CHAPITRE 52
James découvre le « perroquet »
Elle regagna la sortie du bâtiment. En fait, elle aurait surtout voulu retrouver James, mais elle ignorait où il se trouvait, et elle n'avait pas de moyen de transport, sur cette immense base, dont elle avait lu dans la documentation remise la veille qu'elle s'étirait sur 50 km de long, entre les villes de Kourou et Sinnamary, 900 km2 au total, plus vaste que le territoire de Belfort, et presque autant que la Martinique voisine. Hésitante, elle s'approcha d'un groupe de femmes qui s'apprêtaient à sortir.
- Excusez-moi, je viens d'arriver, je ne connais pas les lieux. Y-a-t-il un restaurant, à proximité ? L'une d'entre elles, une blonde décolorée et bien en chair, la considéra avec sympathie.
- À proximité, pas vraiment, mademoiselle. Vous avez une voiture ? Si vous voulez, je vous emmène, on y allait justement. Une fois casées dans sa petite Suzuki, elle se présenta : moi, c'est Nadège, et mes collègues – qui s'étaient tassées derrière en dépit des protestations de Claire – Monique, Sylvia et Sandrine.
- Enchantée, moi c'est Claire.
- Bon, alors que je vous explique, Il y a trois restaurants sur la base, la cafétéria Europe, La Pirogue et le nouveau restaurant du site Soyouz. Nous, on a l'habitude d'aller à Europe, parce que c'est la plus proche. Mais La Pirogue est plus sympa. Soyouz, on n'y va pas souvent, parce que les Russes ne sont pas très liants : ils bouffent en quinze minutes, et ils bavardent entre eux en buvant leur vodka en douce. Ça vous dit, la cafétéria ?
Claire les assura que oui et, quelques minutes plus tard, elles se retrouvaient dans le cadre impersonnel mais rassurant d'un restaurant d'entreprise, où quelques dizaines de personnes faisaient la queue avec leurs plateaux devant un long comptoir proposant l'éventail classique de plats chauds et froids, fromages, desserts et boissons. Elle ne différait guère du self-service que la jeune femme fréquentait habituellement sur le campus de Sophia-Antipolis, y compris dans le choix des plats proposés. Entre le steak-frites et la paëlla, la cuisine locale - à supposer qu'elle existât - était la grande absente.
- Nous prenons toujours notre pause déjeuner un peu tard, lui expliqua la dénommée Sylvia, dont l'accent trahissait une origine du Sud-ouest, parce qu'à midi c'est vraiment galère !
Ayant fait son choix parmi les salades, complétées par un raisonnable fromage blanc à 0% de matières grasses, Claire s'immobilisa soudain, se rappelant un détail gênant.
- Vous avez oublié quelque chose ? demanda obligeamment Nadège, qui se trouvait derrière elle dans la file. Vous pouvez retourner en arrière, je pousserai votre plateau.
- C'est que, je ne suis ici que depuis hier soir, et je suis partie rapidement ce matin, je n'ai pas pensé à prendre d'argent ! Elles s'esclaffèrent à l'unisson.
- Ce n'est pas grave, l'assura sa voisine peroxydée, je vais payer pour vous, vous me rembourserez plus tard. Vous êtes ici pour quelques jours quand même, non ? Mais en plus de l'argent, n'oubliez pas d'avoir toujours votre badge sur vous, c'est important. Après la tension du labeur de la matinée, ce déjeuner constitua un moment de détente pour la jeune femme. Ses quatre compagnes étaient affectées à l'administration du Centre, la plus ancienne, Sandrine, depuis quatre ans. Nadège, bien que relativement nouvelle, puisqu'elle n'était arrivée à Kourou que six mois auparavant, paraissait être le leader de la petite bande. Elle invita d'autorité Claire à un barbecue chez elle le dimanche suivant. Prudente, la jeune femme ne dit ni oui ni non. Trois d'entre elles étaient mariées, et leurs enfants scolarisés au lycée Gaston Monnerville de Kourou. Discrètes, elles ne posèrent pas de questions à Claire sur les raisons de sa présence au Centre Spatial, et ce fut elle qui leur révéla, sans entrer dans les détails, qu'elle collaborait avec l'équipe chinoise. Du reste, elles étaient blasées, accoutumées qu'elles étaient à voir passer des représentants d'un grand nombre de pays, à l'occasion des tirs successifs. L'ASE, l'Agence Spatiale Européenne, représentait à elle seule un beau kaléidoscope de nationalités, et ses clients venaient du monde entier.

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Opération Hadès
AventureBrillante scientifique travaillant à Sophia Antipolis, Claire Massari a la géniale intuition d’un programme informatique qui révolutionnera la séismologie. Mais sa découverte suscite bien des convoitises. Sa rencontre avec un jeune pétrolier texan l...