Chaoitre XXVIII

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« L'homme est-il une erreur de Dieu, ou Dieu une erreur de l'homme ? »
Friedrich Nietzsche

Tout à l'heure Victor a découvert que je lui avais menti au sujet des places pour le salon du chiot. C'était hors de question de le lâcher dans un endroit pareil. Alors je les ai données au petit Oblet pour qu'il y aille...il a dû parler.
Victor m'a sorti tout son réquisitoire : le couplet sur la trahison, celui sur l'amitié et celui sur le mensonge. A croire qu'il représente l'intégrité personnifiée. Devant cette mauvaise foi incarnée, je l'ai mis au défi de ne pas dire un seul mensonge jusqu'au coucher. Par fierté il a voulu relever le défi.
Sarah vient justement d'arriver, elle est toute apprêtée pour se rendre à la soirée organisée par Loïc, une de ses connaissances, qui fête son anniversaire.
- C'est quoi cette robe ? Questionné-je. Tu ne m'avais pas dit que c'était SM ce soir. J'aurais pris une cravache.
- C'est une robe de soirée.
- Non. Ça c'est ce que les mecs font porter à leur copine pour les fantasmes sexuels dans l'intimité.
- Pfff t'es bête !
- Ah oui ? Victor, qu'est-ce que tu penses de la robe de Sarah ?
Il me lance un regard mécontent et soupire un grand coup.
- ... C'est un truc de chaudasse qu'on a envie de déglinguer sur la machine à laver, exprime-t-il à contrecœur. Je ne demandais pas tant de franchise mais puisque tu y tiens.
Je regarde alors Sarah en haussant les épaules.
Pour sa défense, elle est célibataire et comme elle ne peut pas tout miser sur son intellect, c'est le seul moyen qu'elle a pour trouver un sarahculteur.
Evalina sort de la salle de bain, fraiche et pétillante drapée d'une robe à pois et nous partons.

Lorsqu'on arrive dans les derniers à une soirée, on a l'impression d'être un homme politique en campagne, il faut saluer tout le monde d'un coup. Sartre dit que « l'enfer c'est les autres ». C'est maintenant que ça va se vérifier. Après avoir fait un rapide trombinoscope mental de toutes les personnes présentes. C'est parti pour le tapage de bises et le serrage de mains.
La poignée de mains. Qu'elle soit molle, moite, musclée, accompagnée d'un geste de la main gauche, très courte, longue, du bout des doigts, ce que je regarde en premier dans une poignée de main, c'est l'inclinaison de la paume. Elle va révéler en partie la personnalité du sujet en face de vous.
Trois cas de figures :
Dominatrice : paume tournée vers le bas.
Équilibrée : paume droite.
Conciliante : paume tournée vers le haut.
Par manie, je vais avoir plutôt tendance à retenir le nom et le visage des personnes qui utilisent la poignée de main dominatrice.

Un type affublé d'un bonnet en laine et d'un polo rayé arrive droit sur moi. Il sort de but en blanc :
- Tu bosserais pas dans les pompes funèbres ?
- Il parait.
- Il me semblait bien que ton visage me disait quelque chose. On est passé par vous pour les obsèques de ma grand-mère... Je me suis toujours demandé, c'est vrai que vous croquez les pieds des morts ? Même pas cinq minutes que je suis là.
- Oui pas le choix, on n'a pas l'autorisation pour le viol.
Sans attendre sa réaction, je rejoins Evalina, après m'être servi un verre de vin. Elle discute avec deux autres filles, qu'elle a l'air de connaître. Au moment où j'arrive à leur portée, pour prendre la conversation en cours, j'entends la plus grande des deux faire une remarque à Evalina.
Non seulement elle se targue d'exhiber son 95D mais en plus elle se permet de faire des réflexions gratuites et plus que désobligeantes sur la poitrine d'Evalina.
Prends des gants avant de lui parler Nathanaël.
- Oui, on m'a demandé de choisir entre une grosse poitrine ou rentrer dans du 34...j'ai choisi de rentrer dans du 34 ! Explique Evalina futilement courroucée.
- Moi je préfère avoir une grosse poitrine ! Je crois que les hommes aussi, en tout cas c'est ce que leurs regards laissent sous-entendre. Une prétentieuse, génial. Oui je vais mettre des gants...avant le fist anal.
- ...Ils te regardent peut-être quand tu te pavanes en ville avec un beau décolleté ou lorsque tu portes un tee-shirt blanc dans les parcs aquatiques, certes. Mais tu n'as pas l'impression qu'ils te reluquent comme un sac à viande ? Au moins les types qui viennent parler à Evalina, la regardent dans les yeux. Combien se souviennent de la couleur de ton iris ? Un doigt.
- Sans compter les inconvénients que ça engendre : problème de dos, tiraillement dans la nuque, position pour dormir...quand tu fais du sport tu es à l'aise ? Tu ne transpires pas trop sous les seins ? Enchaine Evalina. On joue en double. Excellent.
- A mon avis elle n'est pas concernée par la question du sport, affirmé-je en la reluquant des pieds à la tête. Tu l'imagines faire de la corde à sauter sans que ça devienne risible ou vulgaire ? Deux doigts.
- Pas vraiment non.
- Vous allez arrêter ! Nous somme la fille à ses côtés.
Mais étrangement, je ne tiens pas compte de son intervention.
- Sans parler de la loi de l'attraction universelle. Newton, la gravité,...
- Tu as raison. Au vu de sa poitrine plantureuse, sa peau va se détendre de plus en plus et ils vont tomber, inexorablement...jusqu'à atteindre son nombril.
- Au test du crayon de papier, tu crois qu'elle peut en faire tenir combien sous ses attributs mammaires ? Trois doigts.
- Si je te donne le nombre auquel je pense, on risque de la vexer.
- Cela ne me gêne pas. Quatre doigts.
- C'est bon ça suffit maintenant ! Hurle avec une voix de charretière la plus petite des deux en me regardant.
Trop tard, Madame 95D s'est éclipsée telle une sèche dissimulée derrière son nuage d'encre. Dommage je n'avais pas fini, il restait le meilleur à venir...quand je referme le poing à l'intérieur.
- Au lieu de nous donner des ordres, si tu allais plutôt visionner des tutos maquillage. C'est le minimum, étant donné le cataclysme beauté que tu nous as fait avec ton rouge à lèvres. Douce Evalina, à mes côtés comme toujours. Son radar à con s'est enclenché et la folie qui la ronge la pousse à s'ébattre avec son plus fidèle partenaire.
- Repasser une couche sur ton rouge à lèvre écaillé n'était pas la meilleure idée que tu aies eue aujourd'hui. Enfin j'espère, révélé-je en examinant de près sa bouche. Cette épaisseur supplémentaire est très mal répartie, à certains endroit on voit des surplus alors qu'à d'autres on devine des gerçures et de petites ridules.
- Sans oublier ton arc de cupidon qui n'est ni fait ni à faire !
- Va rejoindre ta copine. Elle pleure. Et si tu restes ici, il risque de t'arriver le même sort.
La fille s'en va la tête basse et sans un mot. Elle a dû prendre conscience que si elle insistait, ça aurait mal fini pour elle.
- Tu crois qu'on abuse parfois ? Me demande Evalina.
- Non. Si c'était abusé, j'aurais mauvaise conscience.
Un rire Nathanaël lui échappe.

(sans)timentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant