Chapitre 3

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J'ai l'impression que cette journée ne finira jamais.

Après ma prière, je me suis couchée. Loin de moi est l'idée d'aller m'assoir avec eux, je ne supporterai pas le regard de Rüzgar sur moi. La tête dans les oreillers, l'envie de dormir et d'être à demain me saisit mais malheureusement pour moi, le sommeil ne s'y joint pas. Il est encore d'accord pour que perdure cette journée affreuse.

Des coups aériens retentissent à la porte d'entrée, je lâche un “entrez” paresseux avant de me mettre en position assise. J'aperçois Jenna et Kajal venir en compagnie d'un plateau plein de nourriture. Kajal me sourit maladroitement en restant debout tandis que Jenna prend place sur le lit.

— Tu ne vas quand même pas dormir le ventre vide parceque quelqu'un t'a grondé, me réprimande Jenna. Tu n'as plus cinq ans Hajira. À ton âge, les caprices sont futiles. Je reconnais qu'il est allé un peu fort mais Rüzgar c'est ton aîné. Qu'il soit de ta famille ou pas, il a le droit de te gronder...bref, il était inquiet et quand il l'est il ne mâche pas ses mots.

— Jenna on est rentrée à dix-huit heures trente pas minuit. De toute façon, je suis juste une invitée et il a raison, je vais rester à ma place.

— Non. Tu fais comme chez toi. Par exemple si moi j'avais tenu compte du comportement de Rüzgar et de ses humeurs, il n'y aurait pas Yassine. Parmi les frères Ahmed Kanh, Rüzgar est le plus simple mais ça ne les empêche pas d'avoir le cœur sur la main. Demain il te demandera pardon tu verras, me persuade Jenna.

— Rüzgar est vraiment le père de Yassine, dis-je.

Jenna approuva mes dires en riant et me donne le plateau qu'elle tenait. Kajal — qui est restée jusque là silencieuse — me dit sincèrement :

— Merci beaucoup Hajira. T'avais pas besoin de me couvrir mais tu l'as fait quand même. Rüzgar n'est pas méchant, juste trop protecteur.

— T'inquiète pas. Après tout j'ai goûté aux meilleures glaces de Paris.

Nous rigolons toutes les trois puis elles prennent congé. Mon ventre qui commençait à grogner de faim, exhibe sa joie par le biais de l'eau gourmande qui remplit ma bouche.

C'est exquis.

***

Un paysage de verdure incroyablement beau s'offre à moi. Une clairière vierge à perte de vue et d'une clarté sans pareil. Mes pieds nus foulent le sol herbeux pour aller de l'avant. Ma robe blanche et fluide virevolte au gré du vent et mes cheveux suivent également le rythme.

Un garçon.

De par son habillement et sa posture, un garçon est la seule chose qui fait tâche à cette nature paradisiaque. Plus mes pas me téléportent vers lui, plus il s'éloigne de moi.

Je fais rarement de rêve, celui-ci c'est la première fois. Il est si réel et semble si significatif qu'il fallait que je l'écrive pour ne pas l'oublier. Qui est ce garçon ?

Hajira.

Je ferme mon bloc-notes et le fourre dans le dernier tiroir de ma commode près du lit. Ce matin, je me suis réveillée à cinq heures en essayant tant bien que mal de rattraper ce jeune garçon. Même ayant cru qu'après la prière, je parviendrai à l'oublier, c'est peine perdue. À chaque fois que j'essaie de penser à autre chose, il s'affiche devant moi.

Seule une longue lecture du Coran est parvenue à me débarrasser de cette sensation étrange en moi. Assise sur le siège balançant dans ma chambre, c'est un livre de droit à la main que je vérifie ma boîte mail. Le premier message vient de ma petite sœur.

Un Hiver à 100°(En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant