CHAPITRE 62
Douloureux réveil
Parfois, c'est dans un ciel sans nuages qu'éclatent les orages les plus inattendus. De retour dans leur luxueuse suite, dont les fenêtres offraient une vision spectaculaire sur le panorama nocturne de la capitale fédérale, Claire, terrassée par la fatigue, s'était endormie dans l'attente de James, qui voulait consulter sa messagerie électronique, avant de venir la rejoindre dans le lit surdimensionné. Elle dormait profondément, lorsqu'elle fut réveillée brusquement par une main qui la secouait sans ménagements. Celle de James.
- Claire, qu'est-ce que ça signifie ? Tu peux m'expliquer ?
Se redressant sur un coude, elle frotta ses yeux embrumés de sommeil, en s'efforçant d'accommoder sa vision. James brandissait son ordinateur portable à quelques centimètres de son visage. L'image floue se précisa, et son cœur s'arrêta de battre : c'était elle, sur une photo, allongée sur le capot d'une voiture, les jambes relevées, en train de subir les assauts d'un homme, le pantalon descendu sur ses chevilles. Le document était de mauvaise qualité, sans doute pris avec un téléphone portable, et son visage était partiellement masqué par la main de l'homme, mais elle savait qu'il s'agissait bien d'elle-même. D'ailleurs, la robe grotesquement retroussée sur son ventre était celle que James lui avait offerte lors de son précédent séjour, et qu'il ne pouvait pas ne pas reconnaître. Quant à son partenaire d'un soir, son visage n'était pas visible. Le cliché était horrible, obscène, et elle eut un haut le cœur.
Le visage congestionné par la fureur, James reprit, avant même qu'elle ait pu ouvrir la bouche :
- La photo est sur le blog d'un Danois, avec une légende en anglais. Tu veux que je te traduise : À la sortie d'une discothèque, en France, mon ami Sven goûte à une spécialité locale. Ces Françaises sont vraiment chaudes !
Totalement réveillée maintenant, elle s'assit dans le lit, luttant contre le flot de bile qui voulait remonter de ses entrailles.
- James, mon amour, tu ne comprends pas. Je voulais t'expliquer, mais...
- Expliquer quoi, hein ? hurla-t-il. Il leva l'ordinateur, comme s'il allait s'en servir pour la frapper, et elle leva instinctivement les mains pour protéger son visage. Mais il se contenta de le lancer avec force sur la courtepointe, si violemment qu'il vint heurter douloureusement son genou, en dépit de l'épaisseur de la couverture.
- J'étais désemparée, James. Je ne savais pas si nous allions nous revoir. J'ai fait n'importe quoi, pendant quelque temps : je me suis mise à sortir, à aller en boîte, à fumer, à boire, et c'est vrai, ce soir-là, j'avais tellement bu, ce type en a profité, c'était pratiquement un viol, je n'étais plus moi-même, tu comprends ? Elle tenta de saisir sa main, mais il se dégagea avec brutalité. Et puis j'ai réalisé que j'étais enceinte de toi, et j'ai arrêté, James. Ça n'a duré qu'une quinzaine de jours, peut-être moins, je ne sais plus.
- Enceinte de moi, hein ? Il criait sans se soucier des voisins, et elle espéra que les chambres étaient bien insonorisées. Et qu'est-ce qui me le prouve ? Qui me dit que tu ne portes pas le bâtard de ce type ? Ou d'un autre, peut-être ? Qu'est-ce que j'en sais ? Dire que je te faisais confiance, quel idiot je suis !
- James, je t'interdis ! Elle s'était mise à genoux sur le lit, son visage à hauteur du sien. Elle aussi criait, à présent, elle s'en rendit compte. J'ai fait des bêtises, je le reconnais. Mais je sais que c'est ton enfant que je porte. Mais, emporté par une rage dévorante, il ne l'écoutait pas.
- Je comprends ton petit jeu. Tu voulais te faire épouser en jouant les saintes nitouches, les demi-vierges effarouchées. Moi, épouser une putain ? Pour que tu ailles ensuite t'envoyer en l'air avec tous ceux qui voudront bien de toi. Je ne veux plus te revoir, plus jamais, tu m'entends ? Il se précipita vers la petite chambre attenante à la suite, dont il claqua violemment la porte. Quant à elle, elle n'eut que le temps de se ruer vers la salle de bains pour rendre longuement, douloureusement, les tagliatelles qu'ils avaient dégusté en amoureux un peu plus tôt dans la soirée. Elle passa toute la nuit prosternée devant la porte de la chambre qu'il avait verrouillée, le suppliant de la laisser entrer, jusqu'à ce que, vaincue par la fatigue et les émotions, elle succombe à un sommeil miséricordieux.
Lorsqu'elle se réveilla, alors qu'une aube gris sale envahissait Washington, allongée sur la moquette en travers de la porte de la pièce qu'il avait arpentée toute la nuit comme un lion en cage, il était sorti de la chambre. Et de sa vie.
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Opération Hadès
AdventureBrillante scientifique travaillant à Sophia Antipolis, Claire Massari a la géniale intuition d’un programme informatique qui révolutionnera la séismologie. Mais sa découverte suscite bien des convoitises. Sa rencontre avec un jeune pétrolier texan l...