CHAPITRE 59
L'Entente Cordiale
Le petit groupe de scientifiques et techniciens chinois, auxquels s'étaient joints quelques représentants des médias, ne les avait pas attendus pour débuter les festivités. Leur salle à manger commune, meublée sommairement, était égayée par des lampions de papier et des guirlandes. Un buffet avait été édifié dans un angle de la salle et, déjà, les bouteilles de cognac et d'alcool de sorgho circulaient. Délicate attention, en leur honneur certainement, il y avait quelques bouteilles de vin français, et même de pastis, dont elle remarqua avec effarement que certains Chinois le consommaient pur, sans ajouter d'eau. Elle fut rassurée de constater que James se contentait de prendre une bière, alors qu'elle optait sagement pour un soda à l'orange malheureusement tiédasse. L'ambiance était relâchée, après la tension des jours précédents, et certains des membres du groupe, avec lesquels elle n'avait pas échangé trois mots jusqu'alors, venaient leur serrer la main et les féliciter avec de grands sourires. Même le jeune Zhou semblait avoir renoncé, pour un soir, à son rôle d'œil de Pékin, et était absorbé, dans un recoin moins éclairé, par une conversation animée avec une piquante jeune compatriote, dont le badge indiquait qu'elle représentait l'agence Chine Nouvelle.
Une dizaine de minutes après leur arrivée, ils furent rejoints par la délégation russe : c'était décidément l'entente cordiale. À la différence des Chinois, qui avaient dû se consacrer à la préparation de leur petite fête, ils avaient pu profiter de l'autre réception, et avaient déjà sérieusement entamé les libations. Se joignirent à eux des cadres du Centre Spatial, accompagnés de leurs épouses ou de leurs petites amies. Le brouhaha des conversations était tel qu'il masquait opportunément la musique d'ambiance, à base de chants suraigus sur fonds de gongs et de cymbales.
En dépit du raffinement et de l'abondance des mets, ils ne s'attardèrent pas outre mesure. La journée du lendemain promettait d'être bien remplie : ils devraient faire leurs bagages, heureusement succincts, se rendre assez tôt chez Nadège pour l'aider à préparer son barbecue, et quitter le Centre à temps pour arriver vers dix-sept heures à l'aéroport. Claire fit ses adieux au professeur Nguyen, très ému. Ils échangèrent adresses e-mail et numéros de téléphone. Il leur fallut aussi prendre congé des nombreuses personnes dont elle avait fait la connaissance durant ces quelques jours, serrer des mains et recevoir davantage de bisous qu'elle n'en aurait souhaités. Elle regretta que Sunil et Sanjukta ne soient pas présents, elle avait apprécié leur hospitalité. En revanche, le solennel Harry Wong promenait sa silhouette anguleuse entre les groupes, échangeant quelques mots avec les uns et les autres. Elle remarqua qu'il avait amené sa paire de baguettes personnelles, avec lesquelles il picorait dans les plats, mais fumait en revanche beaucoup, à l'instar de la plupart de ses compatriotes. L'atmosphère devenait progressivement irrespirable, et cela contribua à accélérer leur départ. Juste avant qu'ils passent la porte, elle remarqua qu'il avait jeté son dévolu sur Zhou, qui dut à regret délaisser sa gracieuse interlocutrice.
Il pluviotait de nouveau, et elle songea qu'au-delà des nuages qui obscurcissaient la voûte céleste, gravitait le satellite chinois porteur de son œuvre, Hadès. Peut-être passait-il en ce moment au-dessus de leurs têtes ?
Ils dormirent peu, encore une fois, cette nuit-là. James, et elle s'en félicitait, semblait ne jamais pouvoir se rassasier de son corps et du plaisir qu'en amante experte, désormais, elle savait lui prodiguer, mettant toutes ses terminaisons nerveuses à vif avant de lui permettre d'atteindre le paroxysme de l'extase. C'était à vrai dire un plaisir équitablement partagé, et elle-même fondait de bonheur sous les assauts répétés de son vigoureux amant, dont la virilité paraissait infatigable et, telle la salamandre ou le phénix légendaire, renaissait comme par miracle quelques minutes après avoir atteint le pinacle de la jouissance. C'était devenu comme une espèce de jeu entre eux, un défi, de savoir qui le premier crierait grâce durant leurs joutes amoureuses. Ce fut elle, cette fois-ci, qui leva le pouce.
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Opération Hadès
AdventureBrillante scientifique travaillant à Sophia Antipolis, Claire Massari a la géniale intuition d’un programme informatique qui révolutionnera la séismologie. Mais sa découverte suscite bien des convoitises. Sa rencontre avec un jeune pétrolier texan l...