T.2 | Chapitre 35

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Hillmore University, Angleterre

Dimanche 14 avril

[Kate]

Je suis en train de regarder une série dans mon lit, l'ordinateur posé sur les genoux, quand l'écran de mon téléphone s'illuminant attire mon attention. Je le prends et ouvre notre conversation à trois avec Clara et Laura dans laquelle elles s'envoient des GIF de mouette. J'étire un petit sourire amusé et reviens sur le menu. Il est bientôt vingt heures. Soren ne devrait sans doute pas tarder.

Il n'a pas répondu à ma petite blague du matin, quand je lui ai envoyé cette photo de moi roulée seule dans les draps. J'ai trouvé ça étrange, mais je ne m'en inquiète pas plus que ça. Ce n'est qu'un message et il va bientôt passer le pas de cette porte. Comme pour confirmer mes pensées, le battant s'ouvre lentement. Mon coloc pénètre dans la pièce, son sac à la main. Je déplace mon ordinateur et pousse la couette pour libérer mes jambes.

— Voilà seulement que tu rentres, chéri ? Où étais-tu donc ? Encore à la taverne ?

Il ne réagit pas à mon petit commentaire humoristique. Je ne suis même pas certaine qu'il l'ait entendu. Il fixe le sol et en un coup d'œil, je remarque que quelque chose ne va pas. Avec une mine plus sérieuse, je me lève et le rejoins.

— Tout va bien ?

Je veux prendre sa main libre entre les miennes, mais il ne me laisse pas faire. D'un geste brusque, il la fourre dans sa poche. Je fronce les sourcils, un sentiment d'inquiétude grandissant dans ma poitrine.

— Ouais, ça va, répond-il d'une voix rauque.

Je le détaille de longues secondes. C'est marrant parce que tout ton corps crie le contraire.

— Il s'est passé quelque chose ce week-end ? Ton père a-t-il...

En haussant le ton, il me coupe :

— Ça va, je te dis !

Je recule d'un pas face à sa réaction excessive. Nos regards se croisent et ce que j'y lis me serre le cœur. Bien sûr que non, ça ne va pas. J'ignore quelle expression je lui renvoie, mais la sienne se crispe davantage.

Il pousse un soupir tremblant. Celui qu'on expire pour ravaler un sanglot. Il baisse un instant les yeux avant de les relever dans ma direction. Il ouvre la bouche, puis la referme. Il soupire à nouveau, comme si les mots refusaient de franchir ses lèvres.

Parle-moi, ai-je envie de lui hurler. Cependant, je n'en fais rien et attends patiemment.

— J'ai besoin d'espace. J'ai besoin d'un peu de temps, finit-il par lâcher.

Sa réponse ne me plaît pas. À vrai dire, elle me déconcerte. Qu'est-ce qui a bien pu se passer là-bas ?

Un boulet tombe dans mon estomac et un mauvais pressentiment m'étreint la poitrine. Je m'efforce de le chasser.

— Pas de problème. Je te laisse tranquille. Néanmoins, si tu as besoin de parler, peu importe le moment, je serai là.

Il ne réplique rien. Même pas par un hochement de tête. Il se contente de me lorgner avant de s'enfermer dans la salle de bain. L'ambiance est glacée dans la pièce et les températures n'y sont pour rien. Jamais encore il n'y avait régné entre nous une telle atmosphère. Seule, je frissonne et ravale la boule qui me compresse la gorge.

Qu'est-ce qui ne va pas ? Comme en sommes-nous arrivés là ? Qu'est-ce qui a bien pu le mettre dans un tel état ?

Pendant une seconde, je suis tentée d'envoyer un message à Noalia. D'ailleurs, mes jambes s'animent toutes seules et se dirigent vers mon téléphone. Je le déverrouille avec l'espoir d'y trouver un message de sa part qui m'explique tout. Je suis dans l'incompréhension totale, mais je n'ai pas envie d'interroger Soren par la force. Il n'a vraiment pas l'air bien. Je vais donc devoir prendre sur moi et respecter son besoin de solitude jusqu'à ce qu'il soit prêt à me parler.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant