait un croche-patte, résultat des courses, je m'écrase lourdement sur le sol goudronné. L'ultime humiliation de la journée...devant tous ces regards, je me relève difficilement, mes paumes me brûlent tout comme mon genou droit. Oubliant momentanément la douleur, j'accours sans m'interrompre pour regagner ma maison. Ma vision est trouble, je manque de bousculer des passants. Mon absence de souffle me force à m'arrêter, ne parvenant plus à réfléchir correctement, je me laisse glisser contre un mur. Il me faut un moment pour me rendre à l'évidence que je ne pourrais pas rentrer toute seule. Je sors alors mon portable et appelle ma mère.

Il est mon avenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant