CHAPITRE 30
Donnons-nous un peu de temps...
De retour d'une nouvelle journée de démarches, aussi infructueuses que les précédentes, James avait en vain attendu Claire, jusqu'à ce qu'il trouvât l'enveloppe qu'elle avait pourtant laissée bien en évidence sur le lit, champ clos de leurs tendres batailles. Pressentant le pire, les jambes soudain flageolantes, il dut s'asseoir avant de trouver le courage de lire la missive, rédigée en français, d'une écriture inégale surchargée de ratures et de rajouts.
« James,
Je sais que tu seras déçu, peut-être fâché aussi. Je t'en prie, essaye de comprendre.
Les choses ont été vite, très vite, trop vite peut-être. Ce qui s'est passé entre nous bouleverse ta vie, la mienne aussi. Pour moi, ce n'est pas trop grave, c'est même très agréable. Mais je me sens coupable, terriblement coupable, de la détérioration des relations entre ta maman et toi, et de la perte de ton emploi. Tu te dis confiant qu'elle changera d'attitude, et que les choses vont s'arranger. Peut-être as-tu raison. Je l'espère de tout mon cœur. Mais je te propose et, crois-moi, cela me fend le cœur, de laisser le temps au temps, comme disait un ancien président de mon pays.
Retourne-voir ta mère, reprends ton poste dans la société. Nous sommes jeunes tous les deux, donnons-nous un peu de temps, et donnons à ta mère celui de s'habituer à cette idée, si tu ne changes pas d'avis d'ici là ? Moi, je n'en changerai pas. Tu es mon grand cow-boy irlandais adoré, et je n'aimerai jamais personne d'autre que toi. Voilà, je l'ai dit. Ni l'un ni l'autre n'avons trop osé parler d'amour, mais je suis tombée amoureuse de toi, je l'avoue, au cas où tu ne t'en serais pas aperçu. Enfin, je suppose que c'est ça, l'amour : je n'ai jamais aimé personne avant toi, mes parents et mon chat exceptés. Excuse-moi, je ne devrais pas plaisanter avec ça, alors que j'aurais plutôt envie de pleurer. J'ai déjà recommencé trois fois cette lettre, je n'ai pas envie de le faire une quatrième fois, alors excuse les ratures. Et puis je n'ai pas trop de temps, je dois prendre un avion tout à l'heure, qui me ramènera en France, vers mon cadre de vie et mon travail.
C'est aussi un peu la cause de mon départ : je sais que nous en avons parlé déjà, et ça ne s'était pas trop bien passé, je m'étais énervée et je n'aurais pas dû, mais j'aimerais que tu comprennes que c'est important pour moi de travailler. Je ne me sens pas trop faite pour la vie de femme au foyer, même si cela me donne le temps de préparer les plats que tu aimes.
Dans quelque temps – et j'espère que ce ne sera pas dans trop longtemps quand même – lorsque les choses se seront arrangées, tu n'auras qu'à siffler, et j'accourrai du fin fond de la prairie, comme dans les vieux westerns.
En attendant, ne m'appelle pas, s'il te plaît, ce serait trop dur d'entendre ta voix et de ne pas pouvoir te toucher.
Je couvre ton corps adoré de baisers.
Claire
PS : si tu touches au-dessus de ton oreille gauche, tu verras que j'ai coupé une petite mèche de tes cheveux, alors que tu dormais. Je les ai placés dans le médaillon que je porte toujours, qui se trouve pas très loin de mon cœur, au creux de mes seins auxquels manquent, déjà, tes douces caresses. »
Les mains tremblantes, il reposa précautionneusement la feuille de papier, comme s'il se fut agi d'un saint icône, avant de la froisser rageusement et de la jeter contre le mur. Puis de retourner, à quatre pattes, la débusquer sous la commode où elle s'était nichée, afin de la lire une nouvelle fois, et une fois encore, jusqu'à ce que les larmes qu'il versait dessus l'eussent rendue, de toute façon, illisible.
Ce soir-là, il sortit pour se rendre dans un bar pour célibataires qu'il n'avait pas fréquenté depuis longtemps. Il but copieusement, mais pas assez pour l'empêcher de terminer la nuit chez une fille. Elle était jolie, docile, pas compliquée pour un sou, mais c'était le visage de Claire qui se surimposait au sien chaque fois qu'il la prenait hargneusement.

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Opération Hadès
AbenteuerBrillante scientifique travaillant à Sophia Antipolis, Claire Massari a la géniale intuition d’un programme informatique qui révolutionnera la séismologie. Mais sa découverte suscite bien des convoitises. Sa rencontre avec un jeune pétrolier texan l...