Chapitre 23

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- Halia ! Halia !

Mon prénom résonne dans la forêt, je l'entends arriver autant au nord qu'au sud. Je n'ai pas la force de me lever. Le corps dur du cerf est maintenant aussi froid que la terre sur laquelle je me suis vautré. J'arrive tout de même à émettre un sorte de gémissement de douleur. Ma gorge est sèche et me brûle. Mon prénom ne cesse de retentir dans l'air, je reconnais la voix du prince Eliam. Ses pas se rapprochent de moi suivi pas d'autres, plus discret et plus légers. Ma tête est trop lourde pour que je la relève, je me contente d'observer le sol. On peut encore distinguer le sang imprégner la terre, l'odeur me monte au nez et manque de me faire régurgiter une nouvelle fois. Alors que je détourne les yeux, une petite source de lumière attire mon attention. Je tends mon bras vers cette étrange lumière, je tâte le sol en essayant de l'atteindre. J'apporte l'objet près de mon visage. On dirait un morceau de bois scintillant. Il ne doit pas faire plus de cinq centimètres, le bout est pointu alors le bâton forme une torsade. L'autre extrémité semble avoir été arrachée. Je referme ma paume sur l'objet et le presse près de mon cœur. Des rayons de lumière jaunâtre traversent la peau fine de mes doigts. Je ferme les yeux en entendant les pas à quelques mètres de moi. Une texture étrange entre en contact avec la peau de mon visage, au niveau de mes joues. Je reconnais tout de suite les gants en cuir d'Antéros. Il manipule délicatement mon visage, l'inspectant sous toutes ses coutures. Il doit être tâché de sang à l'heure qu'il est, pas le mien. Antéros passe un bras derrière mon dos et sous mes genoux, il me soulève du sol et colle mon corps au sien. C'est lorsqu'il se relève que je remarque qu'il manque un morceau aux bois du cerf, un morceau que je tiens dans ma paume. Une petite étincelle d'espoir et de joie scintille dans mon cœur en prenant cet objet comme une remerciement. Je nous sens nous déplacer, sûrement vers le camp. On me pose sur une surface molle, je reste assise là à attendre. Le bois du cerf dans ma paume, je le tourne entre mes doigts. Antéros revient avec un tissu humide, il pose ses doigts sous mon menton et relève mon visage. Le tissu efface délicatement toutes trace de sang, il passe et repasse sur ma peau souillée.

- Sa famille est saine et sauf.

Mes yeux plongent dans ceux du prince, posant silencieusement ma question.

- La femelle et le petit faon sont à l'abri.

Mes poumons se vident d'un coup. Je n'avais pas remarqué jusque-là que leur sort m'importais plus que je ne le croyais. Il n'est pas mort en vain, nous avons réussi à protéger sa famille. Nous n'avons pas échoué. Un grand sourire prend place sur mon visage et j'amène le bois à mon cœur. Je le presse fort contre celui-ci, faisant vibrer la lumière jaune. Je me rends compte que je n'ai pas tué ce canidé pour rien, que j'avais une bonne raison de le faire. Il m'a suffi de savoir la famille du cerf en bon état pour ne plus culpabiliser. Si la femelle et le petit était mort, mon meurtre n'aurait servis à rien. J'aurais tué cette bête sans raison apparente, mais maintenant, que je sais que j'ai contribué au sauvetage de cette belle famille un poids descend de mes épaules.

- Ils vont bien...

Ma voix n'est qu'un murmure, je doute même qu'elle soit audible à l'oreille humaine. Une mèche de cheveux est remise derrière mon oreille avant de prendre mon visage en coupe.

- Ils vont bien...

La voix d'Antéros fait écho à la mienne. La fatigue m'envahit, mon esprit peut s'endormir tranquillement. Une certaine culpabilité reste toujours au fond de moi, mais elle ne m'empêchera pas de me reposer. Ma compassion pour tout être humain ne peut que me laisser une touche de tristesse au fond de moi. Je me laisse tomber sur la surface moelleuse et je remarque que ce sont en fait les vêtements de rechange du prince. D'ordinaire, ma conscience m'aurait poussé à me relever et à insister pour les lui rendre, mais à cet instant, je n'en ai pas la force. Je n'ai même pas la force de garder les yeux ouvert plus longtemps. J'aurai tout mon temps pour me racheter demain.

Un Amour d'Hypnos (REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant