CHAPITRE 9

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CHAPITRE 9

 « Wunderbar ! »

De retour dans sa chambre, Claire tenta désespérément de faire le vide dans sa tête. Le ménage avait été fait, et elle s'allongea sur le lit, après avoir tiré les rideaux.

Une heure plus tard, sa névralgie s'était dissipée. Il était encore tôt et elle décida d'aller faire quelques longueurs dans la piscine qu'elle apercevait depuis sa fenêtre, pour se changer les idées. Elle n'avait pas emporté de maillot dans son bagage, mais un hôtel de cette catégorie hébergeait habituellement des boutiques.

Il n'en était rien, mais un chasseur lui indiqua une porte, qui faisait communiquer la réception avec un centre commercial aux proportions monumentales. Bien que ce fût dimanche, tous les magasins étaient ouverts. Une foule joyeuse et disciplinée s'y pressait, sans bruit ni agitation superflus, hormis la musique qui s'échappait de certains magasins, principalement du country. Parmi la myriade de boutiques, elle en remarqua une qui vendait uniquement des accessoires de Noël : boules, guirlandes, sapins en plastique, bien que l'on fût au mois de mai !

Elle tenta de se repérer sur un plan affiché sur un pilier, mais dans quelle rubrique chercher « maillots de bain » ? Il y avait au moins quatre étages de commerces, sans compter ceux dévolus aux parkings. Aussi loin que portait son regard, ce n'étaient que galeries brillamment illuminées, ascenseurs vitrés, escalators qui se croisaient en tous sens.

Elle s'adressa à une jeune noire en uniforme, une radio nasillarde plaquée sur une hanche généreuse. Un sourire éclairant un instant son visage empâté, celle-ci lui désigna un peu plus loin l'enseigne d'un grand magasin. Au passage elle contempla, quelques niveaux plus bas, adultes et enfants virevolter sagement sur une patinoire. Un peu partout, des comptoirs de fast-foods, et des files de clients qui attendaient patiemment leur tour, avant de repartir en mâchouillant un hot-dog ou un beignet. Il flottait dans l'air une odeur un peu écœurante, mélange de popcorn, de friture et de cannelle.

Alors que, depuis ce concours de beauté, dont le souvenir l'embarrassait encore, elle ne portait que de sages maillots une pièce, elle choisit un bikini fuchsia dont la modestie n'était pas la principale caractéristique. Il se résumait en tout et pour tout à quelques triangles de tissu, que des rubans étaient censés maintenir ensemble. Parvenue à la caisse, elle manqua se raviser. Qu'est-ce qui lui passait par la tête ? Elle, la très bientôt docteur es-sciences, l'étoile montante de la géophysique française, allait-elle jouer les bimbos en s'exhibant dans une tenue digne d'un magazine pour hommes ?

Le prix, auquel elle n'avait pas prêté attention, la fit hésiter également.

- Pour quelques centimètres carrés de tissu, qu'est-ce que doit-être le prix au mètre ? s'indigna-t-elle en son for intérieur. Mais, baste, les entreprises Conyngham allaient la dédommager généreusement pour son déplacement, quelle qu'en serait l'issue, et l'enveloppe qui lui avait été remise à son départ était encore intacte. Elle fit également l'acquisition d'un bonnet de bain.

Fière d'avoir retrouvé sans encombre le chemin de son hôtel, elle se rendit directement à la piscine. La relative fraîcheur du matin s'était dissipée, et il régnait à l'extérieur une température d'étuve, mais quelques chaises longues étaient vacantes à l'ombre des parasols.

Un regard dans le miroir des vestiaires acheva de l'édifier : c'était pire encore que ce qu'elle redoutait. Le maillot lui allait parfaitement ; mais ces quelques morceaux de lycra colorés révélaient des pans de son anatomie qui auraient dû demeurer sagement dissimulés. Drapée dans sa serviette et sa dignité, elle sortit affronter la chaleur, et les regards. Étendue sur sa chaise longue, elle feuilletait le livre qu'elle avait pris dans sa chambre, sans se décider à entrer dans l'eau. Mais il faisait vraiment trop chaud, et le clapotis bleuté de la piscine était trop tentant.

Opération HadèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant