Chapitre 59

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Existe-t-il ne serait-ce qu'un seul endroit au monde où je saurais me sentir à ma place si tu n'es pas là ?

Pire encore, oserais-je même l'appeler maison si mon corps y réside tandis que mon esprit voyage ?

En attendant, toutes ces tanières d'un soir nourriront ma patience de voir enfin ce jour arriver.


Ce sentiment si spécifique, Simon s'était réveillé avec tous les matins de la semaine.

Pour la première fois de sa vie, il frôlait l'idée d'être en sécurité. 

Sans avoir totalement perdu de vue la méfiance avec laquelle il avait grandi, le jeune homme s'était autorisé tout naturellement ici à baisser les armes.

Adam n'avait pas menti.

C'était bien une oasis de paix au milieu du désert qu'il croyait pourtant infranchissable.

La faille ne portait pas de nom, et puisqu'elle était innommable, nul ne saurait la citer et révéler son existence. 

Aucun de ses habitants ne venait d'en haut, c'est tout un groupe soudé qui s'y était installé il y a de cela des années, protégeant son secret coûte que coûte, l'emportant dans sa tombe souterraine jusqu'à son dernier souffle. 

Grâce à cette intimité protectrice, la population d'une trentaine d'individus pouvait vieillir à l'abri des regards malveillants, bâtir là où il n'y avait rien, vivre loin de la maladie, planter des graines qui peut-être, un beau matin, finiraient par prendre racine. 

La galerie était organisée de la sorte :

Au centre, une artère principale zigzaguait entre la roche, plutôt étroite, mais si haute qu'un ou deux étages avaient été ajoutés par endroit en coinçant d'épaisse poutres vieillies entre les parois, créant de solides planchers aux allures biscornues. Pour y accéder, des échelles de cordes pendaient de part et d'autre, obstruant les voies comme des filets à papillons. 

Sur les côtés, des renfoncements aléatoires dévoilaient des cavités aux formes arrondies où chacun s'était installé confortablement avec le temps, remplissant ces recoins des trouvailles de la surface et des créations d'en bas.

Au total, sur une longueur d'environ un kilomètre, deux espaces un peu plus larges obtenaient le mérite d'être appelées grandes salles et d'accueillir la vie commune de ce collectif à l'allure familiale. 

L'une d'elles servait de cuisine et de réfectoire, une longue table trônait au centre entourée de quelques grosses pierres qui faisaient office d'assises où reposaient des galettes molletonnées, tandis qu'un bel inventaire de bocaux s'alignaient dans des étagères naturelles. Pour quelqu'un qui avait l'habitude de ne s'alimenter qu'une fois sur une base hebdomadaire, c'était presque choquant de se trouver face à un stockage de la sorte. Les racines comestibles s'intercalaient avec les tranches de cactus, les épices, les tubercules et les fruits secs, les insectes et les boissons fermentées. 

Simon et Steve n'en revenaient pas.

Ces mets cuisinés, loin des viandes toxiques issues de la chasse, venaient tous pour la plupart du canyon, et plus particulièrement de la seconde salle qui avait encore plus impressionné les garçons.

Grâce au pourcentage d'humidité à peine plus élevé qu'au-dessus, les habitants du trou étaient parvenu à developper une culture d'espèces vivace qui, certes, avaient un goût relativement fade, mais qui leur permettait une quasi-autonomie alimentaire. Ces plantes n'avaient pas vraiment de feuillage, les tiges étaient pâles, tout avait l'air mourant, toutefois cet aspect lugubre relevait d'une véritable prouesse de la nature. La végétation s'était adaptée, laissant croire son état périssable à qui voulait l'entendre. 

L'éveil des IlluminésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant