Chapitre 52 - LILY EVANS

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Cette magnifique journée s'acheva par une vague de froid surprenante, comme pour dire qu'ils venaient de profiter des derniers rayons de soleil avant l'arrivée définitive de l'automne. Il était tard, ce samedi soir-là. Tellement que tout le monde était parti se coucher, à l'exception de Lily, Mary et Eugénie. Toutes les trois étaient les seules à encore occuper la longue table centrale de la salle commune de Gryffondor. La raison était simple : le travail qu'exigeait cet interminable devoir que le professeur Steinher avait demandé pour son cours de Théorie magique.

Ainsi, la plupart des septième année était restée tard à s'échiner dessus, jusqu'à ce que, les uns après les autres, ils aillent se coucher. Lorsque ce fut au tour des Maraudeurs de quitter la salle commune pour grimper dans leur dortoir, Lily avait échangé un long baiser de bonne nuit avec James avant de le laisser partir à regret.

- Tu as toujours été une fille intelligente, Lily, dit Mary lorsqu'elles se retrouvèrent les dernières encore debout, mais force est de constater que tu es deviens totalement guimauve, quand tu es amoureuse.

Lily s'arracha à sa contemplation des escaliers par lesquels James venait de disparaître et lança un regard troublé à son amie.

- Ne dis pas n'importe quoi, soupira-t-elle, je ne suis pas plus... guimauve qu'une autre.

Eugénie eut un rire.

- Je te jure que tu l'es, s'esclaffa-t-elle, durant un temps, on a cru qu'une autre personne avait pris possession de toi, tellement on ne te reconnaissait plus !

Lily leva les yeux au ciel.

- Toujours plus, soupira-t-elle.

Elle tourna la page de l'épais volume qu'elle consultait pour venir à bout de ce devoir de Théorie magique.

- Ce n'est pas un reproche, fit remarquer Mary en raturant tout un paragraphe dans son brouillon, tu es juste devenue... désespérément débordante d'amour. On n'a qu'à attendre quelques jours et tu commenceras à nous faire de grandes leçons avec des phrases du genre : « Vous savez, les filles, dans la vie, il n'y a rien de plus important que l'amour ! ».

Eugénie eut un rire. Lily elle-même ne put s'empêcher d'avoir un sourire, tout en calant une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, histoire de garder un air digne.

- N'importe quoi, se contenta-t-elle de dire, je ne dirai jamais quelque chose d'aussi mièvre... Quoique, d'après l'auteur de Ce que la magie serait théoriquement capable de faire, il paraîtrait que l'amour serait un puissant vecteur de magie blanche.

- Oh, alors ce que vous avez avec James serait une sorte de magie extrêmement complexe qu'on ne serait pas capables de comprendre ? plaisanta Eugénie.

- Pas du tout, je te répète juste ce qui est écrit là. D'après cet auteur, théoriquement, quelqu'un capable de se sacrifier pour un être aimé d'un amour véritable octroierait une protection magique puissante contre la personne qui souhaite lui faire du mal.

- Tu as entendu ça, Mary ? Lily est déjà prête à sacrifier sa vie pour son James.

Lily referma son imposant grimoire en soupirant alors que ses deux amies riaient entre elles.

- Vous êtes fatigantes, toutes les deux, dit-elle en se levant, je vais me coucher. Je n'arriverais pas à grand-chose sur ce devoir avec deux pipelettes comme vous sur le dos. Vous venez ?

Mary grimaça.

- Eugénie et moi, on a bien plus de retard que toi. On reste un peu pour travailler. On te rejoindra dans pas longtemps. Passe une bonne nuit... et ne fais pas de détour !

- Oui, tu n'as pas le droit de dormir dans le dortoir des garçons alors ne te glisses pas sous la couette de James ! surenchérit Eugénie alors que Lily grimpait déjà les escaliers menant aux dortoirs des filles.

- Ha, ha, ha, très drôle.

Le dortoir des filles de septième année de Gryffondor était situé sous la toiture, ce qui faisait qu'on entendait à peu près tous les bruits extérieurs ; de la pluie qui tombait au vent qui soufflait avec rage, dehors. Dans la salle de bain, Lily enfila sa robe de chambre et passa quelques minutes devant le miroir à se regarder tout en lissant ses longs cheveux roux. Elle était pensive.

Elle aurait bien aimé faire ce que Mary et Eugénie avaient dit, en vérité. Rien que de penser à s'endormir dans le même lit que James la faisait sourire bêtement. Et, après tout, elle était adulte, non ? Et James était son petit-ami ! Dormir contre lui n'était pas quelque chose de mal ou d'inconsidéré. En vérité, elle l'aurait fait, si elle ne lui avait pas fallu traverser un dortoir rempli de pratiquement une dizaine de garçons.

Essayant de refreiner ces images d'un James lové contre elle dans un lit, elle posa son peigne à côté du lavabo, éteignit la lumière de la salle de bain et traversa l'obscurité de son dortoir entre les lits à baldaquin des autres filles.

Mélanie et sa fichue peur du noir !

Sa camarade de classe avait, semblait-il, fait exprès de laisser les rideaux de la fenêtre se trouvant à côté du lit de Lily grands ouverts. C'était probablement pour laisser entrer la lumière argentée de la pleine lune qui éclairait quelque peu le dortoir plongé dans la pénombre. Soupirant dans sa barbe, elle se posa devant la grande fenêtre dans l'intention de refermer les rideaux mais son regard s'arrêta sur le paysage qui s'étirait sous ses yeux.

De vastes collines qui s'étendaient dans les ténèbres de cette nuit d'automne, toutes recouvertes de cette sinistre Forêt interdite dont les arbres étaient malmenés par la tempête qui sifflait avec rage. Elle faisait tellement de bruit que cela ressemblait parfois aux hurlements d'un loup. Au-dessus, au centre d'un ciel noir, trônait une lune pleine et ronde. La voix de James retentit dans sa tête.

Ce soir, c'est la pleine lune. Avant de te coucher, tu mettras cette feuille dans ta bouche, sous ta langue. Jusqu'à la prochaine pleine lune, elle ne devra sortir de ta bouche sous aucun prétexte.

Elle sentit son cœur battre la chamade. Il voulait lui apprendre à devenir une Animagus, c'était ce qu'il lui avait dit, cet après-midi à Pré-au-Lard.

Agitée, elle se jeta à genoux au pied de son lit et tira sa grosse malle vers elle. Avec des gestes frénétiques, elle en sortit la veste qu'elle portait aujourd'hui et en retira la fameuse feuille de mandragore qu'il lui avait donnée. Elle se releva, fébrile, tenant cette feuille dans sa main, regardant la pleine lune qui semblait la narguer, de l'autre côté de la fenêtre.

Pourquoi ne pas le faire ? Pourquoi ? Parce que la loi l'interdisait ? Dans le pire des cas, elle ne ferait de mal à personne, non ? D'accord, elle comprenait pourquoi le Ministère de la Magie avait besoin de recenser les Animagi ; cela pouvait être dangereux d'avoir plusieurs sorciers dans la société capables de se changer en animaux sans que personne ne le sache. Mais d'un autre côté... Elle voulait devenir une Animagus, là, tout de suite, maintenant...

Oh, et puis au diable la loi !

D'un seul coup, elle cala la petite feuille de mandragore sous sa langue, ferma d'un geste brusque les rideaux et se faufila sous ses couvertures, un petit sourire aux lèvres.

Les Maraudeurs et le Maître des Corbeaux (tome 7)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant