Chapitre 42

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CHAPITRE 42

Le comble de l'horreur

Elle ne disposait que de peu de temps avant que les malfrats constatent qu'elle ne se trouvait plus dans sa cabine. En un instant, elle fut auprès de James, et lui ôta son bandeau, puis entreprit, à grand peine, de le défaire de ses liens. Les nœuds étaient serrés, et elle pestait à mi-voix. Les yeux exorbités par la surprise, il se reprit rapidement et lui souffla :

- Le canif, là, dans ma poche droite, vite. En effet, s'il avait été délesté de son arme, ses agresseurs avaient négligé de lui soutirer son couteau suisse, dont la lame bien affutée fit merveille sur les cordages qui l'entravaient. Il se redressa avec une grimace :

- La circulation coupée : ça va aller, ne perdons pas de temps, vite, suis-moi. Ils s'engagèrent dans le dédale de passages et d'escaliers, prenant garde de ne pas faire résonner leurs pas sur les plaques de tôle. Lui aussi avait troqué ses pesants brodequins de chantier pour les baskets qu'il portait à leur arrivée. Il lui glissa, par-dessus son épaule :

- Notre chance, c'est que je connais les lieux, eux non, à l'exception de Cristofari. C'est donc lui qu'il faudra éliminer en premier, si possible.

- L'éliminer, tu veux dire physiquement ?

- S'il le faut, oui. Elle comprit à son ton que James serait impitoyable avec ceux qui, quelques minutes auparavant, projetaient froidement de les tuer.

En d'autres circonstances, elle aurait sûrement tenté de plaider avec lui, mais elle bouillonnait encore de rage et de peur mêlées à la pensée du sort que le voyou leur réservait, et ne ressentait aucune pitié, ni pour lui, ni pour ses complices. Il était temps qu'ils prennent de la distance : ils entendirent au loin des clameurs, puis une galopade qui venait dans leur direction. James la tira vivement à l'intérieur d'une pièce obscure, puis colla un œil à la fente de la porte, imperceptiblement entrebâillée. Claire s'était rencognée dans un angle et tâtonnait dans l'obscurité à la recherche de quoi que ce soit qu'elle aurait pu utiliser comme une arme. Las, le réduit ne semblait contenir que des câbles, et encore des câbles.

- Deux... trois... murmura James, alors que leurs adversaires passaient en courant devant leur cachette, jurant comme des possédés. Mais où est le quatrième ? Ah, le voici. Un pas pesant se faisait en effet entendre, et Claire entendit distinctement l'homme passer lui aussi devant leur porte, en ahanant. Elle se souvint que l'un des trois mexicains était extrêmement corpulent. C'était sans doute lui qui était à la traîne. Soudainement, James ouvrit la porte en grand, et se précipita dehors. Elle entendit un gémissement étouffé, et risqua un œil à l'extérieur. Le gros moustachu gisait par terre, apparemment inconscient, alors que James s'emparait de son arme, un long revolver nickelé, à la crosse de nacre, qu'il soupesa avec une moue.

- Plutôt encombrant, mais c'est mieux que rien, soupira-t-il. Vite, Claire, aide-moi, les autres ne vont pas tarder à remarquer l'absence de leur copain. Cet idiot s'était arrêté pour pisser, ça ne lui a pas porté chance.

Avec l'aide de la jeune femme, il parvint à hisser l'homme inanimé sur ses épaules.

- Il pèse au moins une tonne ! Il s'approcha de la balustrade.

- Tu ne vas quand même pas... protesta-t-elle. Il se tourna à demi vers elle, les yeux brillants d'une colère froide.

- Si, c'est précisément ce que je vais faire. Écoute, nous n'avons pas le temps de le ficeler, les autres vont rappliquer. Et souviens-toi de ce qu'ils voulaient nous faire, te faire, à toi surtout. Ces types sont pires que des bêtes, et je n'éprouve pour eux aucune compassion. S'il a de la chance, et s'il sait nager, il s'en sortira peut-être. Sinon, les requins finiront le travail. Et, d'un geste décidé, il fit passer son pesant fardeau par-dessus le garde-fou. Horrifiée, elle perçut un craquement sec, comme une branche qui se brise, une fraction de seconde avant le « plouf » caractéristique, provoqué par l'arrivée du corps dans l'eau. Il avait dû heurter une poutrelle dans sa chute, et elle comprit que celui-ci ne s'en tirerait pas. Elle réprima un haut-le-cœur. Un homme était en train de mourir, et le responsable de cette mort était le garçon qu'elle aimait, qui n'en avait pas l'air affecté le moins du monde.

Opération HadèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant