Chapitre 36

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CHAPITRE 36

Retour à Houston

Ce ne fut pas à Houston qu'elles se posèrent, mais au Mexique, sur un aérodrome de fortune, à peine une piste, situé en plein désert, à proximité de la ville de Nuevo Laredo, frontalière d'avec son homonyme du côté texan. Il n'y avait ni tour de contrôle, ni douaniers, ni contrôle d'aucune sorte : heureusement, pensa-t-elle, car elle n'avait pas de visa mexicain. Les seuls témoins de leur arrivée furent un gamin loqueteux et son troupeau de chèvres, qui essayaient de survivre en broutant une herbe étique, entre les cactus.

- Très pratique pour les trafiquants de drogue, commenta sobrement Meg, avant de la précéder dans la grosse Suburban, immatriculée au Texas, qui les attendait. À peine y étaient-elles installées que le jet décollait de toute la puissance de ses réacteurs. Ce n'était pas Stanley qui conduisait, mais un blondinet qui mâchonnait son chewing-gum en écoutant de la musique country en sourdine. Le paysage était beau, cette vaste solitude un peu inquiétante au gré de la jeune femme. Après quelques kilomètres sur une piste sablonneuse qui sinuait entre les rochers et les cactus, sous un ciel d'un bleu éclatant, ils atteignirent une route peu fréquentée, sinon par d'énormes camions qui roulaient à des vitesses terrifiantes. Parmi les passagers assis à côté des chauffeurs, il y avait toujours au moins un homme qui tenait une arme en évidence, de manière à se défendre contre les pirates de la route, supposa-t-elle. Il y avait aussi de vieux pick-up, parfois rafistolés avec des bouts de ficelle, à l'arrière desquels voyageaient pêle-mêle entre les cageots de volailles, vieillards, femmes et enfants, qui les saluaient joyeusement lorsqu'ils les dépassaient.

Peu avant la frontière, ils s'arrêtèrent pour faire laver la voiture, dans les faubourgs pouilleux de Nuevo Laredo. À Claire qui s'en étonnait, Meg expliqua que les policiers et les douaniers étaient plus suspicieux envers les véhicules lorsqu'ils étaient recouverts de sable, signe certain d'une virée dans le désert, lieu privilégié des activités illicites, trafics ou règlements de compte. Mais leur entrée aux États-Unis se fit sans heurts, et le chauffeur dut même accélérer l'allure pour obtempérer aux signaux impatients des policiers américains.

- James est-il au courant de mon retour ? eut-elle enfin la force de demander.

- Non, je n'ai pas voulu le lui dire, tant que je n'étais pas sûre de votre réponse. Il ne sait pas que je suis sortie du pays, d'ailleurs : nous ne nous parlons pratiquement jamais. Elle soupira : enfin, je sais que la surprise sera bonne, qu'il me sera reconnaissant, et que nous allons pouvoir repartir sur de nouvelles bases.

À part elle, et en dépit de toutes les assurances du contraire prodiguées par l'Irlandaise, Claire persistait à penser que ses motivations étaient foncièrement égoïstes, et l'idée d'être amenée comme un tribut à la réconciliation de la mère et du fils ne l'enchantait guère, mais elle décida d'être patiente. Rome ne s'était pas faite en un jour, et Dublin ou Houston non plus, et Meg ne pouvait changer du jour au lendemain. Et puis elle ne pouvait plus reculer, plus maintenant, alors que la voiture avalait les kilomètres qui les séparaient de Houston... en respectant cependant les limitations de vitesse.

Précisément, alors qu'elle avait supporté sans trop de lassitude le long trajet en avion, ce dernier tronçon du chemin qui la rapprochait de son bien aimé paraissait interminable à la jeune femme. Elle se sentait dans le même état d'esprit que lorsque, enfant, sur la route des vacances, elle abrutissait ses parents de la sempiternelle question : « On est bientôt arrivés ? », à des intervalles de cinq minutes. La monotonie de l'autoroute rectiligne n'était rompue, à intervalles réguliers, que par des stations-service, flanquées de restaurants tous semblables, et elle jetait des coups d'œil aux panneaux indicateurs qu'elle pouvait apercevoir, convertissant mentalement en kilomètres les distances indiquées en miles. Elle eut un petit coup au cœur lorsqu'ils passèrent à côté du panneau qui indiquait la sortie pour Rocky Bay. Dans le panier posé à ses pieds, Rembrandt dormait d'un sommeil agité, probablement encore sous l'effet du calmant qu'il avait absorbé.

Opération HadèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant