Chapitre 77 - PETER PETTIGROW

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Alors que tout le monde s'était montré attendri devant la complicité qu'il y avait entre James et Lily à la table des Gryffondor ce dimanche matin-là, Peter, lassé, en avait profité pour quitter discrètement sa place. Il n'avait pas tellement faim et, de toute façon, il voulait se retrouver tout seul. Voir Sirius se vanter de toutes ses conquêtes féminines, Eugénie qui recommençait à minauder avec Remus, Mary se plaindre qu'elle ne trouvait personne alors que tous les garçons du château étaient à ses pieds et James et Lily plus heureux que jamais pendant que lui ne faisait que broyer du noir lui avait clairement coupé l'appétit.

Mais il s'était à peine approché de la sortie de la Grande Salle par laquelle les élèves entraient ou sortaient qu'un cri désagréable retentit dans son dos.

- Peter !

C'était Bertha, bien sûr. Au beau milieu d'une conversation avec Stella à la table des Poufsouffle, elle avait tout lâché pour bondir dans sa direction pour se précipiter devant lui, son grand sourire niais s'étalant sur sa grosse face criblée de boutons allant du rouge au violet. Il évita de la regarder ; il n'avait pas pu s'empêcher de remarquer, au premier coup d'œil, quelques morceaux d'œufs brouillés qui étaient restés aux commissures de ses lèvres.

- Est-ce que ça te dirait d'aller te promener autour du lac ? lui proposa-t-elle. Il fait un temps superbe, aujourd'hui !

C'était vrai. Cela faisait longtemps que Peter n'avait pas vu la Grande Salle illuminée d'autant de lumière du soleil. Mais... Il ne savait pas trop. Il voulait rester seul... Mais d'un autre côté, même lui devait reconnaître que Bertha avait un don pour l'écouter parler. Lorsqu'elle lui avait proposé de monter jusqu'en-haut de la tour d'Astronomie après le dernier cours de Défense contre les forces du mal approfondie, cela lui avait fait du bien de se confier, de parler de ce qui le minait. Et même s'il restait persuadé qu'elle n'avait pas compris la moitié de ce qu'il lui avait dit ce jour-là, il ne pouvait pas nier que cela s'était révélé soulageant.

- Oui, grogna-t-il finalement, d'accord.

Bertha semblait aux anges et ils quittèrent la Grande Salle ensemble.

Quelques minutes plus tard, ils marchaient autour de la surface polie et glacée du lac. De l'autre côté, le terrain de Quidditch dressait ses hautes tours dans le ciel bleu. Les gradins, habituellement habillés des tapisseries géantes aux couleurs des quatre maisons de Poudlard, étaient nus et squelettiques depuis le début de l'année. Mais Peter se demandait si assister à un bon match de Quidditch avait encore le pouvoir de lui faire changer les idées.

Même si un soleil radieux faisait pleuvoir des rayons lumineux sur les paysages enneigés, il faisait assez froid. Il n'y avait pas de vent, mais tout de même, l'atmosphère restait glaciale et de la buée blanche sortait fréquemment des bouches de Peter et de Bertha alors qu'ils longeaient ce petit sentier qui serpentait au bord du lac.

- Tu es vraiment dur avec toi-même, lui répondait Bertha en agitant ses mains enfouies dans ses ridicules moufles d'un jaune canari, je veux dire... Tu es un Maraudeur ! Toute l'école t'admire.

- Toute l'école admire James, Sirius et Remus, tu veux dire, maugréa Peter, tout le monde se fiche de moi.

- Alors là, tu es très loin du compte ! Les autres élèves n'arrêtent pas de parler des Maraudeurs, donc de toi. Je suis sûre qu'il y a plein de personnes qui pensent que tu es un véritable héros. Regarde, c'est mon cas, à moi aussi !

Peter soupira. Toi, tu t'es juste éprise du seul Maraudeur que tu pouvais avoir. Tu savais directement que tu n'aurais eu aucune chance avec James, Sirius ou Remus. Alors tu t'es rabattue sur le moins reluisant des quatre.

Il ne prononça pas cela à voix haute, bien sûr. De toute façon, c'était bien inutile. Peter avait bien remarqué comme Bertha avait le don de s'aveugler lorsqu'il s'agissait de lui.

