T.2 | Chapitre 2

21.1K 1.1K 271
                                    


Hillmore University, Angleterre

Lundi 8 janvier

[Soren]

Une fille aux cheveux brun-roux et au faciès couvert de taches de rousseur me dévisage, abasourdie. Ses iris noisette me détaillent de haut en bas, comme si elle n'en revenait pas que je me tienne devant elle. La grimace que forment ses lèvres pulpeuses m'indique qu'elle n'est clairement pas contente de me voir.

Je la reconnais, c'est la nana qui m'a bousculé tout à l'heure. Elle porte encore sa doudoune par-dessus son uniforme et une valise qui fait deux fois sa largeur trône à ses côtés.

— Comment es-tu rentrée ?! dis-je voyant qu'elle ne répond pas à ma première question.

— Avec ça, réplique-t-elle en levant une clé.

Son ton est sec, pourtant, je remarque la rougeur de ses yeux. Ses paupières sont également gonflées, comme si elle avait passé des journées entières à pleurer. Cette expression déprimée contraste avec la sévérité qui brille dans son regard.

Je m'en moque de ses états d'âme. Ce qui m'intéresse, c'est : comment a-t-elle eu cette clé ?

— Et puis-je savoir comment tu as eu ça ?

— Parce que c'est la chambre que l'on m'a assignée.

Je fronce les sourcils. Comment ça, assignée ? Je me doute qu'avec la fermeture temporaire de la Silver House, j'allais avoir un nouveau coloc après le départ de Camille, mais je ne m'attendais pas à ce qu'on y loge une fille. Les chambres ne sont pas mixtes.

Sont-ils dans la merde à ce point-là ?

— C'est la dernière chambre disponible, ajoute-t-elle dans un murmure, les prunelles perdues dans le vague.

Tandis qu'elle fixe un point invisible sur la droite, je l'observe de longues secondes. Elle a l'air épuisée.

— Tu n'es rentrée qu'aujourd'hui ?

— Oui. J'étais en échange linguistique au premier semestre, répond-elle machinalement.

— Master en langue ?

— En langue et traduction.

— Lesquelles ?

— Français et allemand. J'étais à Berne, en Suisse.

Un ange passe et je me rends compte que nous digressons. D'une voix détachée, je reprends :

— Bref, je vais passer au service administratif pour voir s'il peut faire quelque chose.

— La secrétaire m'a dit qu'une étudiante était partie hier soir.

Je cille. Comment ça ? Mon colocataire était bien un garçon. Puis, le malentendu me frappe.

— Camille, dis-je.

— Tu partageais la chambre avec une fille ? s'étonne-t-elle.

— Non, c'est un mec. Camille est un prénom mixte. On a tendance à l'oublier, car il est majoritairement utilisé au féminin.

— La secrétaire a cru que...

Je la coupe, agacé :

— Ouais, elle s'est plantée.

En même temps, ça ne m'étonne pas. Le réaménagement logistique qu'a entraîné l'incendie de l'internat a rajouté une charge de travail considérable au secrétariat.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant