Chapitre 25

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CHAPITRE 25

Un choix cornélien

C'en était cette fois-ci trop pour la jeune femme. Du coin de l'œil, elle aperçut Stanley qui se tenait à quelque distance, ne sachant s'il devait se manifester ou non, mais elle ne se souciait plus du scandale.

- Patrick, mais... commença-t-elle, avant de recevoir, sous la table, un vigoureux coup de pied de James. Se pouvait-il que madame Conyngham ne fût pas au courant ? De toute façon, il avait raison, elle n'avait pas à en parler. Elle poursuivit, les mots s'entrechoquant sous l'effet de la colère et de l'humiliation qu'elle ressentait : ce que vous dites, madame, est insultant pour Patrick, et pour moi. Comme s'il n'était qu'un pis-aller, un ersatz, dont je devrais me satisfaire car son frère est trop bien pour moi ? Je n'ai pas besoin d'un homme à tout prix, de n'importe quel homme ! Mais de cet homme-là, oui, dit-elle en posant la main sur le bras de James. Je ne suis pas une coureuse de dot, et je ne suis pas en état de manque sexuel. Et je vous rappelle que c'est vous qui êtes venue me chercher, pas le contraire. Je vivais une petite vie bien pépère, moi, avant de vous rencontrer. Grâce à vous, je me suis fait agresser, mon appartement a été cambriolé, peut-être êtes-vous aussi la cause du meurtre du professeur Bourdaloue, pour ce que j'en sais. Alors, vos dollars, vous pouvez vous les garder, je ne suis pas votre employée, et je ne le serai jamais.

- De toute façon, ricana la femme d'affaires, nous savons ce que nous voulions savoir.

- Comment, que voulez-vous dire ? souffla la jeune femme, pressentant ce qu'elle allait entendre.

- Mon petit, je vous avais bien dit que le monde des affaires était impitoyable. Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais laisser passer cette occasion de vous fournir un ordinateur, sans en profiter pour y faire introduire un programme qui nous a retransmis, en temps réel, toutes les données que vous y avez introduites, hier ?

- Mais c'est du vol ! protesta la jeune femme. Ce programme m'appartient, vous ne pouvez pas vous l'approprier !

- Prouvez-le, alors ! répliqua Meg Conyngham, un sourire sardonique aux lèvres. Savez-vous combien il y a de dossiers d'espionnage industriel devant les tribunaux du seul Texas, en ce moment ? Rassurez-vous, vous ne repartirez pas les mains vides, je vous payerai grassement, je ne suis ni une ingrate, ni une voleuse. Cette dernière assertion était pour le moins contestable, mais Claire ne releva pas.

- Tu étais au courant ? interrogea-t-elle, en tournant vers James un visage décomposé par le chagrin.

- Claire, je te jure que non, répondit-il aussitôt, plantant ses yeux gris dans les siens.

- Alors, tu dois bien avoir un appartement ou une maison quelque part ? Emmène-moi loin d'ici, s'il te plaît, je ne veux pas rester une minute de plus dans cet endroit, pas en même temps qu'elle, en tout cas.

Furibonde, Meg se redressa de toute sa hauteur, et fit face à Claire, qu'elle dominait d'une bonne tête.

- James, pour la dernière fois, tu restes avec moi. Stanley va raccompagner Miss Massari à Houston, si tel est son souhait. Mais attendez que je vous remette ce que je vous ai promis. Elle sortit un chéquier de son sac.

- Inutile, madame, lança la jeune Française d'un ton glacé. Je ne vous ai rien vendu, ni donné. Elle ne put résister à l'envie de river son clou à l'arrogante businesswoman : je ne suis pas tout à fait idiote, et je me doutais un peu que vous seriez tentée de me gruger. Tout ce que j'ai rentré dans l'ordinateur, hier, c'était bidon, totalement bidon. Des données fausses, des équations truquées, qui n'ont ni queue ni tête, pour vérifier justement si vous n'alliez pas pirater mon programme. À l'heure qu'il est, votre informaticienne en chef, là, votre petit mouton frisé, elle doit tirer une drôle de chetron ! Dans son exultation, elle commençait à mêler français et verlan à sa tirade, mais son interlocutrice en avait compris suffisamment, de même que James, qui la fixa d'un air admiratif.

Opération HadèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant