Opération Hadès

Chapitre 34

CHAPITRE 34

Un nouvel épisode de « Dallas » ?

Elle feuilleta le quotidien niçois qu'elle avait acheté le matin même, mais ne trouva rien concernant Shamrock, et se rendit jusqu'à la gare de Lyon pour acheter un journal du soir. Les passants lui apparaissaient sous un jour nouveau, aimables et souriants, comme s'ils étaient au courant de son bonheur retrouvé, et elle se surprit elle-même à sourire sottement à des parfaits inconnus. Le soleil jouait gaiement entre les branches des marronniers en fleurs, qui exhalaient une odeur sucrée, et elle contemplait avec un attendrissement particulier le slalom des poussettes sur le trottoir. Elle n'avait rien dit à James de l'enfant qu'elle portait – leur enfant – mais ce n'était pas une chose qu'elle pouvait annoncer par téléphone. Elle s'installa à la terrasse d'une brasserie pour lire son journal. Même les importuns qui vinrent tenter leur chance, attirés par cette jolie fille seule à une table, ne parvinrent pas à ternir sa bonne humeur. Il n'y avait rien en première page, mais finalement elle trouva un entrefilet dans la rubrique « Économie ».

Nouveau scandale à Wall Street ?

Selon des sources bien informées, la Securities and Exchange Commission, l'organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, se pencherait sur le dossier de la compagnie pétrolière Shamrock, qui fait partie du holding Conyngham, contrôlé par la famille texane du même nom. Un groupe d'actionnaires minoritaires aurait intenté une action en justice pour délit d'initié, contre les actionnaires majoritaires : la famille Conyngham, c'est-à-dire la PDG du groupe, Meg Conyngham, et ses trois enfants. Selon les plaignants, une fuite bien orchestrée aurait fait croire à un prochain rachat des actifs de Shamrock par une société étatique chinoise, provoquant un mouvement d'inquiétude, y compris au sein de la classe politique, et une brusque chute de la valeur des actions de la société, dont une quantité importante aurait été rachetée en sous-main par un homme d'affaires d'origine irlandaise, installé à Hawaï, et propriétaire de plusieurs hôtels de luxe et - dit-on - de casinos clandestins (le jeu étant interdit dans le cinquantième état américain). Quelques heures plus tard, la nouvelle était cependant démentie, et l'on annonçait au contraire que Shamrock s'était vu accorder des droits de recherches en offshore près des îles appelées Senkaku ou Diaoyu et qui font l'objet d'une contestation territoriale entre le Japon et la Chine. Après avoir plongé, l'action Shamrock est donc remontée brutalement, au grand dam des petits porteurs qui s'étaient précipités pour vendre.

La milliardaire Meg Conyngham, PDG de la compagnie, aurait été convoquée à Washington où siège la SEC. Les dirigeants de la compagnie contactés par les médias se sont refusés à tous commentaires.

Un nouvel épisode de Dallas ?

La rumeur avait couru, pendant quelques mois, que l'un des héritiers présomptifs du groupe, le jeune James Conyngham, que l'on dit plus assidu autour des tapis verts des salles de jeux que de ceux des conseils d'administration, aurait été fiancé à la plus jeune fille de Martain McCallum, l'homme d'affaires qui vient de réaliser un beau coup en rachetant un paquet d'actions de Shamrock. Mais James Conyngham, pour des raisons qui n'ont pas été divulguées, a semble-t-il été évincé de la direction du holding familial, voici peu, par sa propre mère, au profit de l'étoile montante du groupe, l'avocat d'affaires bostonien Pierre Levesque, qui l'a remplacé au poste stratégique de directeur des opérations. Conyngham junior ne ferait même plus partie, selon les mêmes sources, de la société.

Les milieux d'affaires, les autorités de l'État du Texas et le gouvernement fédéral suivent avec attention les rebondissements de cette affaire, qui ne sont pas sans évoquer un nouvel épisode du célèbre feuilleton Dallas, mais dont les conséquences pourraient ne pas être négligeables sur un marché international du pétrole de plus en plus volatil (voir en page 12 : « L'OPEP dans la tourmente. ») (De notre correspondant à Washington)