- Être un Maraudeur, ricana-t-il finalement à la place, ça n'a aucun sens. C'est juste un nom débile que James a trouvé à la fin de notre première année. Tout ça parce qu'on avait été trop bêtes pour vouloir se mettre entre Mallory et le Bassin des Rêves...

Bertha poussa un cri qui surprit tellement Peter qu'il crut qu'il allait glisser sur une plaque de verglas pour s'effondrer sur la surface glacée du lac.

- Alors c'était vrai, toutes ces rumeurs ? s'exclama-t-elle, hystérique comme une fan qui rencontrait sa star favorite. Vous vous êtes vraiment dressés entre le Bassin des Rêves et ce... ce Mangemort dès la fin de votre première année ? Même moi, je pensais que ce n'était que des histoires !

Peter soupira de nouveau, protégeant son nez dans son épaisse écharpe rouge et or.

- On a fait tout un tas de trucs stupides dans le genre, lâcha-t-il finalement, mais le problème, c'est qu'on dépasse sans cesse les limites. Je veux dire... Il faut forcément des limites pour rester en vie. Quand quelque chose est trop dangereux, il faut se l'avouer et ne pas avoir honte au lieu de risquer sa vie pour... pour rien ! J'ai raison, non ?

- Oh, oui, mon Peter, souffla Bertha qui le regardait toujours avec des étoiles plein les yeux.

- Se dresser contre les Mangemorts, cracha presque Peter, on dirait que c'est un jeu, pour eux. Tellement stupides...

- Tout de même, fit Bertha, c'est courageux de vouloir se dresser contre ces gens-là...

- Non, c'est stupide, trancha Peter, James, Sirius, Remus... Evidemment, tout leur réussit. Tout ce qu'ils veulent, ils l'ont. Sirius fait tomber toutes les filles, Remus est l'un des meilleurs élèves de notre classe, James qui sort avec Lily...

- Oh, je déteste cette fille ! Elle se croit supérieure à tout le monde avec ses stupides cheveux roux, là ! Elle est douée en Potions, je suis sûre que tous les matins, elle fait boire un philtre d'amour à tous les garçons du château. Il y en a plein dans ma classe qui la regarde avec un air idiot sur le visage comme s'ils voyaient une véritable star...

- On a survécu à toutes ces choses, poursuivaient Peter sans faire attention aux blablas sans intérêt de Bertha, alors eux, ils se disent qu'on est invincibles. Sauf que c'est faux ! Ils repoussent les choses toujours plus loin. Et cette fois, on va tous y passer à cause de leurs égos. Ce n'est pourtant pas compliqué, non ? Face au danger, on reste à l'abri ! Personne n'irait se jeter dans le feu juste parce que c'est marrant !

- Oui. Tu as raison, mon Peter.

Il ne l'écoutait toujours pas. Il s'arrêta brusquement pour regarder le château dont les toitures étaient toujours recouvertes d'une épaisse couche de neige. Ce ciel bleu semblait n'être qu'une courte accalmie car à l'horizon, par-dessus la Forêt interdite, des nuages noirs commençaient à approcher. Il entendit même le son du tonnerre, au loin.

Bertha, surprise par son soudain arrêt, faillit glisser sur la neige en voulant revenir vers. Mais Peter gardait son regard perdu vers l'horizon, où de menaçants nuages approchaient.

- Quand il y a un nouvel ordre mondial, on ne lutte pas, souffla-t-il d'un ton désespéré, je veux dire... C'est perdu d'avance, ça se voit, non ? Tout ce qu'il a entrepris, il l'a réussi. Le Bassin des Rêves, la Rose du Chaos, la pierre qu'il y avait dans la Cave maudite, tout ce qu'il a orchestré durant la Traque du Flambeau, les Vrykolakas... Il a tout réussi. Alors oui... Se dresser contre lui est une folie sans nom.

Bertha ne semblait pas avoir compris la moitié de ce qu'il avait dit. Cela ne l'empêchait pas de lui faire un grand sourire.

- Oui, dit-elle d'un ton guilleret, tu as raison, mon Peter.

Les Maraudeurs et le Maître des Corbeaux (tome 7)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant