Chapitre 113 - PATRICIA RAKEPICK

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Midi – la salle des opérations de la Pierre Philosophale.

Une pluie de poussières s'effondrait du plafond alors que Patricia trébuchait sur le sol. Un silence glaçant avait suivi la détonation et le véritable tremblement de terre qui avait secoué la salle des opérations. Tout le monde semblait se poser la même question, ici : quels dégâts avait bien pu causer cette fiole de feu grégeois, quelques étages en-dessous ?

Le miroir géant ne transmettait toujours pas d'image. Pire encore, un silence froid suivait cette explosion, comme si la brigade des Sans-Visage avait disparu. Alors que Patricia, Brown et les autres gardes qui composaient la pièce se remettaient sur pied, plusieurs ampoules s'étaient mises à luire en même sur le plan en relief de la Pierre Philosophale : le coffre de Goldman, celui de la Rose du Chaos... et tout un couloir de l'étage des coffres.

La première chose que fit Patricia une fois sur pied fut de regarder Goldman. Si, quelques minutes auparavant, cet homme riche et puissant était dominé par la colère, piqué dans son estime et sa fierté de savoir qu'une bande de cambrioleurs s'en prenait à ses coffres, tout de suite, ses sentiments de fureur semblaient s'être fait vaporiser par l'explosion qui avait eu lieu à des mètres sous leurs pieds. Il semblait complètement dépassé, ahuri. Il perdait clairement pied, comme s'il ne parvenait plus à comprendre ce qui se déroulait. Ou plutôt, si... Il commençait à comprendre. Car Patricia ne pouvait s'empêcher de prendre plaisir à voir une véritable peur s'emparer des yeux pâles et écarquillés de Goldman. Il prenait peu à peu conscience qu'aujourd'hui, il y avait un vrai risque pour son casino.

Contre toute attente, ce fut Brown qui se ressaisit le premier. Il se précipita vers le miroir.

- Chef de brigade ! appela-t-il d'une voix désespérée. Chef de brigade ? Est-ce que vous m'entendez ?

Rien, aucune réponse. Tremblant comme une feuille, Goldman ne pouvait pas détourner le regard du miroir géant tout en se couvrant le visage, comme s'il allait vomir.

- Chef de brigade ! Répondez ! insista Brown. Faites-nous un compte-rendu ! Que s'est-il passé ? Où sont les cambrioleurs ?

Le silence. Toujours ce silence.

Patricia pouvait sentir l'impuissance que devait subir toute l'équipe réunie dans la salle des opérations. Que pouvaient-ils faire, tous, à part attendre ? Attendre et prier pour que les dégâts ne soient pas trop graves ?

Finalement, comme s'il perdait finalement espoir, Goldman enfouit son visage dans ses grosses mains. Il semblait presque déjà mort et enterré. Oh non, Goldman, rugit intérieurement Patricia, tu n'as encore rien vu. Mais, rien que pour cette image d'un Nicolas Goldman démuni et envahi par le désespoir, elle considérait que cette opération était déjà un succès. Elle aurait même voulu que ce silence dure un peu, pour étendre encore plus la torture que subissait cet homme.

Mais la voix du chef de la brigade des Sans-Visage retentit finalement du miroir géant.

- Ici le chef de brigade des Sans-Visage ! La fiole de feu grégeois a explosé ! Je répète : la fiole de feu grégeois a explosé !

Cela sembla soudainement réinjecter de la vie en Goldman. Il se redressa finalement, ses yeux exorbités fixés sur le miroir géant.

- Que s'est-il passé, bon sang ? Mon or ! Est-ce qu'ils ont touché à mon or ?

- L'un de ces jeunes avait une fiole de feu grégeois à la main, lui expliqua la voix du Sans-Visage, ils comptaient nous la jeter dessus pour nous repousser. Heureusement, un de mes hommes a eu le réflexe de jeter un maléfice de Réduction sur la fiole avant que l'ennemi ait eu le temps de la jeter...

- MON OR ! beugla Goldman dont l'énorme face avait pris une couleur d'un rouge vif. PARLEZ-MOI DE MON OR, BON SANG !

- Ils n'ont pas pu toucher à votre or, Monsieur. Au moment où je vous parle, mes hommes sont en train de sécuriser votre coffre.

Goldman s'écroula littéralement dans son fauteuil, comme si le soulagement intense qu'il ressentait l'avait terrassé. Il y eut quelques cris de victoire parmi les gardes réunis dans la salle des opérations, mais Patricia ignorait si ces gens étaient sincèrement contents de savoir l'or de Goldman en sécurité ou s'ils réagissaient ainsi pour se faire bien voir de leur supérieur.

Mais, lorsque Goldman se tourna de nouveau vers le miroir, il avait l'air de vouloir tout faire sauf la fête. Il avait un air grave.

- Où sont ces intrus ? rugit-il. J'aimerais les interroger moi-même. Vous les avez capturés, j'espère ?

- Non, Monsieur...

- Pardon ?

- Je veux dire... Il n'y a pas de survivants, Monsieur. Tous les cambrioleurs ont été tués dans l'explosion. Il ne reste d'eux que des amas de chaire rongés par les flammes.

Brown eut un éclat de rire retentissant.

- C'est fantastique, Monsieur ! s'exclama-t-il en se tournant vers son supérieur. Cela veut dire que toute cette horrible histoire est terminée !

Mais, encore une fois, Goldman n'était pas d'humeur à se réjouir.

- Il n'y a aucun survivant ? demanda-t-il.

- Non, Monsieur. Ils ont tous été vaporisés par le feu grégeois.

Emporté dans un élan d'impatience, Goldman se leva brusquement.

- Chef de brigade, dit-il, restez devant mon coffre pour le sécuriser. Nous arrivons. J'ai besoin de voir la situation de mes propres yeux.

- Mais Monsieur, protesta Brown, c'est dangereux. Même si les intrus ont tous été tués, vous oubliez le nuage de Styx qui a envahi tous les étages inférieurs.

Goldman tourna un nouveau regard noir vers le miroir.

- Chef de brigade ? Est-ce que vous pensez pouvoir chasser ce nuage toxique avant notre arrivée ?

- C'est déjà en cours, Mr Goldman. On a déjà presque fini d'assainir l'étage des coffres-forts. Vous pouvez venir en toute sécurité. Oh, Monsieur ? Puis-je vous demander quelque chose ? Dans l'explosion, deux de mes hommes ont été blessés. Ai-je la permission de les faire sortir de la Pierre Philosophale pour qu'ils se fassent soigner dans notre quartier-général ?

Ce détail semblait fortement agacer Goldman.

- Je me fiche de vos hommes, chef de brigade ! Renvoyez ces mauviettes s'ils ont des bobos si vous voulez, du moment qu'à mon arrivée, je retrouve mon or sécurisé et que je puisse discuter de la situation avec vous.

- Très bien, je renvoie mes deux hommes blessés et je vous attends avec le reste de mon unité devant votre coffre-fort. A tout de suite, Monsieur.

Et la transmission fut coupée. Goldman jeta un regard noir à son équipe.

- On descend à l'étage des coffres, dit-il d'un ton ferme, et vous nous accompagnez, Rakepick.

Elle hocha la tête.

- Bien sûr, Monsieur.

Les Maraudeurs et le Maître des Corbeaux (tome 7)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant