Chapitre 46

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CHAPITRE 46

La Présidente est à Brégançon

Elle avait, tant bien que mal, retrouvé une contenance, lorsqu'ils atteignirent le quartier où vivait Meg. Elle éprouva de l'appréhension à la vue des camionnettes des chaînes de télévision stationnées devant la grille, et des journalistes qui faisaient le pied de grue. Comment allaient-ils faire pour entrer ?

Mais, à sa grande surprise, Stanley ne fit pas mine de s'arrêter et poursuivit jusqu'à la propriété suivante, dont l'accès était défendu par un portail tout aussi imposant. La voiture s'y engouffra, sans susciter la moindre curiosité de la part des représentants des médias.

- Il se trouve que cette maison appartient aussi à maman, expliqua James : un investissement immobilier. En tout cas, c'est bien pratique lorsqu'on veut entrer ou sortir discrètement. Ils laissèrent la voiture devant une imposante et lugubre caserne pseudo gothique, aux murs gris et aux volets clos, et marchèrent jusqu'à une porte discrète, dans le mur mitoyen avec la propriété de l'Irlandaise. Celle-ci faisait les cent pas sur son gravier bien ratissé, dans lequel elle donnait de temps à autre des coups de pied qui trahissaient sa nervosité. Un havane à la main, sur lequel elle oubliait de tirer, elle s'entretenait de manière animée avec un homme de taille moyenne, vêtu d'un strict costume trois pièces. Claire supposa qu'il s'agissait d'un des cadres de Shamrock. Un hélicoptère sans signe distinctif était posé à côté de la pièce d'eau.

Il fallut expliquer à Meg Conyngham, soupçonneuse au début, qui était le père de Claire, et la raison de sa présence. La femme d'affaires, à son tour, fit les présentations : l'homme qui l'accompagnait, la mine assortie à son costume de croquemort, n'était rien de moins que Leon Kowalski, conseiller spécial du président des États-Unis.

- Je vais t'attendre dehors, proposa, un peu gêné, Giuseppe.

- Pas question ! protesta Claire. Je viens à peine de te retrouver, je ne te lâche plus. C'est une grande maison, il y a de la place, tu peux t'installer où tu veux. N'est-ce pas, Meg ? Celle-ci signifia son accord, et leur intima de la suivre, jusqu'à un immense salon. Ils prirent place autour d'une table basse, pendant que le père de Claire, par discrétion, s'asseyait à l'écart et feuilletait un magazine.

Deux femmes de chambre s'empressèrent de servir thé et café. Claire piocha avec appétit dans la corbeille de croissants qui, sur le coup, lui parurent aussi bons que s'ils venaient de sortir du fournil de Jeannot, le boulanger de Cabrières.

À l'invite de Meg, l'homme de la Maison Blanche prit la parole.

- Comme vous pouvez vous en douter, le président Bradley suit avec une particulière attention le déroulement de la situation. Il s'est déjà exprimé deux fois sur le sujet, de sa propre initiative, à l'attention des médias. Ce qui ne l'empêche pas d'être soumis au feu roulant des questions des journalistes chaque fois qu'il met le pied en dehors du bureau ovale. Ce qui l'agace, et détourne l'attention des messages qu'il voudrait faire passer en ce moment sur d'autres sujets, notamment la situation au Proche-Orient. Il souhaite donc que ce problème soit réglé au plus vite. C'est la raison de ma présence ici.

Nous savons tous – il esquissa un geste en direction de la jeune femme – dans quelles circonstances très particulières le feu s'est déclaré. Claire piqua du nez, ne sachant où se mettre. Mais la responsabilité de la compagnie n'est pas en jeu. La responsabilité de personne, d'ailleurs. Nous ne cherchons pas à régler des comptes, ni à nous lancer dans une chasse aux sorcières. Soulagée, elle releva la tête. Mais il faut faire quelque chose, et rapidement ! La météo, pour l'instant, joue en notre faveur. Mais dès que les vents vont tourner, et que les premières plaques de pétrole vont arriver jusqu'au littoral, ce sera la catastrophe. Vous connaissez le poids de l'opinion publique dans ce pays. Le président ne peut pas s'offrir le luxe d'une nouvelle marée noire, alors que les sondages indiquent déjà une baisse de sa popularité. De plus, les marchés commencent à s'agiter. Wall Street a perdu neuf points hier, idem pour la City. Nous attendons de voir ce que va donner l'indice Nikkei, mais ce ne sera sûrement pas bon.

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