T.2 | Chapitre 37

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Hillmore University, Angleterre

Samedi 20 avril

[Kate]

Assise sur mon lit, je fixe Zayn adossé contre le mur de notre chambre. Il arrête de faire rouler son cure-dent et je suis presque certaine d'avoir entendu le bout de bois craquer dans sa bouche.

— Tu quoi ? lâche-t-il.

— Je voudrais prendre un rendez-vous avec ton père, répète Soren.

Son meilleur ami arque un sourcil. Il avait parfaitement compris la première fois, mais il a l'air si surpris qu'il voulait sans doute être sûr d'avoir bien entendu.

Lorsque mon coloc m'a fait part de son plan, c'est-à-dire tuer son propre père, j'ai eu un pas de recul. Cette solution extrême m'a fait ciller, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Dans l'éducation que j'ai reçue, dans le système dans lequel j'ai évolué, le meurtre ne peut pas être une réponse envisageable à un problème. C'est ainsi que fonctionne notre société, du moins sur cette partie du globe, puisque ce genre d'acte est condamné par la loi.

Donc, à l'annonce de sa décision, j'ai d'abord été envahie par de nombreuses contradictions. Je venais de le retrouver, je voulais rester auprès de lui, mais en même temps, je voulais le fuir. Il va délibérément avoir du sang sur les mains, même s'il s'agit de celui d'un être abject. Face à ma réaction, Soren est resté silencieux. Il m'a laissé digérer l'information et j'ai pris quelques minutes pour réfléchir. Je me suis rappelé où j'étais : dans une école dans laquelle les étudiants ont un lien avec le monde du crime. Je me suis rappelé que ces gens-là étaient issus de cette part d'ombre de la société, cette partie qu'elle n'assume pas, pourtant qu'elle a elle-même créée.

Un homme comme le père de Soren ne sera jamais puni par la justice traditionnelle, rien ne sert de se leurrer. Il est malin, à de l'influence et de l'argent. Quand bien même une sentence serait prononcée, il aura toujours un complice quelque part pour le sortir de prison. C'est un homme qui danse sur les règles, qui plie le monde à sa volonté. Si on n'oublie le fait que tuer est défini comme un acte condamnable, le faire disparaitre semble en effet le meilleur moyen pour qu'il cesse de faire du mal aux gens qui l'entourent.

Alors, bien que je ne cautionne pas la méthode de Soren, je l'accepte et je le soutiendrai. Je ne lui tiendrai jamais rigueur de son choix, car à sa place, j'aurais peut-être fait le même. Je dois accepter que ce genre de règlement de compte existera toujours, qu'un monde parfait dans lequel tout est juste et chaque individu respectent ses règles est une utopie. D'ailleurs que je sois d'accord ou non avec ça ne changera jamais la réalité. Le monde est cruel. Les humains sont cruels.

Je sors de mes pensées et écoute Soren en train d'expliquer ses motivations à son meilleur ami. Il veut une bonne fois pour toutes se débarrasser de son géniteur, sauver ses proches – dont je fais partie – et laver son nom.

— Tu en es bien sûr ? demande Zayn.

Assise sur le lit de Soren en face de moi, Evy les détaille attentivement. Elle n'a encore rien dit.

— Oui. C'est à ça que servent les tueurs à gages, non ? À agir là où la justice a échoué, ou dans mon cas, échouera.

— En effet.

Mon coloc leur explique ensuite cette histoire de mariage arrangé et les menaces que son paternel a formulées à l'encontre de mon père et moi, d'où son comportement blessant envers moi. Il ôte ensuite son haut pour leur montrer son dos. Evy pose sa main sur sa bouche et Zayn se rembrunit.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant