« L'unique droit qu'il reste à un homme n'est-il pas de crever comme il veut... »
Stefan ZweigBien entendu, nous sommes désarmés devant le phénomène Victor mais son étude est un puits sans fond de connaissances.
17h11, le sujet sort de sa chambre. C'est un homme de type caucasien vêtu d'un T-shirt Superman et d'un caleçon à damiers noir et vert. 17h11 toujours, le sujet s'écroule directement dans le canapé sans dire un mot, tout en fixant le vide en face de lui. 17h13, prise de conscience que je l'observe. Ce qui n'a pas l'air d'avoir une grande conséquence sur son comportement puisqu'il glisse en toute impunité sa main dans son caleçon. Un réflexe inné sûrement. 17h17, envie soudaine d'aller chercher quelque chose à manger dans la cuisine. 17h18, le sujet développe une forme de syndrome de la Tourette : « Putain de merde, j'arrive pas à ouvrir ce pot à la con ! ». 17h21, retour à sa position de prédilection : le canapé, avec deux tartines de Nutella.
- Juste, on est rentré comment hier ?
- Dans ton cas Mingus, complètement bourré !
- Ouais j'ai pris cher hier. Me rappelle vite fait la fin de soirée mais après oualou.
- Rien de glorieux. Tu étais à un stade où tu n'arrivais plus à parler en français. On est parti à pied, on a mis deux fois plus de temps que nécessaire pour rentrer. Sur le chemin tu tentais d'interpeller les gens pour savoir s'ils n'avaient pas une bière sur eux, enfin c'est ce qu'on a compris. Puis Nath t'as aidé à monter les escaliers et t'as couché dans ton lit.
- J'te rassure, même penser en français c'était tendu. Sarah n'est pas rentrée avec nous ? Demande Superman.
- Non elle est repartie avec l'allemand. D'ailleurs, il était outré de te voir faire des souflettes au chat.
- C'est bien connu, ils n'ont jamais fait de mal les allemands, laissé-je échapper.
Victor sourit. Puis il reprend son sérieux.
- Elle est allée dormir chez l'allemand alors !?
- Faut croire.
- La salooope !
Evalina lève les yeux au ciel et renchaine :
- Bon j'ai une mauvaise nouvelle pour toi Mingus.
- Quoi la télé est en panne !? Interroge-t-il soucieux.
- Non, la télé va bien. Seulement, je te rappelle que c'est à ton tour de passer l'aspirateur et de descendre les poubelles.
- Nan j'peux pas !
- ...C'est quoi l'excuse, c'est chabbat ? Me renseigné-je.
- Nan mais j'ai trop mal à la hanche. Regarde ça fait un bleu ! Exprime-t-il en soulevant son t-shirt pour nous montrer l'hématome.
- Je crois savoir d'où ça vient, raconte Evalina. Hier, tu as demandé à une fille « si tu pouvais lui toucher le clito, car ça te portait bonheur ». Mais c'est son mec qui se trouvait juste à côté qui t'a répondu. Il t'a poussé et t'es tombé comme une loque sur le trottoir.
- ... M'en souviens pas.
- J'imagine. Mais ce n'est pas une excuse valable pour te soustraire à notre planning ménage !
- Et puis tu es la seule personne que je connaisse qui passe l'aspirateur assise, donc ça ne devrait pas poser de problème, achevé-je.Un peu plus tard dans la journée, on se regarde tous les trois sans rien dire. Il ne manque plus que la musique Il Triello d'Ennio Morricone et on serait parfait dans le rôle du bon, Evalina, de la brute, Victor, et du truand, moi. Dans ce face à face à face, je parie que c'est Evalina qui tirera la première et le pauvre Victor sera grièvement blessé. Dans un dernier râle, il essaiera de répliquer mais en vain, Evalina lui assénera le coup de grâce. Quant à moi j'aurais joué mon rôle à la perfection, j'aurais profité du spectacle, assis aux premières loges, écoutant chaque parole, épiant chaque mouvement. Le tout dans un silence le plus total.
- Bon Mingus tu va m'écouter avec toute ton attention, lance Evalina. Qu'est-ce que je disais. La poubelle quand elle est pleine elle se change !
- Elle est pas entièrement pleine, on peut encore y mettre deux trois trucs. Comme la bouteille de lait, tiens regarde, rétorque Victor en joignant la parole au geste.
Evalina renchaine de plus belle.
- Non ! Comme tu peux le constater quand tu rajoutes la bouteille de lait, le couvercle ne ferme plus totalement et les charmantes odeurs de poubelle se répandent dans tout l'appart.
- Ça va... ça sent pas vraiment mauvais, ça sent la nourriture.
- Non ça sent l'œuf pourri avec des relents de poisson alors qu'il s'agit d'un rôti de bœuf. Je n'ai même pas envie de discuter, alors tu vas prendre ce sachet plastique, tu le sors de la poubelle, tu lui fais les oreilles de Mickey et tu vas le descendre au container en bas.
- Ok. Mais juste, c'est quoi les oreilles de Mickey ?
C'est la question de trop. Victor se tape le cours de la fermeture de sachet poubelle repris pour la quinzième fois. Pour le cas pratique, Evalina se tient à côté de lui, une poêle à crêpe à la main au cas où il se trompe.
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(sans)timent
RastgeleAvez-vous déjà imaginé ne ressentir aucune émotion ? C'est ce que vit Nathanaël Detrait, un jeune homme de 27 ans, atteint d'ataraxie depuis sa plus tendre enfance. Face à n'importe quelle situation il ne ressent rien. Absolument rien. Alors, tel u...