Opération Hadès

Chapitre 24

CHAPITRE 24
Une visiteuse inattendue

Lorsqu'ils parvinrent au débouché du sentier, l'appareil avait déjà redécollé et s'éloignait vers l'est. La poussière qu'il avait soulevée achevait de se déposer, mais il n'y avait âme qui vive aux alentours. De plus en plus perplexe, le jeune Irlandais pénétra en trombe dans le salon, Claire toujours à ses trousses.

- Mère, que fais-tu ici ?

- Tu le vois, je prends le café. Tu en veux une tasse ? Impériale, Meg Conyngham était assise à la table de la salle à manger, un Patrick pas rasé et au visage bouffi de sommeil à côté d'elle, et Mama Lucy, debout dans un coin, une cafetière à la main, et une expression inquiète sur le visage. Claire, à son tour, s'avança pour se placer aux côtés de James.

- Claire, my dear, vous êtes là aussi. C'est trop aimable d'accompagner mon fils dans ses promenades matinales. Mais approchez-donc, ma chère. Par saint Colomban, dans quel état vous êtes-vous mise ? Vous devriez vous sécher. Et toi aussi, James. Il ne pleut pas pourtant !

La jeune femme se rendit compte qu'ils devaient offrir un curieux spectacle, avec leurs vêtements mouillés et chiffonnés, qui gouttaient sur le sol soigneusement ciré. Elle aperçut son reflet dans un miroir, ses cheveux ébouriffés où le sable avait mis des reflets dorés. Quant à James, couverture et lampe dans une main, la mine contrite comme un enfant pris en train de chaparder, il ne valait guère mieux.

- Mais qu'est-ce que vous avez bien pu faire ? Oh, je vois. Le visage jusque-alors affable de la femme d'affaires se ferma, à mesure que la vérité se faisait jour. Elle reprit d'un ton cassant :

- Mademoiselle Massari, je vous suggère d'aller dans votre chambre faire le brin de toilette dont vous paraissez avoir besoin. Je dois avoir un entretien d'ordre privé, avec mon fils.

Hésitante sur la conduite à tenir, elle leva les yeux vers son compagnon, mais il s'était ressaisi et lui empoigna fermement la main pour l'empêcher de s'éloigner.

- Je regrette, mère, mais tout ce que vous avez à me dire, Claire peut l'entendre. Elle restera, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Peu habituée sans doute à être contredite, et encore moins par se rejetons, Meg Conyngham reposa sa tasse si violemment que du café éclaboussa la nappe. Lucy jugea le moment opportun pour sortir le plus discrètement qu'elle put, quant à Patrick, bien réveillé maintenant, il rentra la tête dans ses épaules en prévision de l'orage maternel, qui ne se fit pas attendre.

- Tu oses me parler d'inconvénient ? Espèce de crâne fêlé, bon à rien, crétin ! Non seulement tu quittes Honolulu en laissant en plan ta fiancée, qui m'appelle en pleurs au milieu de la nuit, non seulement tu me contrains à emprunter un de ces engins que je déteste pour venir ici au plus vite, mais c'est pour découvrir que tu en profites pour t'envoyer en l'air avec cette... Ne trouvant pas le qualificatif approprié, elle poursuivit avec violence : tu es bien comme ton père et ton grand-père, toujours en chasse, hein ? Pas une femelle ne doit te résister. Elle pointa un index menaçant vers la jeune Française : quant à vous, je vous conseille de ne pas vous faire d'illusions, mon petit ; demain il vous aura oubliée, dès qu'un nouveau minois arrivera à sa portée, et quand je dis minois...

Claire sentit les muscles du bras de son amant se contracter, sa respiration s'accélérer, mais il parvint à se contenir, et à répondre d'un ton presque égal, en dépit d'un léger frémissement dans la voix.

- Mère, avec tout le respect que je vous dois, vous vous trompez. Je vous rappelle que je suis adulte, et que je n'ai pas de comptes à vous rendre sur ma vie privée, tant qu'elle n'a pas d'incidences sur ma vie professionnelle. Maintenant, si vous le permettez, nous aimerions nous doucher et nous changer, et nous reprendrons cette conversation un peu plus tard, calmement et sans nous jeter des insultes à la tête.