Chapitre 76 - SEVERUS ROGUE

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Ce début de matinée, qui avait pourtant redonné un peu de baume au cœur de Severus grâce au soleil radieux qui trônait dans le ciel, marqua bien vite le retour de son humeur orageuse. En ce dimanche, la Grande Salle était animée à la table des Serpentard et il avait encore en tête l'échec de son premier cours particulier d'occlumancie d'hier matin. Tous ces souvenirs en rapport avec Lily, de sa rencontre avec elle jusqu'à cet horrible soir où il l'avait vue dans les serres, lui avaient donné à réfléchir. Mais comment faire une réelle introspection quand le destin lui-même semblait prendre plaisir à le torturer ?

Assis à côté de Mulciber qui passait son temps à rabaisser quelques première année avec Avery, Nott et leurs rires cruels, Severus aurait voulu pouvoir ignorer Lily à la table des Gryffondor comme il arrivait à ignorer ses trois camarades. Mais comment faire comme si cette horrible scène n'existait pas ? Il avait parfois l'impression que Lily faisait exprès rien que pour se moquer de lui.

Il savait qu'elle sortait avec ce salaud de James Potter depuis plus de deux mois, maintenant. Il les avait vus – même s'il essayait de ne pas voir cela – avoir des gestes de tendresse l'un envers l'autre ce qui, à chaque fois, lui tordait tellement l'estomac qu'il avait envie de vomir. Mais ce matin, tout était tellement plus ostentatoire !

Lily et Potter se tenaient collés l'un à l'autre, se donnaient à manger comme s'ils n'étaient que des bébés, s'embrassaient toutes les quinze secondes et partageaient des rires inutiles. Cela semblait bien amuser leur groupe d'amis ; le reste des Maraudeurs et ces cruches de Macdonald et de Danglars.

Qu'est-ce qui arrive à Lily, bon sang ? Comment a-t-elle pu tomber si bas ? Elle a tout vu avec moi. Elle sait que Potter est le pire être humain qui puisse exister ! Je ne les ai pas inventés, ces souvenirs. Notre première rencontre, dans le Poudlard Express... Toutes les crasses que lui et Black m'ont fait ; la poubelle sur la tête, la peinture sur le mur, les bousculades, les insultes, les furoncles sur Avery, Mulciber et Nott... Bon sang ! Black a essayé de me tuer en me livrant à son loup-garou de meilleur ami ! Elle était bien là quand toutes ces choses se sont passées, non ? Alors quoi ? Elle a déjà tout oublié ? Elle se fiche de ça ? Depuis quand Lily n'a plus ses principes, ses valeurs ?

Mais une autre pensée vint contrebalancer tout cela, amenant avec elle une véritable sueur froide. Et si Lily lui avait toujours menti ? Et si, pendant tout ce temps, sa répugnance pour Potter et ses amis avait toujours été feinte ? Peut-être qu'à chaque fois qu'elle allait dans son sens en insultant les Maraudeurs de « voyous » ou de « brutes » pour le calmer, dans sa tête, elle était en adoration pour James Potter ? Peut-être que, dans son dos, elle regardait avec envie ce bad boy avec des étoiles plein les yeux.

Severus se sentit profondément insulté par cette image. Insulté et trahi. Lui, il n'avait été que le garçon doux, gentil et inoffensif qu'elle avait rencontré dans un bac-à-sable. Et pendant qu'il restait un gamin à jouer avec ses stupides cartes Sorcereur, Lily avait fini par devenir aussi stupide que les autres filles et était tombée en pâmoison devant Potter et ses amis.

- Rogue ? Il faut qu'on parle, maintenant.

- Oui. Ça suffit, de nous éviter.

Il ignora Regulus et Narguise qui venaient de se poser sur le banc, en face de lui, de l'autre côté de la table des Serpentard. Cette arrivée avait au moins eu le mérite de lui boucher la vue, dissimulant l'image de Lily et Potter qui continuaient à se câliner.

- Je commence à penser que tu avais raison, Rogue, poursuivit Narguise de son habituel ton sérieux, ça fait deux mois que l'Atout a débuté sa mission pour... Eh bien pour tu-sais-quoi et tout ce qu'on a trouvé, c'est deux cristaux.

- Ouais, surenchérit Regulus, tu avais raison, finalement. Ce type est dépassé par les évènements.

Severus en voulait à Lily, c'était certain. Mais il s'en voulait aussi à lui-même. Pendant qu'elle avait grandi, qu'elle devenait une jeune femme impressionnable par des « trucs d'adultes » comme le risque, l'héroïsme ou la grandeur (que certains crétins voyaient se refléter dans le Quidditch), lui, il n'était resté qu'un enfant qui jouait aux cartes et qui se plaignait de tout. Si seulement il avait eu le déclic plus tôt ! Si seulement il avait pris la décision de devenir un Mangemort plus tôt, Lily n'aurait même pas remarqué ce bon-à-rien de James Potter tant elle aurait été impressionnée...

- Eh-oh ! Tu nous écoutes, Rogue ?

Severus tourna un regard rempli de reproches vers Regulus. Mais une autre pensée traversa son esprit. Certes, il avait trop traîné. Mais mieux valait tard que jamais. A présent, son espoir était la revanche, la réussite et la grandeur. Il allait leur montrer... Il allait leur montrer, à tous.

Et le meilleur moyen d'y parvenir restait d'agir avec Regulus et Narguise.

- Je vous écoute, répondit-il finalement, et je ne sais pas si j'avais raison. J'ai paniqué. Peut-être que l'Atout sait ce qu'il fait, finalement...

- Non, il ne le sait pas, trancha Narguise, c'est ce que j'ai essayé de te dire toute la semaine. J'ai fait des recherches durant les vacances. D'après Objets magiques effacés par le temps, certaines Portes de Verre datant de quelques siècles seulement nécessitaient beaucoup de cristaux pour les faire s'activer et le résultat n'a pas toujours été à la hauteur. En France, ils ont retrouvé une Porte de Verre datant du début du XVe siècle. Tu sais combien de cristaux il fallait pour la réactiver ? Dix-huit ! Et quand ils ont réuni ces dix-huit cristaux, la Porte était tellement vieille et fragilisée par le temps qu'elle a explosé sous la trombe de magie que cela a provoqué. Alors imagine un peu le nombre de cristaux qu'il nous faudra pour une Porte de Verre plus vieille encore que Poudlard et le résultat que cela pourrait avoir !

- Et on n'en a que deux, mon vieux, souffla Regulus, découragé.

Effectivement, vu sous cet angle, le projet de l'Atout semblait grandement compromis. Mais Severus eut un sourire.

- Eh bien, c'est encore mieux, dit-il.

- Comment ça, c'est encore mieux ?

- Si l'Atout ne peut pas réaliser sa mission, nous la réaliserons à sa place. Tu as dit que tu as fait des recherches durant les vacances, Everglade ? Eh bien, moi, j'ai fait une découverte. Rendez-vous ce soir vers dix-neuf heures dans le couloir du septième étage, vers la tapisserie de Barnabas le Follet. J'ai quelque chose à vous montrer.

Les Maraudeurs et le Maître des Corbeaux (tome 7)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant