T.2 | Chapitre 41

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Angleterre

Mardi 18 juin

[Soren]

Ma main glissée dans celle de Kate, j'avance lentement dans les allées du cimetière. Ce n'est pas moi qui traîne des pieds, mais bien le petit bout de femme à la chevelure de feu et au sarcasme indéfectible qui serre mes doigts de plus en plus fort à chaque pas.

Je lève les yeux vers le ciel bleu et les plisse pour éviter de me brûler les rétines. Le beau temps s'installe enfin.

Nous sommes le dix-huit juin. Les partiels ont pris fin hier. L'année scolaire est officiellement terminée. J'avoue avoir sué ces dernières semaines. Je me suis rendu compte que j'ai été encore moins investi que d'habitude dans mes cours ce semestre-ci. J'ai dû bosser comme un malade pour m'assurer d'avoir la moyenne. Heureusement, savoir que ma mère serait acquittée m'a enlevé un poids et étudier a été plus facile avec cette charge mentale en moins. Son jugement a eu lieu le week-end dernier. Comme elle nous l'avait assuré, à Noalia et moi, elle a été déclarée non coupable et son recours à la légitime défense a été reconnue par la justice.

Ma mère est une femme libre et mon père, un homme enterré à six pieds sous terre. Je ne suis pas allé à son enterrement. Peu de gens y ont assisté. Les circonstances de sa mort ont fuité dans les médias. Aucun de ses collaborateurs ou de ses soi-disant amis n'a voulu être associé à lui. Même si la plupart n'en avaient rien à faire qu'il battait sa femme, ce n'est pas bon pour leur image publique. Être bien vu, c'est l'atout des riches qui fricotent avec la criminalité. Il faut avoir l'air publiquement clean pour pouvoir frauder dans l'ombre. C'est ainsi qu'ils évitent les problèmes. Une belle hypocrisie qui me dégoûte.

Quant à mère, je dois la revoir ce week-end. Pour l'instant, elle vit chez une amie. Elle veut revendre la maison et recommencer sa vie ailleurs. Je la comprends. Moi non plus, je ne pourrais plus vivre entre ces murs qui renferment de terribles souvenirs.

Si j'arpente le sentier du cimetière aujourd'hui, ce n'est pas pour aller cracher sur la tombe de mon paternel. Le dix-huit juin, en plus d'être l'anniversaire de Kate, est également la date du décès de sa sœur. Elle a souhaité que je l'accompagne pour me la présenter. Je n'ai pas pu refuser. Puis, je sais que c'est un jour difficile pour elle. Elle m'a beaucoup soutenu ces derniers mois. C'est à mon tour de lui montrer que moi aussi, je serais toujours là pour elle.

Le coach nous devance de quelques mètres. Son pas est plus rapide que celui de sa fille, mais toute la vivacité qu'il dégage sur le terrain a disparu. Lorsque Kate m'a emmené jusqu'à sa voiture, garée dans le parking réservé au personnel à l'arrière du campus, il n'a pas bronché en m'apercevant.

— Soren va nous accompagner. J'aimerais lui présenter Maddy, lui a-t-elle lancé.

Il n'avait rien dit. Il s'est contenté d'acquiescer avec un sourire chagriné. L'image qu'il m'a renvoyée m'a déchiré le cœur. Cet homme qui semble toujours en colère et qui paraît constamment sévère affichait une expression d'une profonde tristesse. Je suis honoré qu'il accepte de me montrer cette part de lui.

Nous bifurquons sur la droite. Après encore quelques mètres, le père de Kate s'immobilise devant une petite pierre tombale. Les cimetières, malgré une certaine quiétude qui y règne, sont loin d'être les endroits les plus réjouissants du monde. Toutefois, il n'y a rien de pire que de s'attarder sur les tombes d'enfants qui nous rappelle l'injustice d'un cycle de vie bien trop court.

Le coach s'effondre à genoux devant la sépulture. Je ne vois pas son visage, mais ses épaules voûtées parlent pour lui. Kate, une fleur dans sa main libre, me lâche et s'avance vers son père. Elle pose la fleur sur la dalle de pierre et pose ensuite ses doigts sur l'épaule de son parent.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant