CHAPITRE 60

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CHAPITRE 60

« Standing ovation »

L'heure de pointe était passée, et ils arrivèrent rapidement à un immeuble élevé, mais d'aspect vieillot, avec ses pare-soleils inesthétiques qui couraient le long de chaque étage.

- C'est l'Exxon Building, expliqua James, le club se trouve aux 43ème et 44ème étages. Il a été construit dans les années soixante, je crois, n'est-ce pas, maman ? Avec un pincement au cœur, la jeune femme se souvint de sa première soirée à Houston, quelques semaines auparavant, et de Pierre Levesque qui lui citait les noms de quelques-uns des grands architectes qui avaient édifié ces monuments de verre et d'acier. Le secrétaire général du club, un petit homme volubile et qui transpirait abondamment, en dépit de la climatisation, les accueillit en leur faisant remarquer avec nervosité qu'ils étaient en retard, puis les escorta par un escalier en colimaçon jusqu'à l'étage supérieur et à une grande salle bruissant de monde, où tout avait été organisé pour la conférence de presse. La vue sur les immeubles du centre-ville était spectaculaire. Très à son aise, Meg fendit la foule des journalistes, serrant quelques mains au passage, suivie par James, qui faisait bonne figure, et de Claire qui ne savait où se mettre, consciente des regards curieux des représentants de la presse. Ils doivent me prendre pour la dernière bimbo de James, se dit-elle.

Sur une estrade avait été dressée une longue table, à laquelle siégeaient trois des membres du conseil d'administration que Claire se souvint avoir aperçu, le soir de son arrivée à Houston. À sa grande confusion, elle se vit assigner le siège à droite de la femme d'affaires, alors que James prenait place à sa gauche. Plusieurs micros étaient disposés sur la table, et elle pressentit avec inquiétude qu'elle allait peut-être devoir prendre la parole, ce qui n'était déjà pas un exercice aisé pour elle en temps ordinaire, et encore moins s'il lui fallait s'exprimer en anglais. Bravement, elle se força à regarder la meute des journalistes qui lui faisait face, au premier rang desquels avaient pris place les photographes, accroupis ou assis sur le sol et qui, déjà, prenaient force clichés. Son malaise s'accrut lorsqu'elle s'aperçut que nombre d'objectifs étaient braqués dans sa direction. Vers le fond de la pièce, des plateformes surélevées accueillaient les caméras de télévision, le restant des journalistes étant assis sur des rangées de sièges dorés et recouverts d'un velours rouge fâné.

Lorsque l'excitation provoquée par leur entrée se fut un peu calmée, un des assistants de Meg prit place derrière un pupitre surchargé de micros aux couleurs de toutes les grandes chaînes de télévision américaines et internationales.

- Ladies and gentlemen, merci d'être venus si nombreux. Sans plus vous faire attendre, je vais céder la parole à Mme Conyngham, PDG de Shamrock, qui va vous faire un point de situation. En femme habituée à prendre la parole en toutes circonstances, l'intéressée gagna le podium, alors que les flashes crépitaient de toute part. Après avoir balayé la salle du regard pour s'assurer qu'elle avait l'attention de tous, elle s'apprêtait à parler lorsqu'elle en fut empêchée par des vociférations en provenance du fonds de la salle. Deux adolescents barbus et une baba cool quadragénaire venaient de déployer une banderole aux couleurs de Greenpeace, et braillaient des slogans que Claire ne saisit pas entièrement, mais qui n'avaient pas l'air d'être à la gloire de l'industrie pétrolière en général, ni de Shamrock en particulier. Déjà, quelques gardes de sécurité s'étaient rués sur les importuns et s'employaient, sans douceur, à les expulser, lorsque Meg intervint :

- Gentlemen, je vous en prie ! Si les membres de Greenpeace veulent assister à la conférence de presse, je n'y vois pas d'inconvénient, à condition qu'ils se comportent de manière civilisée, et me laissent parler. S'ils ont des questions à poser, ils seront libres de le faire, et s'ils veulent faire connaître leur point de vue, il y a suffisamment de représentants des médias pour recueillir leurs déclarations. Sommes-nous d'accord ? Après avoir rapidement consulté ses acolytes, la femme notifia son accord d'un hochement de tête, et le calme revint progressivement. Claire admira l'habileté avec laquelle l'Irlandaise avait retourné la situation à son avantage. Ayant reconquis l'attention de son auditoire, celle-ci prit enfin la parole :

Opération HadèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant