Les Maraudeurs et le Maître des Corbeaux (tome 7)

Chapitre 69 - REMUS LUPIN

Les paysages étaient toujours autant enneigés lorsque le Poudlard Express le traversa, comme un serpent géant rouge et noir. Il remontait toujours plus haut vers le nord de la Grande-Bretagne. Assis à leur compartiment habituel, les Maraudeurs se trouvaient comme souvent ces temps-ci accompagnés de Lily, Mary et Eugénie. Cela ne dérangeait plus Remus. Il avait vite compris que la rancœur qui aurait pu subvenir après la séparation qu'il avait eu avec Eugénie était restée dans le passé. En revanche, ce qui lui faisait peur restait le fait qu'il était content de la retrouver à chaque fois. Il avait l'impression qu'il pouvait céder à la tentation à tout moment.

James et Sirius semblaient avoir passé de bonnes vacances. Lily aussi était contente de son séjour chez les Potter. Apparemment, ces deux semaines semblaient avoir réglé les quelques différends entre cette dernière et Sirius et Remus en était satisfait. Mary et Eugénie elles aussi avaient bien profité de ces vacances. Cela semblait les avoir soulagées de la pression des ASPIC même si, en teinte de fond, le monde devenait de plus en plus sombre. Remus comprenait cette étrange sensation ; celle de continuer à vivre comme avant tout en entendant les horribles nouvelles qui circulaient sur des disparitions, des meurtres inexplicables et la Marque des Ténèbres qui revenait de plus en plus souvent ces derniers temps. Lui-même s'était interdit d'ouvrir un exemplaire de La Gazette du sorcier de toutes les vacances de Noël.

Finalement, Remus eut la version de ces deux semaines de pause de tout le monde... sauf de Peter. Ce dernier restait affalé sur la banquette de leur compartiment, le coude reposé sur le rebord de la fenêtre, le menton dans le creux de sa main à regarder d'un air presque abattu les paysages enneigés qui défilaient sous ses yeux.

Sirius semblait de nouveau plongé dans une description complète de sa fameuse moto volante qu'il avait reçu de l'oncle de James pour Noël et seules Mary et Eugénie daignaient l'écouter. De leur côté, James et Lily restaient lovés l'un contre l'autre à s'embrasser, comme si le reste du monde n'existait pas.

Profitant du fait que tout le monde était occupé, Remus adressa un léger coup de coude à Peter.

- Tout va bien ? lui demanda-t-il. Tu as passé de bonnes vacances ?

Sorti de ses pensées, Peter lui adressa un regard ensommeillé avant de hausser les épaules.

- Non, pas vraiment, grogna-t-il, plus ça va, moins je supporte ma mère et cette maison infernale.

- J'ai déjà rencontré ta mère, fit remarquer Remus, elle m'a l'air d'être une femme très gentille.

- Vis sous le même toit qu'elle pendant deux semaines et tu n'auras plus cet avis.

- Bon. Alors tu dois être content d'être de retour à Poudlard, non ?

Peter se contenta de hausser les épaules et se retourna de nouveau vers la fenêtre pour continuer à observer le paysage.

- Si on veut.

Remus soupira.

- Qu'est-ce qui t'arrive, Peter ? Ces derniers temps, tu es constamment de mauvais poil. Est-ce que tu te rappelles que James, Sirius et moi, on est tes amis ? Tu peux nous parler si quelque chose ne va pas.

Peter eut un rire jaune.

- James est trop occupé à bécoter Evans à longueur de journée. Et Sirius passe tout son temps libre à faire je ne sais quoi avec Amelia Bones.

- Et moi, alors ? Je suis bien là, moi. Et tu sais très bien que je sais garder les secrets. S'il y a quelque chose qui ne va pas, tu peux très bien te confier à moi.

Cette fois, le regard que Peter tourna vers lui se révéla incertain, comme s'il hésitait. Remus attendit patiemment.

- Je... Je ne sais pas ce que j'ai, soupira finalement Peter, je suppose que c'est un mélange de beaucoup de choses qui se passe en même temps.

- Et sur toutes ces choses qui te troublent, quelle serait la plus importante ? Celle à laquelle tu penses en premier ?

Peter resta les yeux dans le vide quelques secondes avant de soupirer à nouveau.

- Le projet complètement dingue de cette tarée de Patricia Rakepick, maugréa-t-il finalement, voilà ce qui me met les nerfs à vif. Qu'on ait accepté de faire quelque chose d'aussi stupide... Et je vous ai dit que je n'étais pas du tout d'accord avec ça mais comme toujours, personne ne m'écoute dans ce groupe.

Remus ne s'était pas attendu à cela. Il pensait que Peter allait pointer du doigt la pression des ASPIC et les cours qui devenaient de plus en plus exigeant à la limite du supportable, le fait de voir Sirius s'attirer les regards de toutes les filles ou de voir James heureux avec Lily... Mais il ne s'était pas rendu compte que cette histoire de braquage de la Pierre Philosophale perturbait autant son ami. Peter avait toujours été comme ça : retissant face aux idées risquées de James et Sirius mais s'accoutumant finalement à la situation.

- Je sais que ce projet est dangereux, dit Remus d'un ton diplomatique, pour l'instant, tu ne devrais pas trop te prendre la tête. On n'en est qu'au stade où on cherche un plan. Et si on ne trouve pas de plan, Patricia elle-même annulera toute l'opération alors inutile de...

- Arrête, je sais exactement comme ça va se passer, fit Peter avec irritation, on trouvera forcément un plan un jour ou l'autre. Il ne sera pas parfait, il comportera même pas mal de failles et quand on le fera remarquer à Patricia, elle nous répondra un truc du genre : « on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs ». Alors tout le monde va croiser les doigts et on se jettera dans cette mission suicide.

Remus était de plus en plus troublé.

- Ce sera risqué, c'est sûr. Mais... Ce n'est pas la première qu'on fait ce genre de choses et ça s'est toujours bien passé, non ? D'autant plus que, cette fois-ci, c'est pour une bonne cause. Imagine le bien que l'on pourrait faire si on arrivait à arracher la Rose du Chaos à Wandcaster.

- On ne nous a rien demandé, s'agaça Peter, ce n'est pas notre rôle. Patricia fait ça parce qu'elle est droguée au danger. James et Sirius veulent rentrer dans l'Ordre du Phénix. Mais moi ? Pour quelle raison j'accepterais de faire une telle chose ?

Il regarda la banquette d'en face ; Remus l'imita. Sirius racontait une de ses escapades en moto dans la campagne autour de Godric's Hollow aux filles alors que James gloussait avec Lily.

- Ils ne se rendent même pas compte de la folie qu'on s'apprête à faire, poursuivit Peter, je vous ai toujours suivi partout mais le fait est là : on a toujours mis nos vies en danger pour rien. Personne ne nous avait demandé d'enquêter sur le Bassin des Rêves, de résoudre les mystères de ces agressions à Poudlard, d'entrer dans une Cave maudite ou de traquer des souvenirs qui dataient d'un siècle avant notre naissance. Personne. Tout ce qu'on nous demandait, c'était d'étudier. Mais j'ai toujours suivi sans jamais me plaindre.

« Seulement, cette fois-ci, on va trop loin, Remus. Cette fois-ci, je sens qu'on va dépasser une limite qui nous sera fatal à tous.

Peter retourna à sa position initiale, enfermé de nouveau dans un silence froid. Cette conversation laissa Remus sans voix.

Il ne s'était pas attendu à ce que son ami ait tout cela sur le cœur.