Gone Poet

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Je crois t'avoir aperçu ce matin

Dans l'amphi de mon cours de psychologie clinique

Je ne crois pas t'avoir aperçu, j'en suis certaine

Tu étais assis tout devant et je m'étais recluse au dernier rang

Tu avais cette lenteur des gestes, cette nonchalance qui te caractérise

Lentement, lorsque le sens transparaissait au fil du cours

Ta tête se redressait pour rencontrer le regard du professeur,

Puis retombait dans la brume

Cette brume indéfectible qui t'entourait

Qui n'a jamais cessé de t'entourer.




Alors j'attendais le prochain rayon de soleil, le prochain éclat d'astéroïde

Pour que tes yeux se dévoilent

Tu étais si loin,

J'aurais pourtant pu saisir le moindre trait

De la moindre de tes expressions.




Pour la première fois, j'ignore pourquoi quelqu'un m'interpelle à ce point

J'ignore pourquoi tu as gardé de l'importance après tout ce temps

Pourquoi le premier de tes gestes anodins et inimitable,

M'a fait te reconnaître.

Peut-être n'était-ce pas toi,

Peut-être n'es-tu jamais entré dans cet amphi ce matin

Je n'ai pourtant pas rêvé

Mais peut-être n'as-tu jamais levé les yeux

Peut-être cette brume était-elle la mienne.

J'ai les mots creux et tu as les pupilles absentes,

Malgré tout le sens que ta bouche déversait lorsque nous nous connaissions

On aurait pu croire que ta vie en dépendait

Pourtant le sens, ta voix l'incarnait tristement

Presque lâchement.




Toutes tes connaissances et tes interrogations

Crissaient dans l'étoffe de l'univers.

Tes doutes, tu en faisais tes certitudes,

Tes obsessions

Ta raison de vivre

Tu en écrivais des poèmes, que tu allais déclamer certains soirs

Dans des lieux paumés à des gens plus paumés encore

Tu en avais écrit un pour moi

Putain ce qu'il était triste

Aussi triste que je l'étais

Tu n'avais pas les mots si justes, mais ton intuition frôlait la perfection.




Je me doute que tu ne souhaiterais pas me revoir

C'est pourquoi je ne t'ai pas attendu

C'est pourquoi je n'ai même pas cherché à savoir s'il s'agissait bien de toi

Je me fiche des illusions et des mirages, et de la personne qui se trouvait dans cet amphi

Cette silhouette était la tienne,

Même si la personne ne l'était pas

Cette silhouette était la tienne

Je la reconnaîtrais quoi qu'il arrive.






À P.-L.


Le Ciel ne s'est Jamais ÉteintOù les histoires vivent. Découvrez maintenant