Chapitre 33 : Dixon

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Chapitre 33 : Dixon

Après quelques minutes, je finis par émerger de mon sommeil. Ambre est en train de faire la vaisselle alors je la rejoins et l'entoure de mes bras.

— Tu ne m'avais jamais dit que ton père était encore en vie, me dit-elle avec douceur, ne voulant certainement pas se montrer brutale.

La lettre, j'ai dû m'endormir avec et sa curiosité l'a poussé à la lire.

— Ce n'est pas très bien de regarder les affaires des autres ma belle, lui murmuré-je en caressant sa nuque.

Il est vrai que je ne me suis jamais confiée à elle concernant mon père. Pour moi, lorsque ma mère est décédée, il est parti avec elle.

— Je l'aime, c'est ma famille, mais une partie de moi lui en veut tellement d'avoir abandonné son fils lorsqu'il en avait le plus besoin, poursuivre-je prêt à lui livrer un morceau douloureux de mon passé.

Après l'enterrement de ma mère, les jours paraissaient si longs et vides. Plus aucun bruit ne régnait dans notre résidence. Les éclats de rire de mes parents avaient disparu, tout comme nos cris de joie lorsque notre équipe de hockey favorite remportait un match. Les dimanches en tribu n'avaient plus de saveur. Mon père était militaire, alors il était plus souvent absent de la maison que présent. Il était accro à son travail, mais après son décès, il a accepté plus de missions réduisant nos rencontres à une ou deux par an puis il a fini par ne plus jamais revenir. Mes grands-parents ont obtenu ma garde jusqu'à ma majorité. Puis nous avons déménagé avec Max et Riven à New York et la salle de sport a vu le jour. Ce sont eux qui m'ont relevé à chaque fois que je menaçais de m'effondrer. Je leur dois tout. Petit à petit, je dévoile un fragment de ma vie d'avant à Ambre qui m'écoute avec un soin.

— Tu sais Dix, perdre l'amour de sa vie peut en faire vriller plus d'un, même les hommes les plus robustes. Il s'est abandonné dans le travail parce que ça lui permettait de noyer son chagrin. Et ça lui a sûrement permis de gérer sa colère en se défoulant là-bas. Peut-être que tu devrais entendre ce qu'il a à te dire, tu n'as rien à perdre et tout a gagné, m'encourage-t-elle avec sa bienveillance habituelle.

Mûrir c'est surtout pardonner. Son retour inattendu ne pourra jamais combler des années d'absence, mais lui revient et essaie de se faire excuser par conséquent je me dois au moins de l'écouter. L'un des deux m'a déjà quitté et si je peux retrouver l'autre alors je dois accepter de lui parler. Lui donner une chance de se rattraper et de me récupérer me semble réalisable. Mon père me manque, notre complicité, les entraînements de boxe qu'il m'apprenait, ce lien que nous avions autrefois a été fragilisés, mais pas brisé. Je voudrais lui présenter la femme que j'aime et lui montrer ce que j'ai fait de ma vie.

— Tu as raison, je... je vais lui envoyer un message, affirmé-je d'une voix tremblante à cause de l'émotion.

Je lève ma main pour essuyer la larme qui s'est échappé, mais Ambre me devance et la pulpe de son pouce s'en charge pour moi. Sa peau est délicate et me provoque toujours autant de sensation. Je pose mon front contre le sien et d'autres larmes suivent les premières et la tension accumulée pendant toutes ces années se libère.

— Tout va bien Dix, je suis là.

Les minutes sont longues avant que mes pleurs se stoppent. La main d'Ambre se glisse sous mon t-shirt et effectue des cercles dans mon dos. Cela a le don de m'apaiser, cette fille est un remède rien que par sa présence.

Ce n'est que quelques heures plus tard que je me décide enfin à prendre mon téléphone pour lui donner un coup de fil. J'espère que son numéro est toujours le même, lors de notre dernière rencontre, je suis parti comme un voleur avant qu'il me le communique. La tonalité m'indique qu'il est encore attribué, ce qui est un premier pas. Les sonneries se succèdent sans réponse, et tandis que je m'apprête à raccrocher, une voix confuse retentit finalement.

— Allo fiston, s'exclame-t-il incertain.

— Je... est-ce que tu serais disponible cet après-midi pour qu'on se voit. Je connais un super café où on pourrait aller, lui proposé-je à bout de souffle.

Les secondes semblent durer des heures avant d'entendre le son de sa voix. Dans ma tête tout un tas d'émotions me traverse. J'ai l'impression d'être à nouveau cet adolescent déboussolé par la mort de sa mère. À tout moment, il pourrait me dire non et repartir comme il l'a fait quelques années auparavant.

— Bien sûr fiston, dis-moi où te retrouver.

Sans plus tarder, je lui laisse l'adresse du café et finis par raccrocher, perdant un peu mon courage. Ce premier pas est déjà énorme pour moi. J'attends cette rencontre à tel point que j'aie peur d'être déçu ou encore plus en colère. Les paroles d'Ambre me tournent en tête, je dois lui donner une chance de s'exprimer, et peut-être de lui pardonner.

— Tu as vraiment changé Dixon, d'un adolescent gringalet tu es devenu un véritable costaud. J'ai le sentiment d'avoir loupé tellement de choses dans ta vie, affirme-t-il en s'installant sur l'une des banquettes en cuir du café.

— Ce n'est pas qu'une impression, tu m'as laissé seul avec papi et mamie. Je n'avais que seize ans et tu m'as abandonné alors que je venais de perdre ma mère. Tu t'attendais à quoi ?

Les mots sortent de ma bouche bien plus vite que je ne le souhaiterais. Des années de modération que je ne parviens pas à retenir. Une larme coule le long de sa joue et j'ai la sensation de recevoir un coup de poing dans le ventre.

— Si tu savais à quel point je m'en veux Dix, mais la mort de ta mère m'a tué de l'intérieur. Nous étions si soudés qu'elle était un morceau de mon être. Le véritable grand amour de ma vie, alors me retrouver du jour au lendemain sans elle m'a achevé. Je n'étais plus capable de réfléchir correctement et te garder auprès de moi ne t'aurait pas aidé. L'alcool est rapidement devenu mon ami et je refusais que tu me voies de cette façon-là. Dans ces conditions, j'ai repris les missions pour me sevrer et essayer de remonter la pente.

C'est à mon tour de pleurer en silence. Bien sûr que je lui en veux, mais maintenant que j'ai connu l'amour, le vrai, je ne peux que comprendre cette douleur. Rien que d'imaginer perdre Ambre me tord les tripes. Même si je ne cautionnerais jamais son abandon, je saisis mieux les motivations qui l'ont poussé à repartir au combat.

— Je te pardonne papa, cela ne veut pas dire que j'oublie ses années d'absence, mais j'ai déjà perdu maman et je ne peux pas te perdre toi aussi, soufflé-je d'un seul coup.

Ses larmes discrètement se transforment en sanglots, l'entendre pleurer me brise le cœur. Ce n'est que la deuxième fois que je le vois ainsi. Les militaires ont la réputation de savoir maîtriser leur émotion et ne rien montrer aux autres. Pourtant, ces larmes sont libératrices, ses épaules se détendent comme si le poids de cette souffrance s'effaçait petit à petit.

Mon corps bouge avant même que mon cerveau ne réfléchisse et j'enlace mon père. Après toutes ces années, cela me fait tellement de bien. Une sorte d'apaisement me traverse des pieds à la tête. Mon paternel me rend cette accolade avec force, craignant que je m'éloigne brusquement.

— Sache que je n'ai pas cessé de t'aimer une seule seconde Dixon, tu es mon unique enfant et toute ma vie, m'avoue-t-il avec une voix brisée par l'émotion.

Ces derniers jours auront eu le mérite d'être riches en rebondissements, je ne m'attendais pas à ce que mon père refasse surface. J'ai la sensation que plusieurs années sont passées en quelques heures. Jamais je ne pensais le revoir, et encore moins que nous nous rapprocherions à nouveau.

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Hey,

Ecrire ce chapitre m'a donné beaucoup d'émotion, j'espère que vous les aurez ressenties également.

Bye bye 

Il est mon avenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant