Opération Hadès

Chapitre 13

CHAPITRE 13

Une disparition inattendue

Dès qu'elles furent seules, l'Irlandaise attaqua, sans préambules.

- Claire, voici les explications que je vous dois. Comme nos concurrents, nous vous l'avons expliqué, nous nous tenons informés des avancées de la recherche scientifique, non seulement dans ce pays, mais dans le reste du monde. Nous avons une équipe de documentalistes employés à plein temps à cet effet, qui épluchent les revues spécialisées, qui surfent sur internet, qui assistent aux congrès scientifiques, bref qui se tiennent au courant. Un réseau d'informateurs aussi, dans certains laboratoires, dans les universités et centres de recherche. Cela coûte relativement cher, mais ça peut rapporter gros.

Lorsqu'une découverte nous parait porteuse de retombées profitables pour notre business, nous essayons d'acheter le brevet. Voire même de recruter le ou les scientifiques concernés. Ce que les médias appellent « la fuite des cerveaux ». Saviez-vous que soixante pour cent des chercheurs américains ne sont pas nés dans ce pays ? Pour vous donner un autre exemple, quarante pour cent des économistes français de premier rang, c'est-à-dire se classant parmi les mille premiers chercheurs du monde, travaillent aux États-Unis. J'ajoute – vous n'êtes pas obligée de me croire, mais c'est vrai – que pour notre part, nous nous en sommes toujours tenus à des moyens licites. Tous nos concurrents, vous venez d'en faire la malheureuse expérience, n'ont pas les mêmes scrupules.

- Et pourtant, madame – Claire avait du mal à appeler son interlocutrice par son prénom – la façon dont votre fils a tenté de me séduire hier ressemblait beaucoup à celle dont a usé ce gigolo allemand.

- James ? Meg Conyngham eut l'air sincèrement surprise. Je vous jure que je l'ignorais. Et, si je l'avais su, je le lui aurais interdit. Damné imbécile ! Incapable de se contrôler dès qu'une femme passe à sa portée. Tout le portrait de son père ! C'était la première fois que Claire entendait mentionner le mystérieux géniteur de James, mais l'Irlandaise poursuivait :

- Écoutez, ma chère, j'ignore ce que mon fils a dit ou fait. Mais il a eu tort, et je vous présente mes excuses. Il n'aurait jamais dû mêler le plaisir et les affaires. Et puis, il est temps qu'il se calme. J'ai eu assez de mal à organiser son mariage, avec une vraie Irlandaise, pas une... Se rendant compte qu'elle était allée trop loin, elle se tut abruptement.

Mais il était trop tard. Piquée au vif une nouvelle fois, la jeune femme réagit avec toute sa fougue méridionale, aidée en cela par l'excellent vin qu'elle venait de boire et qui lui donnait plus d'audace qu'à l'accoutumée.

- Une quoi, madame ? Une bougnoule ? Une métèque ? Alors, il n'y a qu'une fille de la verte Erin qui soit digne d'épouser votre rejeton ? Je croyais que les mariages arrangés, ça n'existait que dans le tiers-monde ?

- Dans celui des affaires aussi, figurez-vous, lui répondit sans se démonter son interlocutrice. Jenny est non seulement issue d'une bonne famille de Cork, mais elle est la fille unique d'un banquier. En dépit de ses petits travers, James est un bon fils, qui connait ses devoirs. Il épousera Jennifer McCallum, que cela lui plaise ou non. Et s'il ne se décide pas à faire sa demande, c'est elle qui suivra l'antique coutume irlandaise et qui le fera le 29 février de la prochaine année bissextile. Et il ne pourra pas refuser ! Mais pourquoi cet intérêt de votre part ? On m'a dit que vous avez un ami en France. Ne me dites pas que vous êtes tombée amoureuse de ce garnement, tout de même. Elle parlait de son fils aîné comme s'il eût encore porté des culottes courtes, chose qui, en d'autres circonstances, aurait sans doute fait sourire la jeune femme.

- Non, pas du tout, rougit-elle, un peu honteuse de son emportement. Bien sûr, qu'elle n'était pas amoureuse. Mais pourquoi alors cette délicieuse langueur dès qu'elle pensait à la manière dont il l'avait embrassée, hier soir ? Langueur mêlée de ressentiment, et dont avait profité, et failli abuser, le bel Allemand de la piscine.