Les Maraudeurs et le Maître des Corbeaux (tome 7)

Chapitre 5 - LILY EVANS

Habituellement, la chambre de Lily était impeccablement rangée. Elle avait une étagère où étaient réunis tous les manuels et grimoires qu'elle avait dû s'acheter durant sa scolarité à Poudlard. Sur une autre étagère, il y avait toute sa collection de bande-dessinées Coco la sorcière ; une série qu'elle avait commencé à ses douze ans, étant devenue, comme ses deux amies Mary et Eugénie, une grande fan, mais qu'elle avait abandonné depuis plus d'un an maintenant. Même si elle continuait à chérir les souvenirs qu'elle avait de ces histoires passionnantes et intéressantes, elle avait un peu perdu le fil, ces derniers temps.

Aujourd'hui, cependant, son bureau ne faisait pas honneur à son caractère ordonné qu'elle avait habituellement. Un bazar sans nom régnait dessus. De nombreux nouveaux grimoires avaient été sortis, signe de ses tentatives de réviser pour ses épreuves des ASPIC qui allaient arriver en juin prochain. Réviser, c'était quelque chose qu'elle savait faire. Mais cet été, elle n'arrivait pas à rester concentrée plus d'une heure. La faute, probablement, à ces nombreux exemplaires de La Gazette du sorcier tous ouverts sur des articles plus horribles les uns que les autres.

LA PEUR DES CÔTES DE LA MORT CONTAMINE UNE BONNE PARTIE DES SORCIERS ET SORCIERES DE NOTRE COMMUNAUTE MAGIQUE

Voilà quelques semaines que le Ministère de la Magie, après des rapports détaillés faits par le bureau des Aurors, ont révélé au public l'existence des Côtes de la Mort. Il s'agirait du plus grand camp de prisonniers établi par les Mangemorts mais personne ne sait où il se situerait. Selon de récents rapports d'enquête, cet endroit compterait plus de mille cinq cent prisonniers que le camp de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom a réuni au cours des nombreux raids commis à l'encontre de foyers de sorciers.

Malgré l'assurance de notre Ministre de la Magie, Mr Minchum, qui a déclaré que « ce camp de prisonniers ne tiendra pas longtemps et sera bientôt détruit par les forces de la Garde du Ministère », une vague de peur se répand chez nos compatriotes sorciers. De nombreuses rumeurs circulent autour des Côtes de la Mort. Les détenus y seraient soumis à la Rose du Chaos (voir l'article du dernier numéro de La Gazette du sorcier pour en savoir plus sur cet objet de la magie noire) et seraient privés à vie de leurs pouvoirs magiques. Travaux forcés, tortures et exécutions sommaires, voilà ce que serait le quotidien des malheureux kidnappés par les Mangemorts.

Pire encore, la rumeur prétendrait que plusieurs Détraqueurs auraient désertés Azkaban pour s'établir aux Côtes de la Mort, où ils seraient plus libres de se nourrir de leurs prisonniers...

C'était un journal grand ouvert, posé sur un autre numéro, cachant de ce fait la moitié d'un autre article que Lily avait lu.

NICOLAS GOLDMAN, SUSPECTE D'ÊTRE UN PROCHE DU MAGE NOIR ORESTUS WANDCASTER ?

Ces dernières années, s'il y a bien une personnalité sulfureuse qui a fait couler beaucoup d'encre dans les journaux du monde de la magie, c'est bien Nicolas Goldman. Responsable du casino à la réputation douteuse, la Pierre Philosophale, Mr Goldman est un des sorciers les plus riches du monde. Malgré cette fortune, ce dernier a eu de nombreux démêlés avec la justice à cause de ce qui se passerait entre les murs de son casino dissimulé sous un océan inconnu.

Mais le dernier en date serait le plus grave. D'après une source que nous ne citerons pas, Mr Goldman aurait de fréquentes rencontres avec l'un des sorciers les plus recherchés de la communauté magique : Orestus Wandcaster, le bras-droit de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Si Mr Goldman dément toutes ces rumeurs avec fermeté, les autorités ne semblent pas entièrement...

Et enfin, sous ce deuxième journal, un autre presque entièrement dissimulé. Mais Lily avait lu cet article-là, aussi. Comment ne pas rater ce titre qui donnait des frissons d'horreur.

LA CHUTE DE FELDCROFT, LA CATASTROPHE QUE MINCHUM TENTE DE CACHER SOUS LE TAPI

C'était probablement à cause de tous ces titres alarmants que Lily ne parvenait pas à se concentrer. Du moins, c'est ce qu'elle se disait alors que, ce matin-là, elle s'habillait un peu mollement, assise sur le bord de son lit. Car il y avait peut-être autre chose qui ne cessait de la dévier de ses révisions.

Son rêve de cette nuit, tout d'abord. Un cerf puissant qui la protégeait des Mangemorts avec un courage admirable. Et cette image qui ne cessait de revenir dans sa tête, la faisant tantôt glousser, tantôt rougir de honte. James Potter et elle, au bord du lac, en train de s'embrasser.

Pourquoi est-ce que j'ai embrassé Potter ? Maintenant, il risque de me prendre pour une fille facile ! Elle savait pertinemment que c'était ridicule de se dire cela. Et puis, Potter ne semblait pas être le genre de garçon à se faire ce genre de réflexions. Mais il lui arrivait, parfois, de se dire qu'elle n'aurait pas dû l'embrasser.

Après tout, avant ce baiser inattendu, Lily était en colère contre lui. Elle n'en pouvait plus de le voir risquer sa vie comme si elle n'avait aucune valeur. Et cela amenait parfois à des réflexions plutôt étranges. Tu te rends compte de ce que ce serait de sortir avec James Potter ? A chaque fois que je tournerai le dos, je me dirais que cet imbécile est en train de faire un truc ridiculement dangereux.

Sortir avec James Potter... Quand elle commençait à réfléchir comme ça, c'était qu'elle déraillait complètement. Ils s'étaient embrassés, rien de plus. Potter s'était mis en couple avec Nausicaa Black, soit la fille la plus opposée à Lily. Elle n'était pas son genre...

Et puis, elle n'avait pas besoin de ça ! Elle avait assez de toutes ces horribles histoires qu'elle lisait quotidiennement dans La Gazette du sorcier pour la déconcentrer des ASPIC, elle n'allait pas laisser ce stupide James Potter entrer dans sa tête.

- J'ai besoin de prendre l'air, grommela-t-elle pour elle-même.

Lorsqu'elle quitta sa chambre, sa maison était vide. Ses parents étaient partis au marché ce matin-là et Pétunia passait des heures à se maquiller et à se pouponner dans la salle de bain. Lily sortit de la maison sans croiser personne et fit quelques pas dans son quartier résidentiel. C'était un été épouvantable ; nuageux et humide. Aujourd'hui ne faisait pas exception. Couverte d'une veste chaude qui appartenait à sa mère, Lily sortit de son quartier et ses pas la menèrent vers un terrain de jeu.

Soudainement mélancolique, elle regarda les balançoires qui grinçaient sous le vent, toutes débordantes d'eau de pluie. Quelques années plus tôt – cela lui semblait être des siècles auparavant – elle avait appris sur ce terrain de jeu qu'elle était une sorcière. C'était un petit garçon, qui le lui avait appris. Un peu timide, réservé, presque étrangement sauvage, comme s'il n'avait pas l'habitude de rencontrer de nouvelles personnes. Mais il avait été gentil et toutes les histoires qu'il avait racontées à Lily sur Poudlard et le monde de la magie l'avait fait rêver. Au début, elle voyait ces longues discussions sur la sorcellerie comme un jeu. L'invention enthousiasmante d'un monde magique et elle avait presque admiré l'imagination de ce petit garçon. Puis, la frontière entre ce jeu créatif et la croyance à un monde bien réel s'était effacé... Jusqu'au moment où Lily était entrée dans ce monde magique.

Oui, Severus lui manquait. Mais le Severus de cette époque-là, plein d'entrain pour l'avenir, enthousiaste à l'idée d'être le meilleur élève de Poudlard, qui prédisait déjà une grande carrière dans le monde magique à Lily et à lui. Pas celui qu'il était devenu aujourd'hui. Froid, impitoyable, rancunier, cruel...

Ce terrain de jeu était situé pile entre le quartier résidentiel de Lily et l'impasse du Tisseur où habitait Severus. Curieuse, elle traversa le terrain et regarda les usines qui recrachaient des tonnes de fumée noire dans le ciel. En contrebas s'étalaient les quartiers ouvriers... Et le cœur de Lily fit un bond dans sa poitrine.

Elle avait d'abord remarqué les nombreuses voitures de police qui s'étaient agglutinées dans un endroit spécifique de l'impasse du Tisseur. Puis, enfin, avec horreur, elle vit trônant dans le ciel gris la Marque des Ténèbres qui diffusait sa lueur verdâtre juste au-dessus de chez Severus.

- Oh mon Dieu... Non...