Chapitre 90 - LILY EVANS

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La première semaine des ASPIC venait de s'achever. Et comme tous les autres, Lily avait terminé cette longue journée du vendredi réservée aux épreuves de Sortilèges terrassée de fatigue. Pourtant, elle n'avait pas fait une croix sur son projet pour autant : elle voulait toujours profiter de la nuit pour se rendre dans la Forêt interdite avec James.

Certes, une semaine plus tôt, Remus avait dit à Hagrid qu'ils ne se rendaient plus dans ces bois, la nuit. Ce n'était qu'à moitié vrai. Même si les Maraudeurs soutenaient qu'ils ne s'y rendaient plus, Lily était persuadée que certaines nuits, les quatre garçons faisaient une entorse à cette règle. Elle ne pouvait pas leur en tenir rigueur, étant donné qu'elle-même s'y rendait fréquemment ces temps-ci avec James. Et puis, elle préférait leur laisser leur jardin secret. Elle espérait seulement qu'ils ne s'aventuraient pas trop loin dans cet endroit si dangereux.

Si Lily et James sortaient fréquemment dans la Forêt interdite, c'était parce que cet endroit était, la nuit, l'endroit tout indiqué pour qu'elle poursuive sa formation d'Animagus. Ainsi, depuis cinq mois, ils s'y rendaient presque chaque semaine pour qu'elle essaye de se transformer.

Cette nuit-là, il faisait bon, dehors. Tous les deux dissimulés sous la cape d'invisibilité, ils passèrent par le tunnel secret qui filait sous la statue d'Hengist de Woodcroft jusqu'à la Forêt interdite et se rendirent à leur habituelle clairière où elle s'entraînait.

Mais cette fois, Lily dut mettre trop d'intensité dans sa tentative. Ou peut-être était-ce dû à son intense fatigue à cause des ASPIC. Car après s'être concentrée sur un deuxième battement de cœur – qu'elle croyait pouvoir entendre à certains moments – et avoir prononcé l'incantation habituelle, elle s'était tout simplement évanouie.

Alors, elle s'était retrouvée dans un monde d'un noir d'encre. Elle ne voyait rien, autour d'elle. Ou peut-être que si... Une forme filamenteuse qui flottait autour d'elle, comme un Patronus qui n'avait pas encore pris forme. Cette forme semblait voler toujours plus loin d'elle. Lily se mit à courir après. C'était étrange, d'avancer dans ce noir d'encre. Elle avait l'impression de courir dans le vide, sans jamais avoir l'impression d'avancer puisqu'il n'y avait aucun repère visuel.

Mais finalement, elle rattrapa cette lumière fantomatique. Elle s'était arrêtée et semblait être en train de prendre une forme. James lui avait déjà dit qu'elle avait des chances de voir à l'avance l'animal en lequel elle allait se transformer. Et il était en train de se matérialiser sous ses yeux.

Elle sentit son cœur s'emballer. Elle allait savoir... Elle voulait savoir ! Ce n'était pas une loutre, comme elle le savait depuis longtemps. Déjà, la lumière blanche prenait la forme d'un animal beaucoup plus imposant. Alors... Un chien ? Un cheval, peut-être ? Non, c'était plus petit qu'un cheval.

Non... C'était... C'était...

- Une biche !

La lumière vaporeuse, le décor d'un noir d'encre... Tout cela s'était évaporé alors que Lily reprenait conscience, allongée au milieu de la clairière, dans la Forêt interdite. James était penché sur elle, visiblement inquiet.

- Lily ? souffla-t-il alors qu'elle se redressait faiblement. Est-ce que ça va ? Tu es restée inconsciente plus longtemps que d'habitude.

Elle avait le souffle coupé.

- Je l'ai vu ! s'exclama-t-elle. J'ai vu l'animal en lequel je vais me transformer ! C'est une biche !

James s'était assis en tailleur à côté d'elle. Il eut un sourire réjoui.

- Une biche, répéta-t-il, bien joué ! C'est un énorme pas en avant. Je pense qu'on a bien mérité une bonne nuit sommeil, à présent. Tu viens ? On rentre.

Elle savait que c'était le plus raisonnable. Une étape avait été franchie, elle sortait d'une semaine intense dédiée aux ASPIC, une bonne nuit de sommeil ne pouvait que lui être bénéfique. Mais elle retint James par le bras alors qu'il s'apprêtait à se relever.

- Non, dit-elle, je veux réessayer.

Il lui adressa un regard hésitant.

- Lily, tu es crevée. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. On pourrait revenir ici la nuit prochaine ?

- James, j'ai vu la biche, je... Je sais que je peux me transformer en cette biche cette nuit. Il faut que je réessaye. Au moins une fois.

Il poussa un soupir contraint.

- Bon, très bien, dit-il en se relevant, mais rien qu'une seule fois. Si tu n'y arrives pas, on rentre au château, d'accord.

- Oui, d'accord. Aide-moi à me relever.

James lui attrapa la main qu'elle lui tendait et l'aida à se remettre sur pied. Lorsque ce fut fait, elle ramassa sa baguette et se retint à un arbre pour ne pas tomber ; elle ne voulait pas l'avouer devant lui, mais sa tête commençait sérieusement à tourner.

Allez, rien qu'une seule fois, pensa-t-elle en braquant sa baguette sur son propre cœur.

- Amato, Animo, Animato, Animagus !

Elle eut alors la drôle d'impression de s'être lancé le sortilège du Coup de poing à elle-même. En réalité, ce devait être la même sensation, lorsque l'on sentait un défibrillateur se poser contre sa poitrine. Elle avait l'impression que sa baguette avait lâché une onde de choc dans sa poitrine et avait fait repartir les battements d'un second cœur éteint depuis des siècles.

Alors, une douleur déchirante parcourut son corps. C'était comme si tous ses organes se tordaient en même temps. Elle faillit pousser un hurlement mais c'était trop tard. Déjà, son nez et sa bouche se fondaient l'un en l'autre et s'allongeaient pour ne former qu'un museau. Elle sentit ses yeux s'écarter douloureusement l'un de l'autre. Sa colonne vertébrale se tordit violemment. Et soudainement, ses vêtements devinrent trop serrés pour son corps qui enflait sans cesse.

Elle s'effondra à quatre pattes dans un bruit de déchirure. Alors que les restes de ses vêtements tombaient en lambeaux, elle chercha ses mains des yeux. Mais déjà, ce n'était plus des mains. Elle était debout sur le sol, sur ses quatre pattes frémissantes. La douleur venait de passer. Elle n'était plus humaine. Elle était devenue une biche.

La première impression qu'elle eut, ce fut celle de sortir la tête de l'eau. Comme si, jusqu'à maintenant, tous les sons avaient été étouffés. A présent, la forêt semblait plus bruyante. Elle arrivait à entendre les oiseaux dans leurs nids, les bêtes plus petites se faufiler dans un buisson à plusieurs mètres de là et même un troupeau de licornes qui devait gambader, plus loin. Sa vue était étrange... La forêt semblait avoir perdu la richesse de sa couleur. A présent, tout n'était qu'un mélange de bleu et de vert. Mais, malgré cela, elle avait l'impression d'y voir plus clair, dans cette pénombre.

- Lily ?

Même la voix de James lui paraissait étrange ! Elle se tourna vers lui. Il la regardait avec fierté et il tendit même la main vers elle. Lily se laissa caresser puis, elle le poussa du museau.

- Eh ? Qu'est-ce que tu fais ?

Elle recommença. Allez, James ! Tu te doutes bien de ce que je veux que tu fasses, maintenant.

Il eut un sourire amusé. Il se pencha en avant et fouilla dans les habits en lambeaux de Lily qui jonchaient le sol. Il en ressortit sa baguette magique qu'il rangea dans sa poche. Il la caressa de nouveau et s'éloigna. En un claquement de doigts, il était redevenu ce magnifique cerf.

Remplie d'enthousiasme, Lily bondit en avant. Elle faillit même s'étaler par terre, tant elle n'était pas habituée à ce nouveau corps. Cela permit à James de la dépasser et de s'élancer entre deux arbres. Elle se mit à courir derrière lui, à sa poursuite.

En cette nuit d'été, un cerf et unebiche traversaient la Forêt interdite dans une course folle.

Les Maraudeurs et le Maître des Corbeaux (tome 7)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant