Chapitre 18

10 0 0
                                    

CHAPITRE 18

Un appel de James...

Après une douche rapide, elle trouva la table mise pour quatre personnes dans un angle du salon, près du coin cuisine. Celui-ci était immaculé, signe que Mama Lucy ne devait pas s'en servir souvent. Elle partit à la recherche de cette dernière, et la trouva sous un hangar attenant où une vingtaine d'hommes, dont Stanley, était attablée. Certains esquissèrent gauchement le geste de se lever, d'autres se contentèrent de la dévisager avec l'avidité curieuse de ceux qui n'ont pas vu de femme depuis longtemps. Elle se tortilla, mal à l'aise et rougissante sous le feu de ces regards. Il s'agissait des employés du ranch, blancs, noirs et latinos mélangés. Certains étaient tête nue, d'autres portaient le traditionnel chapeau de cow-boy, mais tous avaient le visage également buriné par la vie au grand air.

Lucy était en train de déposer sur la longue table une marmite d'où s'échappait une odeur alléchante. Par-dessus le murmure des conversations, un moment apaisé par l'irruption de la jeune femme, elle lança :

- Allez prendre place, Miss, j'arrive dans une minute. Ce n'est pas un endroit pour vous, ici, avec cette bande de pouilleux. Du plat de la main, elle asséna une tape vigoureuse sur les cheveux ébouriffés d'un petit Mexicain, qui avait dû échanger quelque remarque salace avec son voisin.

- Pas de grossièretés à ma table, Javier, ou bien tu iras manger dehors avec les coyotes de ton espèce ! Penaud, le coupable piqua du nez dans son assiette.

Lorsqu'elle regagna le bâtiment principal, Patrick était assis avec les inséparables Debbie et Suzy, rhabillées pour l'occasion. Une bouteille de tequila, sérieusement entamée, était posée sur la table.

- Hé, Claire, lança le garçon qui, pour sa part, avait enfilé un tee-shirt de l'université Rice, venez boire un verre. Vous aimez la tequila ? Non ? D'un geste, il désigna une étagère bien garnie. Il y a aussi du scotch, du bourbon, du whisky irlandais bien sûr, de la vodka, du gin, et je ne sais plus quoi encore. La bière est dans le frigo. Servez-vous ! L'immense réfrigérateur en acier brossé qui ronronnait doucement de l'autre côté du comptoir était rempli exclusivement de bouteilles de bière et de diverses boissons gazeuses. Elle n'avait pas très envie de boire, mais elle ne voulait pas passer pour un bas-bleu, aussi choisit elle une Corona.

- Ah, remarqua malicieusement le jeune homme, j'ai entendu quelque part que c'est la marque préférée de votre président, comment s'appelle-t-il, déjà ?

- De Gaulle ? s'aventura la blonde, par-dessus le bord de son verre.

- Non, plus maintenant, la corrigea gentiment la jeune femme. Nous avons un nouveau président, c'est une présidente en fait, et elle ne boit pas d'alcool.

- Pas même de la bière ? interrogea Patrick avec stupéfaction.

- Non, je ne crois pas.

- C'est dingue ! clama-t-il, le regard levé au ciel. Au fait, on a du vin aussi, que maman réserve pour ses invités, alors comme vous êtes une invitée, faut en profiter, pas vrai ? Les deux filles éclatèrent de rire comme s'il venait de proférer la plaisanterie la plus drôle du monde. Claire déclina de nouveau, alors que la cuisinière faisait son apparition en tenant à bout de bras un plat fumant dont l'odeur seule la fit saliver.

Patrick était sur le point de se servir quand, se souvenant sans doute d'un restant de bonnes manières, il se leva et s'inclina comiquement avant de remplir les assiettes de Claire et de ses voisines d'un ragoût dans lequel la jeune femme identifia poulet, écrevisses et des légumes variés, dont des patates douces, des okras, des poivrons. Et bien sûr du riz, le tout nappé d'une épaisse sauce rouge. Ses compagnons, probablement aussi affamés qu'elle, se jetèrent avec voracité sur leur nourriture.

Opération HadèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant